L'arnaque, y a même pas une scène de Karaokay pfff ...
La prise d'assault de l'Orient en tant que sujet d'un film américain est souvent la course au jeu des 7 différences entre deux pays que tout oppose, à coup de clichés la plupart du temps. Au moment de lancer Yakuza se pose la question du respect de cette culture si particulière qui s'annonce omniprésente, le titre en est la première promesse, celle d'un hommage direct au Yakuza Eiga. Appellation étonnamment exotique pour les uns, elle est surtout la garantie pour les amateurs du Bushido moderne, d'une séance énergique, ponctuée par les codes incontournables du genre. La belle surprise avec le film de Pollack, c'est qu'il est mû par un respect évident pour la culture qu'il s'approprie. Dès lors, exit toutes les étapes de présentation habituelles d'un Japon caricatural, dans Yakuza, les américains qui se rendent au pays du soleil levant en connaissent les codes et nous les font découvrir sans réciter le guide Michelin.
Ce choix de ne pas jouer la carte du Gaijin chez les samouraïs permet à Pollack de plonger directement au coeur de son sujet. Point d'introduction lourdingue, dès que Mitchum descend de l'avion, c'est pour rentrer dans le vif du sujet, arme au poing. Et lorsque le réalisateur souhaite se lancer dans une petite précision culturelle, ce n'est pas gratuit. Introduire dans ce groupe d'expatriés initiés car passionnés par leur pays d'accueil, un jeune avide de découverte, était la bonne idée pour pouvoir parler du Japon sans en faire trop.
Mais le respect du matériau de base utilisé dans Yakuza ne se limite pas à l'écriture. Chaque moment de bravoure est porté par une mise en scène que l'on sent inspirée par les plus célèbres séquences de sabre qui ont forgé ce genre particulier. J'ai pour ma part beaucoup pensé à Misumi (à la saga Zatoichi notamment, que j'ai retrouvée dans la façon qu'a Pollack de filmer les phases de jeu par exemple) lorsque la scène marquante du film nous prend dans ses filets. Au moment de cette réconciliation au combat, entre deux hommes qui se respectent mutuellement, même si tiraillés par un chemin de vie qui les a directement mis en opposition, on comprend que Yakuza est un film qui se veut authentique, et parvient assurément à l'être. Et ce n'est pas cette ultime séquence très touchante, lors de laquelle le duo habité trouve enfin la paix de l’esprit, qui nous fera mentir. Tout y est très bien dosé, du jeu d'acteur aux sentiments impliqués, ça sonne terriblement juste.
Yakuza est la preuve en image qu'il est possible d'allier la culture du film noir (néo noir en l’occurrence ici) américain et le Yakuza Eiga en évitant de tomber dans une soupe de stéréotypes. Subtil et malin dans son écriture, le film de Pollack est une très belle surprise, que je conseillerais aussi bien aux aficionados du Japon qu'à ceux qui n'en connaissent que les Sushis. Un joli tour de force.