Œil pour seuil.
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le 10 juin 2021
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Film choral sur la famille, Yi Yi c'est l'histoire du cycle de la vie et de son inlassable recommencement. Ce sont des bribes de vies amoureuses, qui disent tout et rien à la fois. Ce sont des remords sur le passé, des plans pour le futur, des passions qui sont présentes.
Le bébé s'apprête à naître.
L'enfant tombe amoureux pour la première fois sans le savoir.
L'adolescente entame sa première relation sérieuse.
Le couple se retrouve, se remémore la veille, ignore le lendemain.
La vieille s'apprête à mourir.
Le découpage est très morcelé, on n'aborde que quelques passages de la vie de chaque personnage, sans parfois que ça n'ait de suite ou de relation avec quoi que ce soit. C'est un peu comme si on ne pouvait lire que certaines pages d'un livre, en se demandant leur signification, si seulement elles en ont une, en cherchant des réponses à des questions qui ne se posent même pas, en laissant courir notre imagination. C'est à la fois frustrant parce qu'on voudrait en savoir plus mais c'est aussi intimiste, tant ces morceaux sont intenses et révélateurs de leur personnalité.
Ces tranches de vie, on les aborde en parallèle, on trouve des connexions, on les lie entre elles. Yi Yi, c'est l'histoire de l'éternel recommencement de l'amour. J'ai eu des moments qui m'ont rappelé Love Exposure, sans sa folie, mais dans ses réflexions innocentes et universelles. Le petit garçon, à travers sa naïveté, son innocence et sa curiosité illimitée est le plus déconcertant. Toutes ses scènes sont frappantes de candeur et d'ingénuité qui nous amènent tous à réfléchir. Sa quête de vérité est permanente. Alors qu'il se demande pourquoi il n'a droit qu'à la moitié de la vérité car il ne peut pas voir derrière lui, il prendra la nuque de ses proches en photo pour qu'ils aient accès à cette plénitude. Devant le cercueil de sa grand-mère, il s'adresse ainsi :
Ils disent tous que tu es partie et tu ne m'as même pas dit où tu
allais. C'est sûrement un endroit que je devrais connaître. Mais
mamie, je sais si peu de choses.
La réalisation recèle d'idées qui mettent en valeur le propos d'une scène. Ainsi, la façon dont Yang filme ses scènes ou des éléments extérieurs, tels que le temps, viennent accentuer les émotions des personnages. Le tonnerre évoque le coup de foudre, le reflet évoque le trouble et le doute, le détournement de la caméra évoque la honte. Même avec un plan statique ou un balayage latéral, chaque scène se révèle être le travail d'une grande réflexivité.
Poétique et intelligent, les situations abordées par Yi Yi sont simples mais universelles. D'un côté, c'est le film de la demi-vérité, celui qui insiste pour dire qu'on voit tous le monde différemment, avec nos propres yeux. Le spectateur n'est pas omniscient, il ne fait qu'accompagner un court moment les personnages. La caméra ne suit pas toujours l'action, le compteur ne dévoile que quelques chapitres de son histoire.
De l'autre, c'est un film humain et universel, pas parce qu'il nous fait rire ou pleurer, mais parce qu'il s'adresse à l'humanité dans sa globalité, celle d'ici ou d'ailleurs, celle d'hier ou de demain.
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le 27 sept. 2016
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