Kevin's post-mortem redemption.
Chers lecteurs, vous me voyez rassuré.
Mon inaptitude à voir tous les films à leur sortie m'a fait raté "Zack & Miri font un porno", back in 2008, quand j'étais encore jeune et fringant. Par conséquent, le souvenir le plus récent que j'avais de Kevin Smith, c'était l'affreux "Top Cops". Parce qu'il faut le rabâcher encore et encore : Top cops, c'était pas bien. Film de commande (c'est drôle, même sans le savoir j'avais deviné) mal dégrossi, qui tente tant bien que mal de feindre la parodie et le détournement des codes du "Buddy movie", pour se retrouver avec une bouillasse dégénérée. On sentait que KS était pas vraiment à l'aise avec l'univers, limité par la censure et absolument pas habité par le contexte, à l'inverse des petits gars de l'incroyable Hot fuzz, du bon produit chez ton marchand de journaux le plus proche.
Il n'y a pas ce problème dans "Zack & Miri", les bites, les couilles et les culs qui aspergent, ça il connait, c'est son élément. Et tout de suite, ça vaut beaucoup mieux : l'écriture est plus fluide, les dialogues tout de suite plus percutants.
Pour ceux qui sont versés dans le scato', Zack & Miri c'est de la bonne came. Tout comme Clerks II, qui pouvait mettre en overdose n'importe quel scatophile, ici Kevin Smith se surpasse et arrive à foutre le mot "bite" dans à peu près toutes les phrases. De la baise et du trash, il y a tout dans ce film, avec en climax - spoiler - un mec qui se fait littéralement chier dessus. Tu peux remballer ton âne, Clerks II !
Coup de bol (ou plutôt scénario astucieux), tout concorde plot-wise, puisqu'il s'agit pour deux losers, amis d'enfance, de tourner un porno' dont ils seront eux-même les stars, pour pouvoir payer les factures. Prétexte idéal pour lâcher les pires saloperies, et peindre des personnages hauts en couleur, obsédés par le cul. Ces personnages secondaires sont tous drôles (dans le style bite-couille hein), et incarnent tous un archétype du monde du porno' : "Lester le Pilon" l'acteur hard bien membré, Katey la bimbo, Barry et Bubbles pour les fantasmes un peu plus « spécifiques ». Un formidable cast de culs cassés, losers déviants mais Ô combien sympathiques, qui prennent juste la place qu'il faut.
En dessous de toute cette crasse, subsiste le cœur du film. Faut que je fasse une confession, public, je ne suis pas très "humour bite-couille". Pourtant j'aime beaucoup Kevin Smith, il y a quelque chose dans sa manière d'écrire, d'utiliser de nouvelles perspectives pour traiter les thèmes vus et revus maintes et maintes fois. Ou si vous préférez, j'aime qu'il arrive à traiter de la religion (Dogma) ou de la peur d'être adulte (Clerks) à travers des blagues horribles, des démons constitués de caca, ou des ânes sodomisés. Ca s'appelle l'imagination. « Zack & Miri » c'est tout à fait ça, comment parler d'une histoire d'amour entre un mec et une gonzesse, qui ont vécu ensemble toute leur vie et se savent fait l'un pour l'autre, mais ont peur de briser une routine qui les rassurent, sans risquer de tomber dans le classique et le boring ? Réponse : en noyant toute cette histoire dans du caca et du cul.
Parmi tous les prétextes idiots qui auraient pu être utilisés pour les faire se rapprocher et coucher ensemble : c'est le porno' qui est choisi. Brillante idée, le porno' est le format qui rapproche les corps et absolument pas les cœurs, la baise professionnelle et contractuelle, comme une relation amicale entre un homme et une femme.
Kevin Smith utilise ce cadre astucieusement, comme outil de comédie, mais aussi de révélation pour les deux personnages, qui incapables de feindre la baise froide et mécanique, se retrouvent à "faire l'amour" sans vraiment l'avoir prévu, consumant leur amitié dans un orgasme romantique au possible, totalement coupé du monde du porno' (les plans ont leur propre caméra close-up, leur propre thème musical). La scène est sobre, magnifique, et arrive assez tard dans le film pour qu'on y croie réellement.
L'amitié, c'est comme un porno', nous raconte Kevin Smith. Tu te dois de garder la relation professionnelle, si tu veux que ça marche, parce que si tu sautes le pas (hihi), plus question de faire marche arrière.
Au final, "Zack & Miri" est une comédie romantique plutôt classique. Mais c'est l'enrobage qui fait toute la différence. Kevin Smith, incroyable dialoguiste, arrive à se sortir de toutes les scènes classiques du format (la révélation de l'amour, la dispute, les retrouvailles) avec brio, sans une goutte de gnangnan, notamment grâce aux blagues scato' et salaces, qui permettent de casser tout ennui qui pourrait s'installer (on pense surtout à la scène finale). Curieusement, cette avalanche génitale ne nous empêche pas d'être touchés (ou en tout cas, les gens qui comme moi ont un cœur de fille de 14ans) par une histoire simple : celle de deux amis qui ont vécu toute leur vie ensemble, sont amoureux l'un de l'autre, et décident de faire un porno' pour réussir à se l'avouer.
KEVIN, I STILL BELIEVE.