N'ayant malheureusement pas lu le livre de Queneau, je suis incapable de juger la qualité ou la pertinence de l'adaptation de son fameux "Zazie dans le Métro" par un Louis Malle qui n'en était alors qu'au début de sa longue et excellente carrière. Par contre, il est clair que Malle a abordé son troisième long métrage avec un niveau d'ambition hors du commun : affronter le thème de la modernité alors que la société française encore très traditionnelle commence à être ébranlée, et d'une certaine manière, résiste, tout en expérimentant radicalement quant à la forme du film. Donc, si le sujet de "Zazie dans le Métro" évoque les préoccupations de Jacques Tati, le film louche franchement du côté du burlesque le plus traditionnel, avec des incursions dans une folie hystérique très "Tex Avery", tout en adhérant souvent aux principes de la Nouvelle Vague, en particulier dans la liberté de la narration et dans le souci de capter la Vie telle qu'elle est au fil des déambulations des personnages dans un Paris merveilleusement ciné-génique. Bien sûr, un tel programme était irréalisable, le mélange des genres poussé à ce stade (... de délire, d'inconscience ou de courage, difficile de trancher !) ne pouvant donner qu'une œuvre monstrueuse, au sein de laquelle le spectateur trouvera difficilement sa place. "Zazie dans le Métro" est donc un objet bizarre, qui malmène en permanence notre confort, et qui provoquera au pire le rejet ("c'est de la merde...", pour paraphraser le langage imagé de la pétulante Zazie), et au mieux une sorte de fascination distanciée pour les outrances incessantes qu'on nous assène. "Zazie dans le Métro" n'est pas un film complètement réussi, trahi qu'il est par son foisonnement d'idées et son trop plein d'énergie, sans parler des lacunes techniques de l'époque (la post-synchronisation est particulièrement pénible, et ajoute une distance supplémentaire) : c'est néanmoins une oeuvre passionnante, que tout cinéphile un peu sérieux se doit d'avoir vu. [Critique écrite en 2016]