Wolf Man
5.5
Wolf Man

Film de Leigh Whannell (2025)

Passé de scénariste très doué à cinéaste ne cessant de monter en puissance en l'espace de quelques années, Leigh Whannell était forcément attendu au tournant avec "Wolfman", sa deuxième relecture moderne d'une figure mythique de la Hammer après un excellent "Invisible Man" qui faisait de la toute puissance à la fois symbolique, malfaisante et omniprésente de son antagoniste invisible l'habit de l'emprise d'un mari violent. Et l'on espérait au moins des ambitions aussi pertinentes et sombres autour d'un monstre revisité tel que le loup-garou, à la présence devenue finalement assez rare et sans doute trop malmenée dans ses apparitions les plus récentes sur grand écran (à quelques exceptions près). Il était donc temps de se laisser à nouveau pousser les poils, les griffes et les crocs en hurlant à la pleine lune en compagnie d'un possible futur grand du cinéma du genre contemporain qui, on le savait, avait tout le talent nécessaire pour proposer un film de loup-garou ancré dans son époque et susceptible d'être radicalement différent de ses aînés.

La bonne nouvelle c'est que le résultat montre souvent les prétentions pour remporter son pari tout en se révélant un peu plus faible que ce qu'avait su proposer le précédent film de Whannell.


Les symptômes de cette nouvelle lycanthropie démarrent d'ailleurs sous les meilleurs auspices. Intense comme un coup de patte inattendue sur l'épaule, la redoutable partie de chasse proposée par son prologue nous fait d'emblée retenir notre respiration, en ne divulguant quasiment rien de son prédateur mais en en suggérant l'ampleur de la férocité par d'habiles tours de passe-passe de mise en scène où les grognements se disputent aux manifestations du souffle rauque de la bête, encore simple silhouette furtive.

Et, c'est aussi l'occasion pour Whannell de poser les bases du discours qui vont justifier le retour de cette créature: le caractère héréditaire d'une ombre paternelle dysfonctionnelle, ne trouvant que la voie d'abus d'autorité traumatique pour exprimer ses propres peurs vis-à-vis de son enfant (amené lui aussi à commettre les mêmes erreurs).

Pour cela, quoi de mieux que d'appuyer sur l'aspect contagieux de la lycanthropie, traitée ici de manière plus clinique et donc réaliste, et faire d'un père victime de ces maux durant sa propre enfance la proie de la résurgence de cette nature enfouie... mais pas seulement. L'exposition nous dévoile aussi une famille héroïne aux liens plus largement fragiles, que ce soit en termes de rupture maritale ou de relationnel mère-fille sur le point d'atteindre un stade de non-retour, et qu'un bon électrochoc en forme d'attaque monstrueuse va devoir se charger de résoudre.


Alors qu'un concours de circonstances va ramener cette famille ainsi bousculée de toute part sur les terres natales du père (et donc du danger qui y grogne méchamment), "Wolfman" va d'abord surprendre par ce choix inattendu d'inscrire son récit dans la temporalité d'une seule et fatidique nuit, nous balançant avec la même couteau sous la gorge que ses prémices dans les tonitruantes galipettes de son loup-garou acharné qui vont conduire à rassembler les trois protagonistes principaux à un enfermement tout autant psychologique que littéral.

Là où la bête qui rôde à l'extérieur va devenir la traduction d'un père dévoré par un mal l'engloutissant de l'intérieur pour laisser place à sa nature refoulée, la lente mutation qui s'opère en lui va être également le déclencheur de tout un tas de trouvailles de mises en scène incarnant visuellement l'exacerbation de ses défaillances vis-à-vis de ses proches (par exemple, la manière que Leigh Whannell a de rendre tangible à l'écran la notion de communication devenue impossible avec l'être aimé, représentée par des travellings très bien pensés d'esprits qui ne peuvent manifestement plus rentrer en collision pour ne faire qu'un, jusqu'à être dissociés à jamais). Et il faut bien dire qu'avec cette transformation progressive emportant définitivement tout espoir de rémission pour sa victime sur son passage, "Wolfman" trouve une réelle et souvent touchante raison d'être, donnant du corps et une résolution à tous les tourments affectifs désespérés qu'il a mis en place au sein de son trio (aussi classiques soient-ils pour certains).


Cette évolution inévitable vers des ténèbres primaires va donc être rythmée par les assauts du prédateur contre ses pauvres proies qui, si elles sont rehaussées par la maîtrise indéniable de Whannell derrière la caméra (avec cette superbe photographie jouant avec les phases les plus obscures pour leur donner des teintes noir et blanc à l'image, un bel hommage aux premiers pas du loup-garou sur bobine), vont peu à peu régresser en intensité, ne pouvant rivaliser avec les moments qui nous avait tant pris aux tripes à chaque fois dans la première moitié du film.

La faute en revient principalement à un récit qui, au-delà de ses traductions symboliques, se met dangereusement à rester sur un terrain prévisible (un petit twist se laisse augurer à des kilomètres) pour ne délivrer dans sa dernière partie qu'un terrain de chasse finalement assez basique du "film de monstre" en mode survival.


C'est donc ce gros point faible qui parasite la fourrure pourtant si soyeuse et bien brossée de ce "Wolfman" par l'imagination de son réalisateur. Certes, le film a aussi pour lui de privilégier le côté practical de ses effets spéciaux, d'être assez fort quand il laisse place au body horror ragoûtant (les scènes de "grignotage", haha !) ou encore de faire appel à un excellent duo de comédiens (Christopher Abbott et Julia Garner, n'oublions pas de citer la petite Matilda Firth, plutôt douée) et, par les nombreuses autres qualités que l'on a évoqué, le résultat ne peut que nous faire aimer une proposition somme toute maligne la majeure partie de son temps sur ce qui a été fait autour du loup-garou jusqu'à aujourd'hui tout comme nous faire avoir toujours aussi confiance en Leigh Whannell pour nous offrir des choses encore plus belles à l'avenir mais, à cause de cette dernière partie trop balisée, hélas moins prenante que les évènements y ayant conduit, "Wolfman" reste plus court sur pattes que "Invisible Man" qui, lui, avait su maintenir son haut niveau sur la durée.

Dommage car, lorsqu'il est à son meilleur, le film sait si habilement nous hérisser le poil...

RedArrow
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il y a 13 heures

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