Adulescente

Les comédies dramatiques sont un genre intéressant, parce qu'il se rapproche de la vie réelle, toujours à balancer entre comédie et drame. C'est aussi un genre casse-gueule, parce que c'est très exigeant en performance d'acteurs, qui doivent rester sensibles et s'incarner pleinement dans leur personnage, et que les codes de ces films sont toujours mouvants et qu'ils faut les recréer à chaque fois.

La belle Charlize Theron a été choisie pour porter le film, elle qui avait déjà joué la loseuse dans Monster, un film qui était lui très codifié (on appelera ça les codes du genre "descente aux enfers" en repoussant les limites de la dépression au cinoche, comme dans The Wrestler avec Mickey Rourke ou Mammuth avec Gérard Depardieu). Mais là, la belle miss est aux mains du tandem Jason Reitman (réal) et surtout Diablo Cody (scénar), qui ont pondu dernièrement Juno, un long-métrage ultra-positif et gouailleur qui a redéfini et réactualisé les codes du cinéma populaire adolescent américain.

De l'adolescence, Diablo Cody passe à l'adulescence, et fout un nouveau coup de pied dans la fourmilière hollywoodienne qui perpétue une morale parfois franchement ringarde et sexiste. Car enfin, on a l'impression que les rôles de femmes continue d'être manichéisé à l'extrème dans le cinéma (les metteurs en scène sont bien sûr encore très majoritairement masculins) et si éloigné de la réalité de l'occident en 2012 : au cinéma les femmes sont « des créatures de la plus haute importance, diverse, héroïque et médiocre, magnifique et vile, infiniment belle et hideuse à l'extrême, avec autant sinon plus de grandeur qu'un homme » comme le disait justement Virginia Woolf. Et les rôles de losers, déclinés sur tous les tons au masculin, sont quasi-inexistant en version féminine.

Merci donc à Reitman/Cody de créer un personnage de « loseuse », qui plus est avec Charlize Theron, ici tout en nuance. Diablo Cody sait jouer avec les clichés, conter des scènes dramatiques et embarrassantes avec toujours une pointe d'humour argotique qui est devenue sa marque de fabrique. Les problèmes de l'héroïne, on en prend conscience à petite goutte, avant les scènes finales, qui sont pourtant banales, mais qu'on prend comme une claque. Diablo Cody sait se moquer d'elle-même (on sent l'autobiographie outrée, notamment par rapport aux écrits sur les adolescents) et de la féminité en général dans les codes de séduction (Cody a été strip-teaseuse). Son talent de scénariste, s'il n'est pas constant, est absolument authentique. Les acteurs de son film, contrairement à Juno, sont tous très bien choisis : outre Charlize Theron, le beau gosse Patrick Wilson crève l'écran et ne se révèle pas juste un homme-objet. Sa femme, jouée par Elizabeth Reaser, est aussi étonnante d'authenticité. Et enfin, Patton Oswalt, parvient à transcender son rôle ultra-stéréotypé de « pas beau mais gentil ». Avec un film rempli de temps morts qui sont néanmoins passionants, et des moments de comédie allègre qui passent sans transition au drame implacable, on tient là une comédie dramatique accomplie pour le vingt-et-unième siècle.