Confondant la reconstitution pittoresque de la mythologie populaire chinoise avec la fantaisie numérique boursouflée, Wu Ji : La Légende des cavaliers du vent se construit en indigne reflet des blockbusters américains, et n’hésite pas pour cela à prostituer sa culture et les traditions de celle-ci. Alors on ne pourra pas soustraire à Chen Kaige ses ambitions démesurées et sa volonté d’offrir du grand spectacle qui doit convertir les secondes en déferlement d’effets visuels. Certaines scènes fonctionnent ou marquent la rétine par une image, un plan que le spectateur conservera dans sa mémoire (des canyons recouverts de soldats rouges, une princesse enfermée dans une cage d’oiseau, une attaque en pleine forêt brumeuse). Seulement, la parcimonie des effets tant spéciaux que dramatiques auraient permis au réalisateur de gagner en efficacité et en rigueur. Car il ne suffit pas d’entasser pour élaborer une épopée cinématographique : Wu Ji ressemble à cette vieille caisse traînant à la cave et renversée par inadvertance, ce qui a pour conséquence de joncher le sol de son contenu disparate. Le film a cette manière de lisser ses images, de refuser l’âpreté des combats qui le rapproche d’une cinématique – certes longue – de jeu vidéo pour adolescents. Tout va trop vite, tout court à cent à l’heure au son très hollywoodien de la composition signée Klaus Badelt, notamment à l’œuvre sur la partition de Pirates des Caraïbes. Ce qui renseigne sur le dessein véritable de Wu Ji : donner à la Chine sa superproduction (à trente millions de dollars) capable de rivaliser avec le despotique blockbuster américain. Ce faisant, il dénature sa civilisation et la transforme en fantaisie de synthèse, multipliable à l’infini. Une production assez écœurante.