La conquête se leste.
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Se7en avait déjà consacré Fincher comme la maître du film de tueur en série, mais la possibilité de s’attaquer à un sujet réel et aussi célèbre que celui du Zodiac, avec une approche radicalement différente, était une opportunité qu’il ne pouvait pas louper. Ainsi, lorsque le script de l’adaptation du roman de Robert Graysmith paru en 1986 passa sur son bureau, il décrocha immédiatement son téléphone pour le résultat que l’on connaît.
Si le duel entre David Mills et John Doe était une course contre la montre, celui qui oppose le journaliste cartooniste à la figure tutélaire prend la direction opposée et se compose de culs-de-sac, piétinements et ressassements. Graysmith est un personnage obsessif, initialement piqué dans son ego par un tueur qui utilise les mêmes codes picturaux que lui, pour finir de s’engouffrer dans cette spirale infernale d’enquête qui n’en finit pas. Le film choisit de suivre son point de vue, et de livrer au spectateur le suspect jugé idéal par le journaliste, mais à vrai dire, on est pas plus avancé qu’on ne l’était initialement. Les fausses pistes se multiplient, on retourne sur des indices laissés de côté, on réentend des témoignages négligés, et alors que les quarante cinq premières minutes nous livraient des faits, l’attention bascule sur des conjectures qui font du sur place deux heures durant. Le Zodiac fascine et le sait, révélant une mégalomanie par son jeu avec les médias, s’appropriant des meurtres irrésolus, défiant les systèmes mis en place. L’Amérique aime le sensationnel, et érige le tueur en légende, au même titre qu’elle a fait de l’inspecteur Toschi un mythe via Bullit et Dirty Harry.
Si le script était déjà parfait, il n’est que sublimé par la réalisation maniaque de Fincher. Dès les premières minutes, suivant un couple prêt à se bécoter à l’abattoir, le ton est donné. Le spectateur est relégué à son caractère voyeuriste, assistant à des événements obscènes. Les plans impossibles se succèdent, superbement maîtrisés dans l’inconfort qu’il créent, telle cette virée nocturne en plongée où l’on suit un taxi, scène de meurtre en devenir, parfaitement centré dans le cadre, alors qu’il suit le tracé des rues de San Francisco. Le plan est trop parfait, gênant, et sa conclusion inévitable.
La minutie ne s’arrête pas aux mouvements de caméra, mais s'immisce dans les moindres recoins du chef d'œuvre. Les costumes sont ceux portés par les victimes lors de leurs derniers instants, les décors sont reconstitués à l’identique (quitte à hélitreuiller des arbres au centimètre près), la panoplie d’accessoires d’époque à l’écran renforcent l’immersion, et nous voici plongés dans la Golden City des années 60 à 80, personnage à part entière qui évolue (ce timelapse de la construction de la Transamerica Pyramid figurant une ellipse, génial) tandis que l’enquête tourne en vase clos. De jour, la ville est ensoleillée et magnifique, de nuit elle se transforme en théâtre de l’horreur et du doute dans un contraste saisissant.
Près de cinquante ans après l’affaire, l’enquête continue. Et si Graysmith, et donc le film, avait sa théorie sur Arthur Leigh Allen, le livre de Jarrett Kobek, How to Find Zodiac, paru en 2022, met en lumière un suspect encore plus crédible, un certain Paul Doerr. Mais là encore, toutes les suspicions sont circonstancielles et aucune preuve réelle n’existe. Saura-t-on un jour le fin mot de cette histoire, obtenant une conclusion satisfaisante comme pour l’affaire de Memories of Murder, ou sommes nous face à une éternelle impasse semblable à celle de Jack L'Eventreur? Qu’importe, le Zodiac a déjà obtenu ce qu’il voulait.
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Créée
le 16 avr. 2024
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