Yalda La Nuit du Pardon, réalisé par Massoud Bakhshi, prend place dans une émission de télé-réalité iranienne, une émission ayant réellement été produite pendant près de quinze ans en Iran. Le principe y est simple, le ou la responsable d’un meurtre est confronté à un proche de la victime. Durant toute l’émission, les téléspectateurs peuvent envoyer des messages pour inciter ou pas le proche du défunt à pardonner. Si la personne pardonne, l’accusé est acquitté, si en revanche, elle refuse, l’accusé sera exécuté.
Le film nous présente donc Mariam, accusée de la mort de son mari Nasser. Lorsque celui-ci est tombé d’un escalier, elle a fui, plutôt que de lui porter secours, pensant qu’il était déjà décédé. Elle est alors confrontée à Mona, la fille de Nasser, celle sur qui repose son destin.
Toute la tension du film repose donc sur cette unique décision que doit prendre Mona. Pardonner Mariam et la laisser vivre, ou ne pas pardonner et la faire pendre. Mais plus l’entretien avance, plus de lourds secrets de famille ressurgissent, que ce soit en direct, ou dans les coulisses.
*Yalda La Nuit du Pardon* est en vérité deux films en un. Il y a une véritable scission entre les scènes de « télé-réalité » qui se déroulent sur le plateau de télévision et les scènes de « coulisse ». Les scènes de télé-réalité ont une mise en scène très soignée, tout comme une émission tournée en direct. Le cadre se concentre exclusivement sur les regards des acteurs et actrices, ainsi que quelques plans larges sur le plateau. Et tout comme une véritable émission de télé-réalité, tout se joue sur l’émotion. Nous sommes face à une confrontation entre deux femmes, l’une en pleurs, se défendant corps et âme pour recevoir le pardon et démentir les mensonges qui l’accablent ; l’autre, stoïque et laconique, cachée derrière un masque et n’attendant que la fin de l’émission pour délivrer sa bien triste sentence.
Quant aux scènes de coulisses, elles sont filmées comme un documentaire. Là où le plateau est un lieu lumineux, beau et coloré, les coulisses sont sombres, froids, les couloirs étroits et tout le monde semble se bousculer. On remarque également une nette différence dans le cadrage puisque dans ces scènes de coulisse, la caméra est essentiellement portée à l’épaule et suit tant bien que mal les mouvements des acteurs sans cesse pressés par les contraintes d’une émission en direct.
Enfin, il y a le concept même de l’émission qui pose d’innombrables questions éthiques et religieuses. Peut-on laisser à une personne endeuillée, le droit de vie ou de mort ? Est-il légitime de projeter de tels drames intimes sur les écrans de tout un pays ? Le public est-il en droit d’influer, via les votes par message, la décision de Mona sur la sentence de Mariam ? On voit bien, au fil du film, que d’innombrables éléments manquent au public, de nombreux retournements de situation s’opèrent dans les coulisses, sans que les spectateurs ne soient au courant de rien. Mais même si le concept d’une telle émission peut soulever ces questions et faire controverse, le but est avant tout d’enseigner le pardon. C’est une notion qui semble très importante en Iran et les responsables de l’émission veulent tous que Mona pardonne Mariam. Mais à quel prix ? Comment convaincre une femme qui a perdu son père, d’empêcher l’exécution de celle qu’elle juge responsable ?
On ressort de *Yalda La Nuit du Pardon* avec ses propres opinions et c’est sans doute ça la réussite du film. Offrir une vue sur cette émission et nous laisser décider de la légitimité d’un tel show. Un film pertinent et touchant, sur un drame montré à nu devant des millions de spectateurs.