Zatoichi protège un monde dans lequel il y a un secret dans les âmes.
Avertissement : ceci n’est pas une critique de film comme en font les experts du cinéma, je ne suis pas un expert, juste un qui aime bien ce film et qui a envie de partager son plaisir.
Quelques mots du personnage : Zatoichi est le personnage central d’une série de films, 26 films sorties entre 1962 et 1985, puis d’une série télévisée avant de devenir le film de Kitano. Ces œuvres, plus une pièce de théatre sont inspirés d’un roman de Kan Shimozawa (1892 – 1968).
Le samourai aveugle est masseur, il n’a pas de nom. Peut-être est-il Zatoichi, le samouraï aveugle. Il n’est pas bavard, contrairement à Zorro.
Son nom, il le signe à la pointe de l’épée, ça s’est vrai pour Zorro, mais, Zatoichi le signe avec le tranchant du katana dans le poitrail de ses nombreux adversaires. Zorro transperce avec la pointe et signe dans l’air ou sur des supports non vivants, pierre, bois, papier, d’un Z qui le signifie. Il signe dans l’air, ce qui est très américain. Notre héros japonais signe directement dans la chair de ses victimes et ça fait mal, nom de Dieu, ça fait même très mal ! C’est du réel quoi ! Ça jailli en tableaux de gerbes de sangs comme dans cette scène qui est une remémoration, après laquelle, une fois occis une bonne dizaine d’adversaires sous la pluie, dans un paysage de pierre, un plan arrêté nous le montre debout, de dos, dans cette posture de recueillement d’après l’acte de chair, au milieu de ce tableau d’hommes tranchés reposant sur les roches maculées de sang.
Une composition, Takechi Kitano est un esthète, un maître comme il l’a montré dans d’autres films avec éclat, je pense à Dolls notamment, Achille et la tortue pour sa référence directe à la peinture, mais il me semble que Kitano ne peut pas ne pas réaliser un film ou l’esthétique, même au milieu de la violence la plus extrême, trouve toujours sa place. Takeshi Kitano est aussi peintre et poète.
L’aveugle, masseur, est-il réellement aveugle ? Ma fille avec laquelle je regarde à nouveau ce film me pose la question et elle fait bien car, la toute dernière scène du film… mais j’en dis trop. Quoiqu’un tel film peut être regardé avec le même plaisir une fois connu son dénouement. Des personnages étranges tels ce couple frère et sœur dont la famille a été décimée par des méchants qui semblent vivre dans un monde parallèle. Le vrai monde, on ne sait plus très bien où il est, s’il y a un monde vrai et un autre, le monde de l’aveugle et de ces différents compagnons. La maîtresse de maison qui l’accueille chez elle semble être le trait d’union des deux mondes. Elle va accueillir le malheureux joueur, son neveu toujours perdant que le masseur, joueur de dés invétéré, fera gagner et le couple de fausses geisha assassins à la recherche des meurtriers de leur famille. Tiens, il ne semble pas y avoir de féminin pour « assassin ».
Ces personnages ont un passé sur lequel nous ramènent des flash-back et ces histoires, comme des ruisseaux, se retrouvent dans la même rivière. Le passé aussi du couple qui, poussé par le destin, choisira le côté obscur de la force, un rônin, samouraï sans maître, qui cherche la réussite auprès d’un maître pour sauver sa très belle compagne qui a contracté le nénuphar, comme Chloé dans l’Écume des jours, le très beau roman de Boris Vian qui, selon moi, aurait pu rester un roman.
La mort est partout présente, la mort tranche, c’est bien connu, la mort tranche dans le vif des fils qui restent noués contre l’évidence. Ici, elle fauche impitoyablement tous ceux qui, agissant depuis l’autre monde, le vrai, l’obscur, le sale monde, tentent d’atteindre et blesser le monde dans lequel vit Zatoichi et qu’il protège de sa lame, courte certes, mais redoutable.
Je ne sais pas comment désigner ce monde-là bien que j’ai le sentiment que c’est aussi le mien, un monde poétique, un monde où les émotions sont la seule monnaie courante, les émotions, l’amour, la bonté, la beauté. Un monde dans lequel il y a un secret dans les âmes.