Les anciens vous le diront, le Nouvel Hollywood aura toujours cet avantage de marquer son époque plus que toute autre décennie. L'authenticité d'un cinéma qui sent sous les bras qui creuse les cernes, qui filme les rues jonchées de papiers gras et qui met en avant ses magnifiques losers en attente d'une place sur le podium.
Chaque segment de "Rocky", c'est un peu la vie de Stallone à chaque étape. Le "Rise and fall", la capacité de remettre en jeu tous les acquis puis de tout perdre artistiquement et enfin d'appliquer à nouveau les fondamentaux. La première lecture de Rocky se joue là entre joie et tristesse, engueulades et réconciliations, victoires et défaites. Stallone qui d'un coup de stylo enjolive la fiction dans "Creed 2" en imaginant sa rencontre avec son fils après plusieurs années de silence radio. Du baume au coeur pour celui qui, dans la réalité, a perdu son enfant dans des circonstances tragiques. Se relever, toujours. Stallone/Balboa l'enfant des rues, le héros du peuple un brin candide mais entier se transforme en modèle de vertu entre vulnérabilité mentale et force physique. La description d'un sportif/acteur qui se voit perdre son combat face à Apollo Creed mais gagner son indépendance à Hollywood. La fiction et la réalité se confondent tout en décrivant des parcours semblables. Touchant. Émouvant.
Rocky est né sous la présidence de Gerald Ford mais annonce déjà une ère de renouveau politique, celle de Jimmy Carter. Il y a en cette fin de règne Républicaine, l'idée d'une renaissance. Celle de retrouver une Amérique pure lavée de tous soupçons. Une fin de scandales en tout genre (Watergate), d'assassinats (Kennedy) de complots (Hoover) et de menaces nucléaires entre les deux blocs (La baie des cochons). Une renaissance d'un pays lesté par des années de cadavres dans le placard qui se rachète une conduite en faisant la part belle aux immigrés. Que conte Rocky, si ce n'est l'accession à la célébrité et à la fortune au premier quidam qui le mérite ? Creed, afro Américain en costard cravate installé sur un empire donnant sa chance à un Italo américain des bas fonds de Philadelphie. Le chapeau vissé sur le crâne de "l'artiste" Balboa versus le complet Armani du professionnel Creed. Par le vecteur sportif, "Rocky" s'offre tout : Une inversion des classes voyant l'homme blanc en héros de la classe ouvrière, un peu lourdaud et mal à l'aise dans un corps en pleine mutation mais aussi un homme noir plein d'ironie, d'humour et d'assurance. Rocky et Creed, les deux faces d'une même pièce représentant les nouveaux pionniers d'un pays en reconstruction. Les US où la source d'une immigration riche.
Réalisé par John G. Avildsen, "Rocky" est avant tout l"enfant de Sly. Un présent gonflé d'optimisme qui vous chuchote à l'oreille qu'avec un peu de volonté, la réussite est en bout de course. Et pour peu que l'on morde la poussière, le plus beau geste est au moins d'avoir essayé.