World War Z par Jean-Baptiste Pollien

Le travail d'adaptation est un art difficile. Étrange équilibre entre fidélité aveugle au matériel original et liberté bienvenue ou maladroite, l'adaptation se doit de sacrifier le superflu et de sublimer le cœur d'une œuvre. Mais s'il est rare qu'une adaptation fasse l'unanimité, on peut parfois y déceler une subjectivité astucieuse voire une heureuse ré-interprétation. Le cas de World War Z est assez singulier : à part le titre, rien ne le relie au roman d'origine. Et quand on connait la qualité du livre de Max Brooks, on peut s'attendre au pire.

Synopsis tiré de Wikipédia :
"Un jour comme les autres, Gerry Lane, ancien membre de l'ONU, se retrouve pris avec sa famille dans une brutale et soudaine attaque de zombies au cœur des rues de Philadelphie. Le phénomène est inexpliqué et inexplicable, mais une pandémie se répand à toute vitesse aux quatre coins de la planète. Gerry est alors chargé par ses anciens supérieurs de partir avec une équipe de militaires et de scientifiques pour trouver un antidote au plus vite. Son périple le mènera de Corée du Sud en Israël."

La famille américaine moyenne est le moteur idéal d'un film hollywoodien. Cellule fédératrice et universelle, elle porte en elle tous les procédés d'identification et d'empathie. De ce prisme sacré découle les enjeux du film : un homme, interprété par Brad Pitt, devient le témoin d'une contamination mondiale et se doit de mettre sa famille à l'abri. Cette situation limpide n'arrive cependant pas à impliquer le spectateur, la faute à une performance monolithique d'un Brad Pitt aux faux airs de Steven Seagal, qui traverse le film imperturbable (un morceau d'acier dans le bide ? même pas mal). La faute aussi à une ribambelle de seconds rôles fades et interchangeables, totalement oubliables et oubliés dans les minutes qui suivent leur disparition de l'écran. La faute enfin à des enjeux usés jusqu'à la corde, caricatures de poncifs ennuyeux qui peinent à renouveler l'intérêt du film (je dois sauver ma famille/l'humanité/la planète/mon chien).

D'un point de vue strictement visuel, on ne peut qu'applaudir le choix courageux d'avoir confié la caméra à un malade de Parkinson. Le procédé cache-misère de la caméra chaotique façon Cloverfield gâche bien entendu le confort visuel et ne faiblit jamais, même dans les temps calmes du récit. L'indigestion de gros plans claustrophobes et le traitement faiblard de la lumière masquent difficilement une réalisation feignante cédant parfois à la facilité (Jérusalem est jaune, l'Angleterre est verte, étonnant). La bande originale se fait oublier très rapidement.

Même si l'adaptation du livre éponyme de Max Brooks tenait de la gageure en l'état (difficile de rendre passionnant une suite d'entretiens), quelques gros morceaux de bravoure auraient pu donner au film des scènes d'anthologie. Hélas, la bataille de Yonkers a disparu, nulle trace du sous-marin chinois ou de l'improbable duo nippon. Au lieu de cela, quelques scènes aux ressorts surréalistes, comme une grenade dégoupillée dans un avion en plein vol, une improbable partie de "1 2 3 soleil" avec un zombi ou encore un final avec un placement produit tellement hors-sujet qu'il en devient grotesque. Voilà ce qui est peut-être le plus rageant : avoir sacrifié toute l'intelligence et la cohérence du livre sur l'autel du grand spectacle.

Un mot sur l'autre vedette du film : les zombis. Blockbuster estival en puissance, "World War Z" a dû revoir à la baisse les effets gores et autres gerbes de sang pourtant coutumières du genre. La tyrannie du public familial coupe donc pudiquement hors cadre chaque exécution sommaire, chaque mutilation violente et chaque mêlée morbide (notamment grâce au cadreur Parkinson). Des zombis tout propres et garantis sans hémoglobine apparente déambulent de façon grotesque : les rires gênés de la salle ne trahissait pas le ridicule de certaines interprétations légèrement surjouées. Que reste-t-il à un film de zombis quand même ceux-ci ne sont pas réussis ?

En se privant volontairement d'adapter un excellent livre, Marc Forster se tire une balle dans le pied et nous sert un produit hollywoodien sans surprise et sans risque. Assez fade dans l'ensemble, le film se paie même le luxe de trébucher bêtement sur des évidences, comme un cadrage lisible ou des zombis convaincants. La distribution traverse le film comme une ombre et le one-man show Brad Pitt fait pschit, l'acteur peinant à entrainer le public dans sa quête aléatoire.

S'il est impossible de contenter tout le monde avec une adaptation, il est manifestement possible de faire l'unanimité. Contre soi.
Chezjibe
3
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le 4 juil. 2013

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