C'est un film qui donne l'impression de sortir de nulle-part, une fiction semi-autobiographique de Sandrine Veysset ancrée dans le quotidien rural d'une exploitation maraîchère. Y aura-t-il de la neige à Noël ? est sorti en 1996, l'action est censée se dérouler dans les années 70, mais la mise en scène extrêmement pudique et les conditions proches du documentaire confèrent au récit une dimension avantageusement atemporelle. Ça pourrait se passer aujourd'hui, dans un coin reculé de France, mais ça pourrait tout aussi bien se passer il y a 50 ans dans n'importe quelle région rurale.
Un coin de campagne dans le Sud de la France, dans une ferme en polyculture dans la région d'Avignon, non loin de Cavaillon. La première partie du film, très clairement la plus réussie, s'attache à décrire la vie de cette famille composée de 7 enfants autour de leur mère qui les élève peu ou prou seule. Une figure paternelle est bien présente, mais la situation familiale est volontairement laissée floue, on ne sait pas trop quel est leur relation, il ne semble pas habiter dans la même maison. L'ambiance des familles nombreuses est très agréablement dépeinte, et le travail des enfants dans les champs pour aider le foyer déborde de naturel : en réalité, seule la soumission de la troupe au chef de famille fait tache dans ce tableau, la faute au personnage du père écrit à la serpe dans un rôle de tyran avec ses moments de tendresse. Malheureusement, la deuxième partie du film sera davantage tournée vers ce personnage et l'influence néfaste qu'il aura sur la famille : c'est la principale faiblesse de l'histoire, qui se suffisait tout à fait du mode de vie de la mère seule et du joli portrait de cette femme entourée de ses enfants.
Pour le reste, c'est le cadre de la chronique qui domine, avec plusieurs séquences intéressantes : la gestion de l'exploitation maraîchère, cette tonalité caractéristique de la fin des grandes vacances, les conditions de vie précaires mais pas pour autant misérables, et donc cette figure maternelle qui fait tout pour préserver ses enfants de l'emprise paternelle avec ses écarts autoritaires et ses abus parfois brutaux. Très peu de misérabilisme dans le regard que porte la réalisatrice. Il y a un petit côté conte, sans trop d'excès dramatiques toutefois, dans la façon de brosser le portrait choral au fil des saisons, avec une figure maternelle protectrice et bienveillante face à des éléments extérieurs hostiles. Le cauchemar que la mère raconte à ses enfants trouvera un écho un peu trop appuyé avec l'ultime séquence du film, plongée dans le froid hivernal, mettant en scène un autre cauchemar suivi de l'apparition tant espérée de la neige. Un nouvel élan d'espoir.
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