Si il y a un genre qui ne peut se reposer sur des codes, c'est bien le biopic. Chaque histoire de vie est singulière et cela ne peut donner à l'écran quelque chose de déjà vu. Tant dans le fond que dans la forme un film consacré à la destinée d'une personnalité doit avoir ses propres façons. En cela les (trop) nombreux biopics de ses dernières années se plantent presque systématiquement. Le premier des deux hommages à Yves Saint Laurent portés à l'écran cette année abuse pleinement des codes du genre.
Adaptation d'une biographie d'abord littéraire qui retrace un voyage temporel dans les souvenirs du protagoniste. Mélange entre moments publiques mémorables, vulgarisation du fantasme de la vie privée et scènes nécessaires au récit. On n'échappe malheureusement pas à la traditionnel voix-off. La narration est faite par Pierre Bergé plus âgé qui s'adresse aux souvenirs de son amant, de façon épistolaire. Idée futile qui alourdi grandement le récit. Les visages parlent parfois plus que les mots, c'est grâce aux acteurs un des rares accomplissement pour Jalil Lespert. Désolant et imposant, le discours hors champ est vite insupportable. Et pour finir, l'inévitable épilogue pré-générique. Affligeant, vide et inutile. Ainsi tout n'est qu'à moitie réussi dans le film Yves Saint Laurent.
La bande son y a une grande place. Par moments la musique est exaltante et résulte à des scènes assez euphoriques, puis à d'autres c'est complètement superflu. Quand elle agrémente les défilés, l'inspiration ou les soirées de débauche cela fonctionne très bien. Ajoutée sur des scènes naturellement forte en émotions, c'est barbant. La présence musicale est telle que des airs d'opéra ressortent sur la fin du film. Finir sur l'image en contre jour d'Yves Saint Laurent reconnaissant face à une foule acclamante aurait été une chouette terminaison. Symbole de ce que le film a de surfait, une scène creuse et veine le surcharge une dernière fois. Ressemblance encore plus inexistante lorsque Guillaume Gallienne est déguisé en Pierre Bergé de nos jours. Tout le casting est bon et plutôt convaincants dans leurs rôles, cependant on peine vraiment à voir les réels acteurs de la biographie.
Grande prestance pour tout ces comédiens de plus en plus renommés. Les "filles de" sont charmantes et assez dignes. Marie de Villepin joue de sa beauté pleine de mystère, Laura Smet affiche une belle maturité. Les autres rôles secondaires sont tenus. Chouette, Charlotte Le Bon montre encore bien du talent et on peut aussi relever la prestation de Xavier Laffite en boy de Karl Lagerfeld. Dans le rôle éponyme, Pierre Ninney se donne beaucoup et arrive à faire face au manque de similitude, son travail ressort franchement. La voix qu'il se donne est d'abord surprenante et semble vraiment manquer de naturel, puis on s'y fait. Peu à peu il devient tout de même Yves Saint Laurent. Même combat pour son collègue de la Comédie-Française. Guillaume Gallienne est simple et efficace, plus sobre qu'il ne l'est lui même. Il campe un Pierre Bergé plein de dédain et d’antipathie.
La cruauté répond au code du biopic qui veut montrer, voir exagérer, la face tragique de leur héros. On fait connaissance avec un Yves Saint Laurent avant tout follement timide qui murmure les mots doux et fuit la notoriété. Sa rencontre avec Pierre Bergé le plonge dans une névrose profonde. Peu à peu il devient froid lui aussi. Deux phrases de ce film reflète un parcours à la fois décadent (dans la perte et les débauches du couturier) et progressif.
"Les timides dirigent le monde", citation qui se répercute fortement dans le simple fait que le reservé Saint Laurent devienne une icône éternelle de son milieu.
Lorsque son compagnon lui fait part que le "séminariste" est désormais bien loin, la transformation est frappante.
Ultra convenu et pas franchement intéressant, ce biopic repose sur la performance de ses acteurs et une bande originale généreuse.