Willy 1er est, avant tout, et tout d'abord, un ovni cinématographique d'une singularité particulièrement rare. Il joue sur le risque d'un humour grinçant, totalement loufoque, décalé, mais aussi démesurément triste. C'est une facette sociétale d'un individu tout du moins banal de la population française. La tristesse du quotidien, une tristesse morne dans une petite vie sans prétention, extrêmement insignifiante dans sa petitesse. C'est un bout de campagne où les individus semblent coupés du reste du monde. Où l'unique culture qu'ils possèdent, ce n'est pas moins que celle du foot et du cassoulet en boîte, des PMU paumés, des tubes kitch, ringard, outranciers.
C'est un homme qui, dans son allure tout entière, est une auto-dérision à lui seul. Et là où le film fait l'exploit, c'est que jamais il ne tombe dans la moquerie pour son personnage principal, comme pour ces autres personnages. Si moquerie il y a, ce serait plutôt une moquerie tendre, bienveillante, emphatique. Cruelle aussi, de toute évidence, mais jamais méchante, au sens le plus intrinsèque du terme. Car l'acte de rire n'est-t-il pas, en lui-même, un acte des plus cruels ? Rire, comme pour s'exulter soi-même. Rire comme à l'encontre d'un élément qui provoque la dissonance, et nous fait basculer vers l'ivresse. Le rire, ce clown triste, cette élégance.
C'est un personnage à l'allure clownesque, celui d'un clown triste au corps gras, moqué. Celui d'un homme seul qui mange son cassoulet en attendant que la vie passe.
Peut-être que ce sont ces dauphins, mammifères marins, décor lumineux kitch, qui rappellent qu'il y a eu un autre film, semblant s'épouser avec l'absurdité de ce présent film : Sauvez Willy, sauvez lui, le Willy, un orque intérieur, un monstre des mers, un être qu'il faut protéger, coûte que coûte. Un être qui se doit de se protéger lui-même, puisque la société telle qu'elle apparaît, de chaque côté (l'orque menacé des filets marins tenus par des mains d'hommes d'un côté, la cruauté humaine d'hommes irrespectueux de l'altérité de l'autre), est une guerre, une décheterie, un immondice de vie, rempli d'eau et de terre, à la ligne d'horizon toute similaire. La mer, la campagne, les paysages terrestres qui semblent s'étendre à perte de vue, l'océan marin qui semble dériver à l'infini, vers un ailleurs insoupçonnable.
Willy 1er est un film cruel. Cruel, comme tous ces films voisins qui jouent sur le rire jaune, grinçant, décalé, profondément ambiguë dans sa seule intension. Les Nains aussi ont commencés petit de Werner Herzog, Ma Loute de Bruno Dumont utilisent le rire comme le grincement infiniment noir sur la multiplicité des facettes de l'existence. Le monde est cruel de toute évidence, alors il faut l'utiliser avec cynisme, cruauté, humour. Nous pouvons rire de tout. Si l'on ne rit plus de rien, c'est la mort certaine de l'individu, c'est la tristesse pauvre du monde, c'est la morosité de l'air ambiant. C'est la fin, dans sa plus organique forme.
Willy 1er est ce film qui nous dit que nous pouvons rire de tout. Qu'il n'y a pas de malaise, à rire avec ses personnages, de la désuétude d'une existence des plus plates, du pathétique de la vie, de la grisaille de l'individu, et surtout, de la facette profondément ringarde et kitch que peut-être une vie. Une vie, c'est-à-dire ce qui caractérise un individu propre, ayant une culture respective à un groupe distinct, celui par lequel il reçoit toute son éducation. Conditionné que l'on est, dans un certain groupe social, qui nous défini par la simple cause que l'on naît quelque part (et que l'on est). Et que ça, on ne pourra jamais le changer, jamais.
S'interroger sur nos origines, sur la caractérisation de notre groupe social, c'est apprendre à découvrir qui l'on est, c'est apprendre à conquérir son moi intérieur, profond, intime. C'est apprendre à se connaître soi-même pour mieux connaître les autres. Ou inversement.
Willy 1er nous dit que le rire, qu'il soit jaune, ou de n'importe quelle autre couleur, est primordial à l'existence humaine. Qu'il est même plus que tout, nécessaire. Que l'auto-dérision est précieuse. Si l'on ne peut même plus rire de soi, où va-t-on ? Droit dans le mur peut-être.
Il y a du Dolan dans Willy 1er. Dans ce côté parfois démesurément kicht, outrancier, ici absolument grotesque. Il y a aussi du Dumont, Ma Loute ou P'tit Quinquin, qui osent transfigurer les normes bien établies du rire. Willy 1er rejoint l'étrange singularité que peut-être l'humour. Une valse rétrograde, profondément beauf et pathétique.
Willy 1er, c'est la vie d'un roi qui chevauche et galope parmi la campagne plate, parmi le ciel gris et l'horizon toujours d'une platitude désespérante. C'est ce premier roi de France, debout face à son indépendance d'être humain parmi les autres.