Fruit de la seconde collaboration entre le réalisateur Hideo Gosha et la romancière Tomiko Miyao, on nous dépeint le milieu des geishas avec un certain soucis de réalisme (à savoir comment elles sont traitées comme des objets sexuels de luxe), le tout doté d'une belle photographie. On a d'abord affaire à un panorama du milieu durant un bon bout de temps, pour ensuite se recentrer sur un duo de deux femmes (l'une est prostituée et l'autre est geisha) joliment filmées, jalouses l'une de l'autre (à cause d'un homme, protecteur et amant de l'une et père de l'autre, normal que ça fasse des étincelles), puis devenant ensuite amies (quelle en a été la mèche : le respect mutuel ? La compassion ? Ce n'est pas très clair). Voilà pour les qualités que je retiens et l'idée générale du film.
Sauf que malgré des qualités esthétiques évidentes, j'ai suivi tout cela sans grand intérêt. En effet, Gosha insuffle peu de percussion et de rythme à son histoire. A part un affrontement au milieu du film (introduit d'abord par une chouette démonstration de danse rock'n roll où l'une vole un client à l'autre, enchaînée ensuite par un intense attrape chignons dans les toilettes) qui montre que prostituée et geishas = même combat, et une belle amitié entre deux femmes qui aurait pu se profiler (malheureusement écartée au profit du personnage de la geisha avec son problème de bébé dont je me fichais poliment), je n'ai pas trouvé pas qu'on ait fait beaucoup d'effort pour relever l'intérêt du spectateur (je ne parle même pas des boobs - bien qu'ils se fassent rares pour le genre - : au contraire j'ai bien aimé le traitement pudique de la chose) avec en prime un message féministe ressassé avec de gros sabots. La suite ne s'arrange pas où on enchaîne drame sur drame, sans pouvoir proposer par ailleurs une base assez solide, tant émotionnelle que narrative (un défaut déjà présent dans L'ombre du loup) pour rendre les retournements parfois radicaux des relations amour/haine entre les personnages, tout simplement crédibles et impliquants.
C'est dommage car ce film avait tous les ingrédients pour en faire une jolie histoire touchante, mais sans parler de longueurs pénibles (sur 2h20 ça paraît interminable), Gosha n'a pas ici la main légère quand il s'agit de faire du drame, et je ne trouve pas qu'il parvient à nourrir ses personnages de péripéties suffisamment intéressantes malgré un milieu détaillé avec justesse. Sans parler du protecteur (ou parrain) de ces deux femmes qui m'a semblé un peu fade par rapport à Nakadai qui au moins, bien qu'il livrait une interprétation assez cabotine, apportait une énergie et un souffle indéniables au film. En refermant cette critique quelque peu incendiaire, je ne dirais pas qu'il s'agit là d'un film particulièrement mauvais, d'autres spectateurs plus patients que moi pourraient bien y trouver leur compte s'ils s'intéressent au sujet des geishas, dixit les qualités esthétiques que j'ai relevées, mais le fait qu'on ne me donne aucune raison de croire aux retournements de veste affectifs en ce qui concerne le trio angulaire, ce mélodrame quasi constant (avec un pathos qui ne fait que s'accentuer vers la fin) ne pouvait se vivre pour moi que comme un long calvaire.