Ce film aurait dû s'intituler "Pierre Bergé"

En sortant de la salle, j’ai ressenti l'amertume d'un spectateur qui a le sentiment d’être biaisé par l'unicité et l'incomplétude du point de vue qui lui est proposé : celui de Pierre Bergé qui, en nous livrant la vie intime de l’homme de sa vie, donne à ce biopic des allures de confessions intimes, de panégyrique ou encore de plaidoyer d'un « homme de l’ombre » qui réussit enfin à gagner son lot de reconnaissance.

Sa frustration est omniprésente dans le film de façon plus ou moins latente (l’indifférence à son travail, les coulisses du défilé, son manque de pouvoir, sans parler de la scène où YSL le traite de « parasite »). Il ne contrôle rien alors qu’il est censé tout contrôler et c’est son point de vue de spectateur impuissant que Jalil Lespert nous contraint d’adopter. Finalement, c’est la souffrance de Pierre Bergé que l’on éprouve et pas celle d’Yves Saint-Laurent. Ce sont ses actions qui semblent vouloir trouver une justification ou susciter la compassion dans un contexte où tout apparaît terriblement relatif et inconstant (l’amour, l’amitié, la gentillesse, la beauté…).

Seules 2 choses immuables et très fortes tiennent tout le film : le talent et le tempérament dépressif d’Yves Saint-Laurent. Or, même si l'on effleure certains sujets qui s’y rapportent – la destinée, le fait de « grandir trop vite », le « lâcher prise » –, je ne peux pas m’empêcher de penser que l’on est passé à côté du personnage éponyme et qu’il reste assurément de la place à Bertrand Bonello pour nous éblouir.