Rocky par Jean-Baptiste Pollien
La sincérité est un comportement à double tranchant, car elle peut-être à la fois le véhicule de la grandeur comme la pourvoyeuse du ridicule. Mais même si son utilisation engendre des résultats aléatoires, aucune oeuvre majeure ne peut se passer de cet ingrédient instable.
Synopsis tiré de Wikipédia :
"Rocky Balboa est un jeune boxeur de Philadelphie. Il est entraîné par un ancien boxeur, travaille pour un usurier en collectant des dettes non payées et tombe amoureux d'Adrian, la sœur de son ami Paulie. Un jour, il est choisi pour combattre Apollo Creed, champion du monde de boxe..."
Dans un Philadelphie poisseux, glauque et froid des années 70, l'infortuné Rocky Balboa jongle entre sa carrière finissante de boxeur amateur sous-payé et son activité illégale d'homme de main pour l'usurier local. La camera hante ainsi des lieux aussi sordides qu'insalubres, à l'instar de l'appartement minable de Rocky ou la salle d'entrainement dont on arrive à sentir la sueur suinter à travers l'écran. Mais c'est aussi et avant tout la solitude première du personnage qui nous jaillit à la figure, et ses tentatives maladroites d'y remédier. Les personnages trainent leur peine et leur désœuvrement dans un semblant de dignité touchante. La chance, sous la forme d'un match de boxe à l'enjeu providentiel, changera irrémédiablement le destin de ces personnages.
Rocky est tout d'abord l'histoire de Sylvester Stallone. Sans le sou et vagabondant de petits rôles minables en productions douteuses (comme le post-intitulé "L'étalon Italien"), le jeune acteur d'alors 29 ans pond dans l'urgence un script en trois jours. Bien que remanié à plusieurs reprises, cette histoire d'un boxeur de troisième zone saura séduire une paire de producteur qui donneront à Stallone la chance de sa vie : voilà le parallèle entre l'acteur et le rôle. L'opportunité à saisir et l'opiniâtreté seront des vertus mises en valeur à la fois à l'écran et hors tournage.
La confusion des trajectoires est le fil rouge du film comme de la saga qui suivra, dans sa grandeur comme dans sa décadence, puis sa rédemption finale. Stallone parle souvent de son alter-ego boxeur comme étant son côté "lumineux" (à l'inverse de John Rambo qu'il qualifie de côté sombre). Cela illustre parfaitement l'analogie entre les deux hommes : du rookie plus tout à fait jeune à la machine à gagner, puis du has been au retraité irrésolu, on retrouve la carrière de Stallone en filigrane de celle de Rocky.
La camera de John Alvidsen capte sobrement une image crue et rude qui colle au propos. L'esthétique cheap des années 70 inscrit le film dans la lignée des productions de l'époque et rappelle des oeuvres comme Taxi Driver. Le film sera pionnier dans l'utilisation de la steadycam, notamment lors de la célèbre séquence de montée des marches. L'enchainement de séquences en extérieur et de plans intimistes donnent au film un rythme insoupçonné pour une histoire qui manque pourtant bizarrement d'action. Enfin, la bande originale de Bill Conti insuffle l'ambition nécessaire à rendre l'ascension de Rocky spectaculaire et mémorable.
En empochant trois Oscars (montage, réalisation et meilleur film), Rocky devient non seulement un succès critique mérité, mais aussi un succès populaire qui ne se démentira pas avec le temps. Rare film à être passé aisément dans l'inconscient collectif, Rocky recèle de scènes mémorables, du fameux "training montage" au match final ponctué par son célèbre "Adrienne" signature, en passant par l'inoubliable "Gonna Fly now". Sans cesse cité, Rocky est l'oeuvre initiale et inégalée de Sylvester Stallone, vers laquelle il reviendra sans cesse sans véritablement y parvenir.
Reste à Rocky cette qualité désarmante qu'est la sincérité presque naïve d'un homme qui saisit sa chance.
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