"Reculer? Jamais!", Battle: Los Angeles, 2011.
Les mots manquent pour décrire ce que j'ai vécu. Hagard, en état de choc, le regard vide, je vais tenter de vous relater cette expérience de mort (cinématographique) imminente...
Je n’ai rien contre les blockbusters tant qu’ils sont bien faits, mais il semblerait que dernièrement la catégorie pur divertissement subisse une chute de sa qualité inversement proportionnelle à la quantité. A l’exception d’une très sympathique Agence tous risques et autres John Rambo ou Kick-Ass, le blockbuster d’action se voit pourri par les suites, remakes, reboots et j’en passe. Il suffit de comparer la grande époque des Die Hard, Predator, Terminator, Robocop, Starship Troopers, Volte/Face et autres aux actuels Transformers, Fast & Furious, ou suites des franchises cultes citées plus tôt pour constater le gouffre qui les séparent.
Battle : Los Angeles a beau nous venir du réalisateur de Massacre à la tronçonneuse : le commencement, je dois dire que la bande annonce m’avait agréablement surpris. Un film d’action à mi chemin entre Independence Day et La chute du faucon noir, pourquoi pas, on laisse le cerveau à l’entrée, on prend les pop corns et en avant.
Mais il y a un souci de taille - je m’excuse d’avance de casser le suspense: ce film est un étron XXL. Ici il n’est pas question de subjectivité, d'imposer son avis, non, c'est juste nul. Pas UN SEUL plan de bien cadré ou de fixe dans tout le film, je ne pensais pas voir ça un jour! Cloverfield avait ses raisons d'avoir une caméra maltraitée car c’était le seul point de vue du spectateur, alors que là le caméraman filme un dialogue, un bout de papier, des tombes, et j'en passe, il faut se coltiner caméra instable de film de vacances doublée de zooms/dézooms incessants et dégueulasses. On conviendra que c'est un sérieux handicap pour un film pareil de ne pas être foutu d'être lisible ne serait-ce que la moitié du temps.
Et encore je ne parle pas des scènes d’action, pendant lesquelles les plus sensibles préfèreront détourner les yeux sous peine de perdre quelques dixièmes. Je ne pourrais prétendre critiquer le film sans l’avoir regardé en entier, donc j’ai souffert. Dès qu’il y a un peu de tension, une fusillade, un tir de roquettes, la caméra semble tout à coup montée sur ressort, vas-y que je bouge dans tous les sens pour donner l’impression que ma mise en scène est trop dynamique et nerveuse. Du coup on ne voit rien, presque jamais clairement les extra-terrestres, et pas moyen de profiter d’une scène d’action un tant soit peu jouissive. Mais alors si dans un tel film on ne profite pas des scènes d’action, que donne le reste ?
Le scénario, si on ose l'appeler ainsi, est-ce une blague? Aucune notion de rythme, des personnages creux et fonctionnels, des dialogues dignes de cour de récré de CM2, non, sérieusement ?
Les incohérences pleuvent, notamment les distances pour prendre un exemple précis: le commissariat est à 1 km, les soldats sont à pied, pas de problème. Une fois au commissariat, surprise, il y a 10 km à couvrir en bus pour rentrer. Le bus roule un peu (plus que 4 km), bretelle d'accès démolie, la prochaine à 500m (plus que 3.5 km), bataille, tout le monde descend de la voie rapide, hop plus qu'un km. Ok, pourquoi pas. On pourra dire que je pinaille mais ça montre soit que le script, soit que le montage a été fait à l'arrache. Les deux en vrai, mais bon.
Les dialogues revenons-y, j'ai rarement vu un tel degré de connerie au premier degré. Les répliques badass du pauvre s'enchaînent, tout le catalogue y passe, plus c'est gras plus on aime. Un exemple qui donne le niveau dès le début, avec le sergent qui vient signer son formulaire de départ et le gratte papier qui lui envoie un « Je savais pas que t’avais appris à écrire, Nantz ». Ou encore le fabuleux « Je peux peut-être aider, je suis vétérinaire » de la civile face à un cadavre alien.
Je veux bien que les marines ne soient pas tous des lumières mais ce film est plus insultant que glorifiant à leur égard. En parlant de clichés, on aura droit à TOUT dans ce film, le gentil civil moustachu qui se sacrifie, la scène d'émotion à deux balles, "Reculer? Jamais!", le sergent mal aimé qui sauve l'équipe, le jeune bleu qui a la trouille et met les autres en danger, Michelle Rodriguez (oui c’est un cliché ambulant), etc, etc...
Résumons: les dialogues sont affreusement mal écrits, les scènes d'actions sont totalement illisibles, la musique recycle tous les poncifs de la musique patriotico-héroïque bien pompeuse, et les incohérences sont légion. Le coup de "l'alerte terroriste" pour les météores, ou le "on a transmis votre technique au monde entier" alors que le sergent a juste ordonné un tir de missile sur le vaisseau, qui le fait exploser entièrement par une étrange réaction en chaîne sont tout simplement cultes. Même Independence Day était plus réaliste, et croyez que ça me fait mal de le dire.
On ne s'ennuie pas trop, c'est déjà ça, mais que c'est mauvais. Malheureusement, pour confirmer ce que je disais en introduction, le film a fait un énorme carton en salles, une suite est déjà prévue, alors pourquoi essayer de faire de bons films alors que ça prendrait plus de temps?
Pour l’anecdote, il y avait d'autres amateurs de nanars dans la salle (repérés à leurs rires narquois), et les applaudissements lancés à la fin furent de loin le moment le plus émouvant du film.