C’est peu de dire que Taylor Sheridan était attendu pour son premier passage derrière la caméra. Devenu scénariste star suite aux cartons de Sicario et Comancheria, il était évident qu’il finirait par mettre en scène ses propres récits.
Wind River fait donc à la fois dans la continuité et la singularité. Il s’agit à nouveau d’une enquête, de personnages torturés et d’une exploration imposée de la violence des hommes. Mais là où les récits précédents s’attachaient à des éléments solaires et le versant latino de l’Amérique, Sheridan fait ici le grand écart en investissant d’autres terres originelles, celle des indiens du nord et d’un hiver particulièrement hostile.
L’exposition est saisissante, les personnages attachants, particulièrement celui de Jeremy Renner, en employé des eaux et forêt discrètement terrassé par le deuil. On retrouve bien entendu des clichés inhérents au genre, notamment dans le duo qu’il va former avec l’agent fédéral venue de la ville, une Elisabeth Olsen convaincante : l’échappée, pour les deux comédiens, de l’équipée des Avengers leur permet de prouver qu’ils savent jouer des rôles pour peu qu’on leur en écrive.
L’état des lieux des réserves, forcément miséreux et désespéré (un constat déjà fait sur l’outback par Ivan Sven dans Mistery Road, ou sur les réserves indiennes, dans une tonalité plus documentaire, par Chloé Zhao dans Songs My Brothers Taught Me) est convaincant, et s’accorde efficacement avec l’état d’esprit de ces personnages mutiques et résignés. Les décors sont superbes, l’ambiance générale bien trempée.
Reste l’intrigue et l’enquête qui motive la présentation de toute cette petite communauté. Fort de sa capacité à incarner, on aurait pu s’attendre à des développements plus subtils, voire une sortie des sentiers battus comme Comancheria était parvenu à le faire sur certains points.
C’est hélas exactement l’inverse. Ce que Taylor Sheridan prouve comme talent en terme de mise en scène (ample dans sa présentation de la nature, pertinente dans son découpage de l’espace, efficace dans les scènes dites d’action), il semble irrémédiablement le perdre dans l’écriture.
Les fusillades font irruption sans réelle nécessité, les flashbacks explicatifs sont poussifs et la résolution de l’enquête, pâle au possible, a tout du pétard mouillé.
On se serait contentés d’être déçus par la dimension policière du film si son dénouement vraiment dérangeant n’avait achevé de le rendre discutable.
Calqué sur la dynamique bien pesante des épisodes du Caméléon dans lesquels le justicier s’échinait à ourdir une vengeance calquée sur les méfaits commis pas les coupables, le récit s’achève ainsi sur une belle loi du talion, promise de longue date. Notre héros, sanctifié et martyrisé depuis le premier quart du film, a bien droit de satisfaire les pulsions vengeresses de son public, et cette condamnation à mort écolo-compatible n’est pas dénué d’une certaine classe esthétique, convoquant notamment le western d’antan.
Wind River, ou comment faire s’effondrer comme un château de cartes toutes les promesses d’une exposition maitrisée.