Le premier film de zombie pour très grand public.
C'est un block-buster d'action, ça ne fait aucun doute, mais il montre une sorte de dichotomie face à son autre place dans le genre horreur et le sous-genre zombie. Le genre zombie, instauré depuis des années par Romero et son Night of the Living Dead, est un genre qui repose sur une certaine forme d'intimisme propre au post-apocalyptique et qui y ajoute un effroi (ou de la gaudriole) visuel provoqué par la présence de gore. Toute les déclinaisons qu'il a subit, les variations de zombies (les fameux infectés), restent avec ces bases plutôt solides pour départ. Autre détail, mais qui a son importance dans mon jugement de ce World War Z, ce ne sont pas des films très grand public.
Clairement, c'est là que se situera la déception pour tout amateur de film de zombie. Alors que l'on s'attendait peut-être à un potentiel concurrent au fabuleux 28 Days Later de Danny Boyle, ce que nous propose ici Marc Forster, c'est un film de zombies capable de passer sur TF1 le dimanche soir. Ce n'est pas forcément de manière péjorative que je le dis, mais World War Z est probablement le premier film de zombies réellement grand public. Ou plutôt, c'est le premier film grand public, à gros budget, qui parle de zombies.
Le premier choc pour tout amateur de zombie, c'est la pudeur de la réalisation quant à la violence graphique. Alors que le genre nous habitue à de la tripaille et de la chaire mâchée même pour ses représentants comiques comme Shaun of the Dead ou Zombieland, World War Z prend le partie de ne pas montrer ce qui aurait été potentiellement choquant visuellement. Une amputation de main ou un pied de biche qui atterrit dans un crâne ? Cela se passe hors champ. Plus que de l'horreur au sens slasher ou torture porn du terme, le film s'oriente vers de l'épouvante de temps à autre et du stress quand la situation vire à l'action tambour battant. La musique est d'ailleurs de bonne facture mais singe énormément les dernières prestations de Hans Zimmer (les cors sont irrémédiablement à la mode).
Autre signe d'un film orienté vers un public large, la réalisation de Forster fait montre d'invraisemblances, ou d'improbabilités pour être plus exact, assez régulières. Sans trop en dévoilé, je dirais simplement qu'on craint rarement pour la vie du héros, même si son intégrité physique est souvent mise à mal. On est loin de la cruauté que ce genre peut parfois montrer. Le film ajoute même par moment certains plans étranges qui distillent une forme d'humour dans des situations par ailleurs graves. Le tout est saupoudré de poncifs assez reconnaissables, comme l'altruisme surréaliste de certains personnages prêts à donner leur vie, tel Bruce Willis dans un film de Michael Bay.
Je tiens cependant à mettre un holà sur les potentielles, et sans doute justifiées, critiques sur la qualité du film, rapport à cet aspect très grand public ; une contrepartie existe. L'aspect technique impressionnant et les présences d'un réalisateur talentueux derrière la caméra et d'un acteur célèbre et non moins talentueux devant restent des arguments en la faveur de WWZ. On aurait tort de dire que Brad Pitt livre ici sa plus belle performance, mais de la même manière que Gary Oldman dans l'exécrable The Unborn, il s'avère que le mec joue juste quoi qu'il arrive au niveau de la direction d'acteur. Quand bien même le film aurait été sabré de ce point de vue (ce qui n'est pas le cas) son nom est toujours un gage de qualité en ce qui me concerne.
Quant à la réalisation, elle souffre effectivement du script et de ces scènes tellement grosses qu'on a du mal à les gober, mais en attendant, Marc Forster ne manque de nous rappeler que malgré son échec cuisant à reprendre la suite de Casino Royal, il a quand même à son actif de beaux films comme Les Cerf-Volants de Kaboul, Finding Neverland ou Monster's Ball (À l'Ombre de la Haine). Certains plans sont splendides et choisis avec énormément de goût et l'esthétique globale du film est assez impressionnante et ce principalement grâce aux zombies qui abandonnent le concept de horde pour adopter littéralement celui de la vague. Le tout joui en plus d'une colorimétrie magnifique et si je ne dis pas de bêtise, on doit cela au directeur de la photographie Robert Richardson ayant œuvré sur Inglorious Basterds, Django Unchained ou encore l'ennuyeux mais magnifique Hugo Cabret.
Si je devais le prendre comme le fan de zombies que je suis (tous supports confondus) je dirais que World War Z ne rempli pas son office, voire qu'il est un affront personnel. Le gore est aux abonnés absents, la claustrophobie ou l'intimisme sont réduits à quelques scènes et tout manque cruellement de ce mélange étrange entre désespoir et fun que peuvent produire les films du genre. Pris comme un film de zombie, c'est indéniablement une déception. En revanche, l'apport financier très block-buster de l'été, d'habitude réservé aux robots géants et aux super-héros qui détruisent des grattes-ciel donnent irrémédiablement un cachet particulier pour le genre zombie à ce WWZ. L'image est plus spectaculaire ; les zombies ne courent pas, ils sprintent ; ils ne montent pas, ils escaladent. La réalisation gagne en beauté esthétique avec des plans soigneusement étudiés et une photographie splendide. On regrettera que le réalisateur retombe quelques fois dans le travers de Quantum of Solace et de sa shaky-cam un peu illisible sur quelques séquences mais globalement l'action apporte de bonnes sensations. Au global donc, c'est un film sympathique et finalement relativement unique pour cette croisée des chemins improbable. Un film de zombie grand public...pourquoi pas ?