Je fais ce que je veux

Il est surprenant de constater qu'un cinéaste aussi déroutant que Hong Sang-soo attire un public de plus en plus nombreux. Outre sa mise en scène relevant du bricolage, sa réalisation, son cadrage, ses angles, sa photographie, dignes du plus vil amateur tenant un caméscope en main et se prenant pour le prochain génie du cinéma, outre son indifférence absolue quant au son-off et sa recherche quasi inexistante de la musique en général, outre le jeu de ses acteurs laissant parfois croire à la parodie et un travail sur les costumes nul, ses histoires mélodramatiques, éternellement ressassées, aux relents de feuilletons télé garnies ci et là de quelques vraies réflexions échouées devraient en faire fuir plus d'un. Mais, il n'en est rien.

Peut-être est-ce donc pour cela même que le public vient et revient, pour ces mêmes raisons qui nuiraient à n'importe quel autre auteur de renom. Liberté grande du projet, du jeu des acteurs et des dialogues (semblent-ils partiellement écrits), audace d'écriture, certaine inventivité et renouvellement narratif, touche d'ivresse (réelle semble-t-il aussi parfois) et soudain (et éphémère) élan lyrique, profondeur des sentiments cachée derrière la banalité apparente (et quelquefois pas seulement apparente) des propos: autant d'éléments qui séduisent un public louablement ouvert, prêt à écouter une voix nouvelle qui ose, friand d'un certain exotisme cinématographique et intrigué par un effet de mode (qu'il suit et/ou critique).

L'histoire nous dira si nous avons là un Rohmer en puissance, comme on veut malencontreusement nous faire croire, ou simplement un auteur original et libre, à la vision du monde autre et d'une inspiration éthylique pleine d'audace.