Serait-ce, encore, une histoire de sorcières d’antan ? Une histoire de jeunes filles possédées et de bûchers ardents ? Oui, mais pas comme les autres. Singulière, l’histoire, et puis qui reste, qui obsède. À l’instar de The witch (la comparaison s’avère inévitable) qui, il y a sept ans déjà, avait su renouveler le genre tout en remettant la folk horror au goût du jour, You won’t be alone s’inscrit dans une vision anti-spectaculaire de la sorcière, loin des rengaines et des folklores. Puise son inspiration dans un récit donnant libre court à l’archaïque, à l’expressif, à une forme de poésie des éléments et de la matière où pierre, bois, arbres et animaux, eau, sang, peau et viscères sont sublimés à chaque instant, à chaque image, et parce que primordiaux à ce qui caractérise, à ce qui construit le personnage de Nevena.

Car c’est à travers elle, elle la jeune fille laissée à l’écart du monde dans une grotte par sa mère pour la préserver, jusqu’à ses 16 ans, d’une sorcière avide du sang des humains et des animaux, que le film investit lieux et époque (la Macédoine rurale du 19e siècle) offerts à un regard neuf, pur, vierge d’absolument tout. Devenue sorcière elle aussi, initiée par une "mangeuse de loups" condamnée jadis à la vindicte et aux flammes, par celle-là même qui lui arracha la langue, voulut s’abreuver d’elle alors qu’elle n’était qu’un nourrisson, Nevena découvre et appréhende le monde à sa façon, mutique, exaltée et poreuse, passant de genre en genre, de corps en corps, ou plutôt se les "appropriant" de l’intérieur (une femme, un homme, un chien, une petite fille qui, à son tour, deviendra femme…) pour goûter à l’humanité. Y trouver sa place, ne plus être seule donc, quitte à attiser les jalousies de celle qui n’a pu. Jouir de ses possibilités et de ses plaisirs. En éprouver sa dureté et ses violences, principalement envers les femmes qu’un patriarcat rustre domine et tyrannise sans cesse.

Au début pourtant, le premier long métrage de Goran Stolevski ne séduit pas ; pire, ne convainc pas. Scandé par une voix off sortie tout droit d’un mauvais Malick qui murmure, rêvasse, en vient à pontifier le moindre geste, le moindre éclat de soleil, la moindre volonté émise, souffrant d’un rythme malhabile et d’un aspect rêche qu’on trouvera davantage maniéré qu’intéressant, le film, peu à peu, sans prévenir presque, finit par troubler. S’immisce en nous. Envoûte par sa trame narrative d’une grande richesse entremêlant conte d’apprentissage et d’horreur, ode naturaliste et quête existentielle, et par son style esthétique rendant grâce aux beautés simples de ce qui entoure, à quelques ardeurs cruelles et sauvages, et puis aux campagnes d’autrefois, belles mais si rudes. Expérience étrange, sensitive et émotionnelle, You won’t be alone paraît ouvrir une brèche, s’avancer en terres inédites et s’imposer, in fine, comme une œuvre surgit de nulle part consacrant un nouvel auteur, prometteur et audacieux.

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mymp
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le 26 déc. 2022

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