White Material par Maqroll
Claire Denis s’attaque de front au terrible sujet de la colonisation et de ses impasses idéologiques et moralisatrices. À travers le portrait d’une femme énergique et obstinée, qui n’est pas sans rappeler le personnage central d’Indochine, nous assistons à la lente prise de conscience du fait que les Blancs (le « White Material ») ne sont pas vraiment chez eux en Afrique et qu’il n’est pourtant pas aussi simple de les en chasser sans autre forme de procès. Isabelle Huppert est magnifique dans un rôle qui semble avoir été écrit pour elle (un peu trop ?) et Christophe Lambert semble ressuscité des morts tant il y avait longtemps qu’on ne l’avait pas vu dans un rôle crédible. La mise en scène de Claire Denis est admirable de maîtrise, d’inventivité et même de virtuosité. Rien n’est épargné par exemple de la violence et même des atrocités obligatoires dans ces luttes fratricides mais presque rien n’est montré et tout est indiqué ou suggéré avec une discrétion qui délaisse l’effet facile pour mieux aller à l’essentiel. Même si le propos aurait sans doute pu être poussé un peu plus loin et si certaines métaphores sont discutables (le fils fou qui périt par le feu par exemple), Claire Denis confirme ici avec brio qu’elle est bien l’une des figures marquantes du cinéma français actuel.