Women talking se présente comme une fable, « an act of female imagination », pour reprendre la formule de l’autrice du roman ici adapté par Sarah Polley. Il repose pourtant sur des faits réels, soit les viols systémiques de femmes dans une communauté mennonite de Bolivie au début des années 2000. Durant plusieurs années, des somnifères pulvérisés dans leur nourriture permettaient les abus sexuels durant la nuit, attribués ensuite aux forces démoniaques ou à l’affabulation des victimes.
L'horreur d'un tel postulat défie déjà l’entendement, et justifie à lui seul l’espèce d’utopie que l’on imagine en contrepoint : celle d’une alliance féminine généralisée qui décide de son sort, et élit un groupe de femmes devant prendre la décision entre rester pour contre attaquer, ou fuir pour établir une nouvelle colonie.
Le film, qui semble provenir d’une pièce de théâtre et non d’un roman, se limite donc pratiquement à un huis-clos délibératif, où un échantillon de femmes va, plus ou moins mécaniquement, apporter sa partition dans le débat : la sage, la traumatisée, la rebelle débordante de haine, etc. Le débat en tant que tel est tout à fait pertinent, questionnant la distinction entre la fuite et le départ, entre l’abandon et la liberté, la résignation et la lutte, la foi et la crainte de l’excommunication.
On saluera aussi le courage de Sarah Polley qui ne recule pas devant l’austérité, à travers une photo désaturée, de longs échanges verbaux et une attention portée aux visages, le tout avec une direction d’actrices souvent efficace. L’ensemble reste cependant assez scolaire par le champ/contrechamp mécanique pour les répliques, le saupoudrage d’images violentes pour raviver l’indignation quant aux crimes évoqués à l’oral, ou les caractères assez monolithiques des personnages, particulièrement pour l’homme instruit/déconstruit qui frôle souvent la caricature.
Il subsiste également une étrange indéfinition autour du propos général : si le fait de ne situer que très progressivement le récit dans une époque est tout à fait pertinent (on pense un peu au Village de Shyamalan sur cet aspect) pour souligner le caractère archaïque d’une société fondamentaliste, la tenue des débats achoppe plusieurs fois sur des éléments instables : les protagonistes semblent découvrir progressivement les contraintes qui sont les leurs, et le caractère hautement improbable de leur projet. Tout l’habillage scénaristique (l’absence temporaire des hommes, le compte à rebours avant leur retour) n’est sans doute qu’un prétexte dispensable : car le cœur du sujet réside bien dans le fait de laisser les femmes enfin prendre la parole et agir, en posant aux spectateurs la question cruciale de l’éducation pour brider la puissance destructrice des mâles.