Willie Boy
6.6
Willie Boy

Film de Abraham Polonsky (1969)

Grand film. Alors, la forme n'a rien de grandiose, on est assez loin des prouesses techniques et des plans captivants qui pouvait ce faire au sein du genre à la même époque, voire 15 ans auparavant avec les Hawks et co. Mais cette aspect brut, épuré, m'a paru être parfait pour encadrer ce récit. Polonsky se questionne sur les mythes du Grand Ouest en enlevant tout l'artifice, en se concentrant à la loupe binoculaire sur son sujet. Il tacle la misogynie, la justice pour le mal, l'abus de pouvoir mais aussi l'acceptation de sa propre condition.


Le film possède une qualité dans les dialogues indéniable. C'est direct, ça fuse, les discussions peuvent être extrêmement poignantes et peser lourd même lorsqu'elles sont courtes. Ces dialogues, attachés aux actions, permettent de tisser un relationnel relativement complexe entre les personnage, qui eux même tendent à évoluer au cours du récit. Je pense au personnage de Liz, médecin, anthropologue et officiers de la réserve. Sous sa cape extérieure de scientifique, elle peine à analyser les situations et à mettre en oeuvre son esprit critique, comme le voudrait sa fonction. Je pense à la scène où elle affirme que le couple "n'avaient pas d'ennemis". Évidemment dans sa pensée "progressiste" et strictement didactique c'est le cas, le couple n'a rien fait de mal et ils devraient pouvoir revenir dans la réserve. Mais elle ne peut cesser de regarder le monde via son propre prisme de départ, en oubliant les enjeux et les évènements matériels qui se passent (la traque de départ pour ramener les deux fuyards se transforme en une chasse). Malgré tout, elle se remet au cynisme lorsqu'elle est confrontée à la fatalité et qualifie la crispation du visage mort comme une confirmation que le temps d'être 6 feet under est venu. Et ça, Polonsky le fait pour tout les personnages, ils sont constamment sur une ligne, en équilibre et c'est les évènements (dont ils sont les acteurs ou non) qui les font basculer d'un côté ou de l'autre. Le personnage de Redford en est un autre exemple, de simple cowboy à l'étoile, il est écrasé par l'instrumentalisation de sa fonction à des fins politiques et préjudiciables.


J'ai particulièrement aimé ce film, qui semble miroiter la vie de Polonsky lorsqu'il fut traqué et attaché à la liste noire anti-américaine en tant qu'ancien sympathisant du Parti.


Le commentaire de Bertrand Tavernier sur le film et Polonsky en général, contenu dans le DVD, est hyper intéressant. Il aborde la réticence du réalisateur à qualifier son film d'antiraciste (ou de lui donner la moindre valeur morale), sa démarche d'épuration jusqu'au possible du film et dans quel contexte artistique et historique se placent les 2 films de Polonsky.

alekstreb
8
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le 13 nov. 2024

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