Deux frères, Shaul et Yaki. Deux frères jumeaux vivotant dans une banlieue de Tel Aviv et qui décident, le jour du Shabbat, de kidnapper une jeune étudiante, comme ça. Ils ne font ça ni par perversité ni par envie ni par plaisir (hypothèses que l’on peut envisager au début), seulement par "besoin" parce qu’il faut pouvoir payer les dettes de leur père avec l’argent promis de la rançon. Youth aurait pu éventuellement tourner à la farce noire (on pense à Fargo des frères Coen sur un sujet à peu près similaire), mais Tom Shoval préfère aller traîner du côté rigoriste de Michael Haneke : pas de musique et pas d’effets ostensibles, une violence rentrée, psychologique avant tout, et un réalisme coupant, étouffant à la longue.
Comme dans Le policier en 2012, la menace ne vient plus d’ailleurs, localisée hors du territoire ("Vous êtes Arabes ?" demande Dafna à ses ravisseurs). Elle est intérieure, propre à la transformation moderniste de la société israélienne. L’ennemi ici, c’est le riche, c’est l’argent qui corrompt le monde. C’est aussi une violence qui s’est standardisée, banalisée à mort. Sorte de thriller social ultra dépouillé, le premier film de Shoval finit pourtant par décevoir. Par se ramasser. Le propos est intéressant. La démonstration est sans fard. Sauf que ça ne (sur)prend jamais. Il manque à Youth une force. Il manque à Youth un malaise prégnant que l’on décèle ici et là, là dans quelques feux soudains (les premières scènes dans la cave, la dérive charnelle, entre lutte et étreinte, des jumeaux face à une terrible nouvelle…).
Collant au plus près de la réalité, cherchant à la capter absolument, Shoval peine à faire évoluer son récit, ramené à un énième constat de société moribond plutôt qu’à un brûlant état des lieux (d’urgence) aux allures de comédie humaine. Faute de mieux, l’intérêt du spectateur se reporte sur les deux interprètes (Eitan et David Cunio) incroyables de présence brute, magnétique et complexe (celle qui manque à Youth, justement). Avec leur physique étrange et rugueux, ils sont comme une seule entité à deux têtes, une créature qui fascine. Leur relation ambiguë, virile et rivale, complice quand un seul regard suffit pour qu’ils se comprennent, présente l’unique saisissement de ce film désincarné dans sa droiture et ses dénonciations.