Mis en scène par Antonio Margheriti, dissimulé sous son immuable pseudonyme Anthony M. Dawson, Yor, le chasseur du futur s'inscrit, de prime abord, dans le sillage des nombreuses productions bis italiennes, dont le premier but était de suivre les modes du moment. A un détail près. Adaptation d'une bande dessinée argentine, Henga, el cazador, éditée au mitan des années 70 et signée par la paire Juan Zanotto / Ray Collins, l’œuvre originelle dépassait déjà la simple retranscription d'une préhistoire fantaisiste, pour plonger son personnage principal dans un univers science-fictionnel. Pas étonnant dès lors, en dépit du fait que sa sortie ne soit pas étrangère au succès de La guerre du feu ou de Conan le Barbare, que le film soit dirigé par l'italien Antonio Margheriti, cinéaste ayant démontré maintes fois par le passé son goût pour l'hybridation des genres (au hasard La brute, le colt et le karaté). Hélas pour le réalisateur, et sans déflorer trop vite le contenu de ce film devenu rapidement culte pour de mauvaises raisons, si Yor, le chasseur du futur fut, d'après le propre fils de Margheriti, un succès inattendu Outre-Atlantique, celui-ci se fit surtout à son détriment, à l'image des trois nominations reçues lors de la quatrième cérémonie des Razzie Awards.
Grand, blond et musclé, Yor (Reb Brown) vit dans un monde préhistorique. Arborant un mystérieux médaillon doré, cet étranger sauve des griffes d'un vorace dinosaure herbivore la belle et jeune Ka-Laa (Corinne Cléry) et son protecteur Pag (Luciano Pigozzi). Accueilli et célébré comme un héros par leur village, la fête tourne court après l'apparition d'hommes des cavernes qui massacrent les habitants. Capturée lors de sa fuite, Ka-Laa est conduite vers le chef de la tribu, mais Yor réussit à s'introduire dans la grotte et la libère. Ka-Laa et Pag décident alors d'accompagner Yor et de le suivre à la recherche de ses origines...
Coproduction italo-franco-turque (stop, n'en rajoutez plus), Yor, le chasseur du futur fut à l'origine une commande pour la RAI qui devait regrouper quatre épisodes de cinquante minutes. Remonté à l'époque en un long métrage de 90 minutes, en particulier pour le marché américain et celui de la VHS, on notera en aparté, non sans déception marquée d'une pointe de tristesse, la perte inestimable de la matrice originelle dont ne subsiste aujourd'hui que la version coupée ici présente.
Introduit par un générique mémorable, et porté par une chanson (qui l'est tout autant) à la gloire de notre héros ("Yor's world, he's the man!") qui gambade à travers les paysages lunaires de la Cappadoce, le sourire niais et la hache à la main en sus, les aventures de Yor se résument au départ par sa capacité à défendre les plus faibles (ce qui avouons le, n’est pas une sinécure durant la préhistoire). Seul problème, et de taille, à mesure que notre homme rencontre de nouvelles tribus ou de nouveaux personnages, celui-ci provoque, de manière intentionnelle ou non, leur disparition. Si Yor n'est pas vecteur de maladie, les circonstances invitent toutefois à le placer dans la sinistre catégorie des oiseaux de mauvais augure.
Interprété par le charismatico-anémié Reb Brown qui n'aura jamais aussi bien incarné la « bravitude », celui-ci est accompagné par la non moins séduisante Corinne Cléry, révélée huit ans plus tôt par l'adaptation d'Histoire d'O avec Udo Kier, et les mémorables (hum hum) Moonraker et L'humanoïde à la fin de la décennie précédente. Chantre du port altier de la perruque miteuse, l'ami Reb n'en demeure pas moins un bourreau des cœurs. Nulle demoiselle ne peut lui résister: Ka-Laa, avec qui il partage la même passion pour les cheveux, Roa (Carole André), avec qui il partage la même couleur de cheveux, et enfin Tarita qui veut tout simplement partager sa vie avec lui, depuis qu'il lui a sauvé la vie des griffes d'un dinosaure belliqueux (et oui, encore) : "Prends-moi avec toi, étranger !". Problème, Ka-Laa n'est pas partageuse...
Avec ses effets spéciaux artisanaux désuets, mais non dénués d'un charme naïf, Yor souffre forcément de la comparaison avec les superproductions étasuniennes du moment. Des dinosaures en carton-pâte à son bestiaire préhistorique farfelu, le long métrage semble contrairement à son titre provenir du passé. Or en partant du postulat que la perruque de Yor ne vient pas du futur, force est de constater que l'argument science-fictionnel promis fait défaut. C'était sans compter sur la dernière demi-heure supraportnawak, celle des grandes révélations (nous sommes dans le futur) et de la présence du croquignolet tyran Overlord (John Steiner) dont l'aspect n’est pas sans évoquer le pire ennemi des Quatre Fantastiques. A partir de ce retournement de situation improbable qui voit Yor mener la rébellion contre un docteur Doom d'opérette, dont le souhait est d'engendrer une nouvelle race d'androïdes à partir du fruit des amours de Yor et Ka-Laa, Antonio Margheriti explose tout en chemin: les genres et la santé mentale du spectateur. Dont acte.
A l'heure du bilan, Yor, le chasseur du futur laisse un sentiment d’inachevé, la faute en grande partie à un montage déséquilibré, et une seconde moitié de film qui aurait gagné à être raccourcie au profit de son épilogue SF. Qu'importe. Ne gâchons pas notre plaisir. Reb Brown et sa perruque font honneur à sa réputation. Mieux, le voir se battre en slip et en moon boots en fourrure contre des stormtroopers en toc, et leur lasers qui font piou-piou, devrait ravir les cinéphiles déviants. Quant aux derniers récalcitrants, il reste l'affiche française de maître Druillet.
http://www.therockyhorrorcriticshow.com/2015/09/yor-le-chasseur-du-futur-anthony-m.html