Bryan Singer est pris entre deux feux. L'artisan du succès de la saga X-Men, en effet, est en pleines négociations, qui tournent d'ailleurs un peu en rond, pour porter à l'écran un troisième épisode. Mais il est aussi courtisé par la Warner pour faire revivre à l'écran le mythe de Superman, au terme de dix années de développement.


Bryan Singer ne se fait pas prier pour accepter l'offre, tout en pensant naïvement que la Fox mettra ses X-Men sur pause histoire d'attendre le retour de son enfant prodige au bercail.


Grave erreur.


Car la date de sortie, en 2006, est maintenue coûte que coûte pas le studio. Exit donc Singer, à qui la Fox voudrait sans doute damner le pion dans son entreprise félonne de passer sous pavillon DC Comics. Et c'est Avi Arad qui amène le nom de Matthew Vaughn sur un plateau, ce dernier s'engageant dans un processus de pré-production aux délais plus que serrés. Jusqu'à ce qu'il quitte brutalement l'entreprise à quelques semaines seulement du début du tournage.


Panique à bord, vu qu'il est encore une fois hors de question de bousculer le calendrier de sortie établi. Celui qui héritera du poste de réalisateur devra ainsi mener à bien un film en moins d'un an, sur un scénario loin d'être terminé, même si les grandes lignes sont d'ores et déjà arrêtées, autour de l'avènement du Phoenix.


Sur le papier, X-Men : L'Affrontement Final avait tout pour séduire et conclure en beauté la première trilogie mutante portée au cinéma par la 20th Century Fox. Encore plus facile quand on prend pour base une saga fondatrice du comics d'origine, et qu'on la croise avec un remède à la mutation génétique. Réflexion, action, spectaculaire : tout était là à portée de main, d'autant plus que Matthew Vaughn avait posé les bases de ce dernier opus.


Sauf que...


Les décisions les plus à côté de la plaque ont été finalement prises, sans y réfléchir, de la part de la production, arrivant même parfois à littéralement saboter une partie du projet.


Si Ratner rime avec Singer, le premier n'arrive pas à la cheville du second question mise en scène, la plupart du temps purement illustrative.


Les X-Men déçoivent donc. Assez sévèrement. Même si finalement, le film se laisse regarder sans grand entrain, il fait en sorte qu'on ne décroche jamais totalement. Héritage de la réussite des films précédents ? Fanboyisme aveugle ? Un peu des deux, certainement. Car on se dit quand même que quelques jolis éléments sont à sauver. Et on se prend à rêver qu'ils constitueraient peut être les vestiges du projet original, avant que celui-ci ne soit totalement dévoyé, afin de respecter d'imbéciles contraintes de planning.


Par exemple, si l'attitude de Xavier, ses petits secrets malsains et son côté noir sont évoqués, ils ne seront finalement qu'effleurés, même si sa mort brutale est montée comme le point d'orgue émotionnel du film. Comme tout ce qui touche au Phoenix. Pour un duel final pas trop mal emballé, Ratner la traite par dessus la jambe durant la moitié de son oeuvre, la faisant osciller entre un statut de simple observatrice et un rôle de nympho totale pour toute expression de sa dualité. Elle aurait peut être dû rester au fond de l'Alkali Lake, non ?


Le reste est à l'avenant : pour une scène de destruction d'un pont assez spectaculaire, ou encore un concours de lancer d'épaves enflammées, on introduit des nouveaux personnages qui ne servent finalement pas à grand chose, tristement sous-exploités (Angel), ratés (Juggernaut), voire parfois ridicules, avec la représentation crypto gay totalement à la ramasse des Morlocks que l'on ne nommera jamais. Ou on filme encore l'action dans des décors cheap dignes d'un DTV made in Europe de l'Est. Et un humour pataud décrédibilisant l'un des plus enragés des ennemis des X-Men.


Mais ce n'est peut être rien comparé au sort du pauvre Cyclops, déjà totalement négligé dans les opus précédents mais qui, dans L'Affrontement Final, passe carrément à la trappe en deux séquences et dont la disparition n'inquiète à aucun moment ses compagnons. On croit rêver.


Les tares s'accumulent, à l'évidence. Bret Ratner n'apporte absolument rien. Mais il y a toujours quelques tourments intérieurs liés à la différence et à l'identité, des histoires d'amours contrariées, voire impossibles. Et cette culpabilité. Et cette souffrance au détour d'un plan, quand un ange essaie de mutiler ce qui fait qu'il est un être à part. Même si Brett la filme parfois par accident. Les errements sont manifestes. Mais il n'en est pas la seule source. Passé de mains en mains, ce joyeux bordel scénaristique attriste, alors que des éclairs fugaces le traversent. On devine par instants quelque chose de plus grand, qui s'évapore sous la caméra, posée là où il se passe quelque chose. Des mutants s'agitent et d'autres disparaissent. Parfois dans l'indifférence.


Là est le principal défaut de X-Men : L'Affrontement Final, au delà de ses multiples fautes de goût : l'absence flagrante d'une vision sur un matériau riche et dans l'air du temps.


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