Seconde incursion pour ma part dans l'univers éclectique et frondeur du cinéaste japonais Sono Sion, et nouvelle érection en béton armé face à ce Why don't you play in hell ?, joyeux bordel inclassable et quasiment impossible à résumer sans en ternir la portée et la folie.


Sorti directement en DVD dans notre beau pays élitiste, Why don't you play in hell ? est un maelstrom de folie, de délires visuels, de violence graphique et de freaks en tout genre. Le pauvre spectateur égaré fera la connaissance d'une bande de cinéastes en herbe paumés dans leurs rêves de gloire, d'un yakuza prêt à tout pour que son ancienne enfant-star de fille soit la vedette d'un film dans le seul et unique but de couvrir de fierté sa femme emprisonnée depuis dix ans pour le meurtre de rivaux, d'un chef de gang obsédé par la gamine susnommée, de la starlette en question manipulatrice et prisonnière de son image de fillette au sourire Colgate, ainsi que du malheureux puceau payé pour jouer son petit ami le temps d'une journée.


Une multitude de personnages tous plus barrés les uns que les autres, tour à tour détestables, égoïstes, ridicules et finalement attachants, Sono Sion se gardant bien de les juger, mettant au contraire en lumière leurs failles et leurs espoirs déçus. Une occasion pour le cinéaste de revenir avec nostalgie sur un cinéma organique de plus en plus rare désormais, fait avec les tripes et le coeur, au détriment de tout bon sens, regard amusé et un brin mélancolique sur ses films tournés façon guerilla.


Narrant avec une énergie toute juvénile la rencontre forcément sauvage entre deux mondes au premier abord très différents, Sono Sion établie un parallèle intéressant entre cinéma et crime organisé, deux univers en constante mutation mais ironiquement condamnés à tourner en rond, à reproduire les mêmes schémas encore et encore.


S'achevant sur un final d'anthologie, gigantesque partouze de fureur, d'humour noir, d'émotion à fleur de peau et d'hémoglobine, Why don't you play in hell ?, malgré un léger ventre mou à mi-parcours, est une oeuvre remarquable et réellement touchante, d'une constante inventivité, shootée avec l'énergie du désespoir par un p'tit gars d'une cinquantaine d'années qui n'a pas fini de nous en foutre plein les mirettes.

Gand-Alf
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Ces inédits qui auraient mérité une sortie en salles., Un film, une scène., Instant cinéma 2015., Sono Sion. et Soleil levant.

Créée

le 20 mai 2015

Critique lue 1.3K fois

36 j'aime

9 commentaires

Gand-Alf

Écrit par

Critique lue 1.3K fois

36
9

D'autres avis sur Why Don't You Play in Hell?

Why Don't You Play in Hell?
TheBadBreaker
9

Why so serious ?

Je pensais qu'avec Love exposure, j'avais vu un bel aspect du côté déjanté et décalé de Sono Sion, réalisateur que j'apprécie de plus en plus. Malgré le synopsys de Why don't you play in hell, qui...

le 27 mars 2014

74 j'aime

9

Why Don't You Play in Hell?
Sergent_Pepper
5

Pas taper : je suis vieux.

Alors voilà, trainée de poudre dans le milieu underground, on frétille, on jubile, on s’extasie. La jeunesse est en marche, son nouveau mentor est un japonais qu’on qualifie de frappadingue, ce type...

le 20 sept. 2014

68 j'aime

23

Why Don't You Play in Hell?
Truman-
10

Critique de Why Don't You Play in Hell? par Truman-

Why Don't You Play in Hell? ou comment savoir mélanger la folie sanguinaire d'un film de Quentin Tarantino, le coté Yakuza de Kinji Fukasaku et l'hommage parfait au cinéma digne de "La Nuit...

le 26 mars 2014

51 j'aime

11

Du même critique

Gravity
Gand-Alf
9

Enter the void.

On ne va pas se mentir, "Gravity" n'est en aucun cas la petite révolution vendue par des pseudo-journalistes en quête désespérée de succès populaire et ne cherche de toute façon à aucun moment à...

le 27 oct. 2013

269 j'aime

36

Interstellar
Gand-Alf
9

Demande à la poussière.

Les comparaisons systématiques avec "2001" dès qu'un film se déroule dans l'espace ayant tendance à me pomper l'ozone, je ne citerais à aucun moment l'oeuvre intouchable de Stanley Kubrick, la...

le 16 nov. 2014

250 j'aime

14

Mad Max - Fury Road
Gand-Alf
10

De bruit et de fureur.

Il y a maintenant trente six ans, George Miller apportait un sacré vent de fraîcheur au sein de la série B avec une production aussi modeste que fracassante. Peu après, adoubé par Hollywood, le...

le 17 mai 2015

212 j'aime

20