Je reste un cinéphile très prévisible. Ma culture cinéma s'était développée à partir des teen movies des années 80, j'ai donc une attache particulière aux "coming of age" ou "fiction d'apprentissage" en français. J'en ai bouffé des tonnes, sur-apprécié pas mal d'entre eux. L'avantage de ce genre, c'est qu'il permet pas mal de liberté: héros entrant dans la vie d'adulte ou adolescents, cadre urbain ou rural, prolo ou bourge,...et hétéro ou homo. tout fonctionne pour peu que le scénario aille au-delà d'une page, et qu'il y ait une certaine sincérité. A ce titre, le choix des acteurs est extrêmement important, puisque la fiction d'apprentissage repose essentiellement sur ses personnages.
Dès lors, Young Hearts coche pas mal de cases et s'inscrit immédiatement parmi mes films préférés de 2025 pour le moment, j'y peux rien, je suis trop faible.
Sans mentir, je savais que j'allais aimer le film rien qu'en voyant la bande-annonce. Fasciné depuis toujours par le processus du très long passage de l'enfance à l'âge adulte, j'ai besoin de ce genre d'œuvre ancrée dans un réalisme saisissant, mais sublimé par une certaine poésie.
Les deux acteurs, Lou Goossens en tête, délivrent une prestation sincère. Le personnage d'Elias est représentée sous plusieurs facettes bien identifiables, incarnant les différentes étapes de Young heart. Un psychologue de comptoir y verrait sans doute les cinq ou sept étapes du deuil, mais à vrai dire, ce sont avant tout les passages communs à 90% des romances.
A ce titre, je craignais beaucoup l'étape prévisible mais sans doute inévitable de l'éloignement/la rupture, mais il faut avouer qu'elle a été traitée très intelligemment, en s'inscrivant dans le contexte du film. Il s'agit réellement d'une part de Young Heart, pas d'une petite péripétie comme on peut le voir dans Flashdance par ex.
Le film n'est pas tant un film sur une romance gay qu'un film sur l'adolescence et ses tourments. C'est plutôt réussi de ce côté-là aussi, grâce au réalisme assez académique du réalisateur. Les parents sont assez discernables, un père un peu égocentrique, une mère compréhensive et parfois dépassée, un grand-père touchant et sage...Cette galerie n'a rien d'original, mais elle est très bien exécutée.
Du côté de la musique - j'y porte toujours une attention particulière - quelques efforts ont été faits. Il faut notamment admirer son aspect souvent diégétique, qui participe à la sincérité de l'ensemble. Néanmoins, question de goût personnel, je trouvais que les thèmes au piano étaient vus et revus, et qu'un peu de nappes au synthétiseur auraient apporté un côté planant bienvenue dans les scènes de nature. Comme toujours, je n'aurais pas dis non aussi à quelques titres en plus. A ce titre, la scène de la fête de Valérie est très réussie par le ton rock parfaitement adapté. La musique de fin est par contre peu inspirée et pas spécialement mémorable.
Autre point fort du film pour le coup, sa capacité à nous faire voyager en Belgique. Le spectateur est baladé un peu partout, des campagnes de Flandres jusque dans les Ardennes en passant par Bruxelles. Même au sein de la géographie proche, les cadres sont variés, possédant chacun une luminosité à laquelle je reste très sensible. Bien sûr, la nature est omniprésente, et donne à Young Hearts un côté Falcon Lake que je ne peux que saluer. L'imagerie de la ruralité est renforcée par la présence du corps de ferme du grand-père, qui aurait peut-être gagné à être encore plus exploité.
En soit, Young Hearts est intéressant en ce qu'il développe suffisamment son identité. Il me rappelle parfois You are not Alone (1978) sous certains aspects, par sa relation très innocente et romancée entre deux ados. Cependant, je garde une certaine préférence pour Young Hearts, plus complexe et détaillé.
Le film est vraiment bien réalisé pour le coup, bien qu'il manque parfois un peu de fantaisie. Certains plans sont magnifiques, d'autres très pertinents (notamment certains regards par-ci par-là, ou l'escapade naturelle dans les Ardennes). Enfin, au niveau de l'histoire, on appréciera la bienveillance de bon nombre d'adultes au détriment des "bullies" peu montrés, voir éclipsés par les tourments d'Elias. On regrettera en contrepartie que ces tourments jouent sur le traitement d'autres personnages, à savoir celui qui semble être le meilleur ami d'Elias, et Valérie. Le premier aurait mérité une ou deux scènes supplémentaire, et la deuxième, une meilleure transition sur ses différents états sentimentaux vis à vis du héros.
J'avais lu que le réalisateur considérait son film complémentaire à Close de Lukas Dhont, un de ses meilleurs amis. Je ne suis pas d'accord sur cette affirmation, si l'on excepte le fait que la comparaison entre les deux est pertinente. A mon sens, Close avait poussé les curseurs du drame et du tire-larme un peu trop loin, et les deux ados ne bénéficiaient pas du même temps de développement. Young Hearts sait être triste à travers la sincérité et la beauté de son histoire,
notamment la scène de la foire avec le père d'Elias
mais reste très "feel good" et positif, ce que Close peinait vraiment à faire.
Film bénéficiant d'une lumière et d'un cadre accueillant, Young Hearts est vraiment réussi, ses quelques défauts pardonnés par une intention sincère et des interprétations à la hauteur. Anthony Schatteman sait mettre ses acteurs en valeur et porter une romance ni trop cucul ni trop confidentielle. Ce caractère universel en fait de ce fait un coming of age très intéressant, à montrer sans doute dans les collèges et lycées.