Fascinant enchaînement de saynètes sur fond noir.
Le fond noir, c'est probablement un symbole du génie de Wittgenstein, qui parvient à éliminer tout le superflus de ses arguments pour ne garder dans ses propositions que l'ordre logique du monde. Et ce côté saynètes donne une tonalité poétique au film, qui permet de se rapprocher de ce personnage de Wittgenstein, tout le temps dans la retenue et l'introspection. Et quand même, jouer avec la forme ainsi quand on parle d'un philosophe qui s'est principalement attardé sur le langage, c'est s'approcher de l'essence de sa philosophie, ça permet de rapprocher le concept avec le film, de casser l'impression de voir un résumé de la pensée d'un auteur sur Wikipédia. Évidemment, c'est plus simple de comprendre des problématiques liées au langage quand l'image exemplarise ce dont les personnages parlent, grâce à un martien totalement absurde qui explique que sur Mars, le doute n'existe pas parce qu'il n'y a pas d'adultes, entre autres.
Bon, mais une heure de types sur fond noir, ça pourrait être bien chiant. Sauf que non, parce que c'est tantôt drôle, quand c'est raconté par Wittgenstein enfant, tantôt assez touchant, quand ça évoque les tourments de l'âme de Wittgenstein. Et puis enfin c'est brillant, quand ça banalise l’œuvre de Wittgenstein avec une économie de mots remarquable. On comprend de quoi Wittgenstein parle, en quoi c'est une révolution... Jarman arrive à toucher le génie de cet homme et donne envie de lire ses bouquins, afin de voir à quoi le "monde de glace" qui y est décrit peut bien ressembler. C'est aussi l'histoire d'un homme, à une époque tourmentée, entre bolchévisme et nationalisme, qui cherche à faire son petit chemin dans un monde où, en tant que philosophe et en tant que gay, il ne trouve jamais sa place. On retrouve là les thématiques chères au réalisateur évidemment.
Un ovni fascinant et court. Et qui donne envie d'approfondir notre connaissance de l'homme mis au centre, retranscrit dans sa totalité. Ici on ne privilégie pas la pensée d'un génie au profit de sa vie, ni l'inverse. Les deux sont harmonieusement liés.
Le biopic idéal, sur un homme fascinant et complexe.