Une guerre ne se gagne pas uniquement par la puissance de feu, le sang et le courage déployé. La victoire peut aussi dépendre, en effet, de la maîtrise de l'information et l'art de la garder indéchiffrable aux oreilles de l'ennemi. Sur cet aspect, le cryptage Enigma, développé par les Allemands au cours de la seconde guerre mondiale, reste le plus célèbre, mis en scène, côté film de guerre, dans les sous-marins de U 571.
Windtalkers : Les Messagers du Vent, lui, met en avant un épisode plus méconnu : l'utilisation de la langue navajo par les Américains pendant la guerre du Pacifique. Prétexte pour John Woo de traiter d'une véritable hypocrisie, alors qu'un gouvernement, après avoir cherché à exterminer des natifs, les avait parqué dans des réserves tout en essayant d'anéantir leur culture et leurs racines.
Accuser Windtalkers de propagande apte à servir la glorification de l'armée US relève donc dès lors du procès d'intention. Et s'avère immédiatement caduc, comme le montre par ailleurs le racisme qui resurgit dès l'arrivée des messagers, ou encore une scène dans laquelle l'escouade est prise sous le feu absurde et incompréhensible de ses propres frères d'armes. Même si certains clichés héroïques ne sont pas évités ici, ils sont cependant la résultante de la sincérité qui étreint un cinéaste parfois un peu maladroit, mais qui s'attache toujours à mettre en scène l'évolution d'une amitié et d'un respect qui deviendront réciproques tout au long d'un récit âpre et tendu. Mêlés à des ordres qui ne peuvent que les briser immédiatement et déchirer les âmes.
Une telle humanité nourrit le film d'une flamme intense, quand les démons d'Enders le taraudent ou qu'un duo improvisé se répond, entre flûte traditionnelle et harmonica, moment de poésie typique du cinéma de John Woo. Avant de laisser la place au chaos d'un combat sans concessions, extrêmement graphique et bien méchant pour des personnages auxquels le spectateur a fini par s'attacher.
Sur ce terrain, John Woo réalise le sans faute : sa caméra évolue à vive allure au coeur des tranchées, des camps ennemis et de leurs caches enterrées. La dynamique qu'il déploie restitue la violence des oppositions ou encore la surprise des assauts japonais. Tandis que les balles sifflent et que les ordres aboyés montent, le feu dévore les corps dans une agonie affreuse. Le réalisateur ne nous épargne pas grand chose, dans un très impressionnant et spectaculaire ballet guerrier.
Windtalkers : Les Messagers du Vent n'oublie enfin pas de dessiner un véritable parcours spirituel pour son personnage principal, tout en baignant en quelques occasions dans une atmosphère étrange, voire mystique, quand il met en scène certaines traditions indiennes, ainsi que l'inébranlable optimisme de son Yahzee dans les valeurs d'un pays qui a pourtant réduit ses ancêtres au silence.
Le film de guerre vu par John Woo est ainsi parfois maladroit, mais avant tout terriblement spectaculaire, personnel et humain à la fois, montrant ce qu'un conflit armé peut faire de ses acteurs. C'est qu'on ne peut que l'aimer, ce film, après tout, loin de sa moyenne incompréhensible sur le site frôlant un anonyme injuste et pas très inspiré.
Behind_the_Mask, Woo's next ?