Dès les premières minutes, l’amateur de Dupieux (et il y en a, oui, oui) retrouve ce petit frisson propre au cinéma singulier que le français développe depuis une dizaine d’année. Un sens du cadrage, accru ici par un cadre urbain déjà exploré dans Wrong, une musique électronique assez glaciale qui invite à tout sauf à danser, et un récit qui ne cesse de se désactiver.
Plus référentiel qu’à l’accoutumée, le film s’inscrit dans un registre qui fait souvent penser à Pulp Fiction : récits multiples et croisés, imagerie résolument pop (par le recours à la musique, les plans qui se figent), et surtout dans le jeu avec la temporalité qui construit une intrigue parcellaire et sous forme de puzzle chronologique.
En s’attaquant à la figure emblématique du flic, Dupieux joue avec les clichés : ils sont tous des trognes impossibles, et se révèlent affreux, bêtes et méchants.
C’est là le point d’équilibre qui flanche. Alors que le réalisateur nous a habitués à creuser de grands fossés béants dans nos attentes scénaristiques par des précipices d’absurdité, Wrong Cops semble privilégier la carte d’une comédie grinçante et excessive. Certes, l’insolite demeure présent, mais toujours de façon accessoire : on planque la weed dans des rats, puis du poissons, un gars qui ne cesse de mourir devient co compositeur d’un flic mélomane raté, et Marylin Manson sans son maquillage révèle à la face du monde qu’il est le hidden twin de Michael Youn (ce qui le rend plus effrayant que jamais)… Mais les scénettes sont bien convenues, l’humour tombe souvent à plat et le film a beau ne durer qu’une heure vingt, on n’oublie pas de s’y ennuyer gentiment.
Difficile de déterminer les intentions de Dupieux : assagissement ? Probablement pas, mais indéniablement un fléchissement dans l’inspiration (dont les autoréférences seraient peut-être un signe lucide, de Rubber vu à la télé ou de Dolph et son chien venus faire un caméo).
Attendons de voir la suite pour juger, mais ce cinéaste a une place si singulière qu’il serait dommage qu’il la délaisse au profit d’un cinéma que d’autres font déjà assez mal sans qu’il ait besoin de rejoindre leur cohorte.