En cette période de confinement pour cause du Coronavirus et la crise mondiale que cela provoque, Zombie - Le Crépuscule des Morts-Vivants me semble être l'une des oeuvres cinématographiques les plus actuelles. Je compte bien entendu revenir sur ce point au cours de ce texte.
Le cinéaste George A. Romero est aujourd'hui célèbre pour avoir été l'artiste ayant donné vie aux zombies modernes. Bien que le mort-vivant ait vu le jour dans les années quarante avec des films comme White Zombie avec Bela Lugosi ou encore Vaudou de Jacques Tourneur, c'est bien en 1968 avec La Nuit des Morts-Vivants que Romero nous impose cette nouvelle vision du mythe. Le long-métrage comporte des éléments du Cinéma Classique, mais offre une distanciation certaine vis-à-vis de celui-ci (en travaillant par exemple avec des codes venus du western). L'originalité vient notamment du fait que peu d'informations sont données concernant la menace en cours, tout reste suggéré. Il y a un retour à la Science-Fiction des années cinquante sur la peur de la guerre atomique (l'équilibre de la terreur) et la peur de l'autre. Le film soulève des questions et critique l'impérialisme américain.
Ce sera la première fois que nous serons confrontés à des créatures de ce genre traitées de la sorte. Quel est leur but? Pourquoi agir ainsi? Comment fonctionne leur instinct et l'esprit ruche semblant les guider?...
Ce premier long-métrage du cinéaste sur le sujet reste un chef d'oeuvre et une référence absolue tous genre confondu. Déjà en 1968 nous assistions à la naissance d'un auteur aux thématiques et concepts forts. Très vite après la sortie du film, George A. Romero voulut réaliser une suite à La Nuit des Morts-vivants. L'idée de survivants bloqués dans un centre commercial lui vient début des années septante mais c'est finalement en 1978 (soit 10 ans après le premier volet) que le cinéaste nous offrira Zombie (Dawn Of The Dead - titre original d'ailleurs bien plus logique).
Il est important de signaler que plusieurs versions/montages du film existent, aussi je vais m'intéresser principalement à la director's cut si je puis dire (Dario Argento, célèbre réalisateur italien et co-producteur du métrage en proposera une version où les protagonistes sont moins développés au profit de l'action).
Si La Nuit des Morts-Vivants était déjà un coup de maître, Dawn of the Dead est la consécration. Absolument tout ce que nous retrouvons dans ce long-métrage définit la vision du zombie moderne qui, 42 ans plus tard, n'a pour ainsi dire pratiquement pas changée. Romero pose d'abord l'univers du monde extérieur, libre avant d'emprisonner ses personnages dans un centre commercial proposant ainsi un large huis clos labyrinthique. Très vite le complexe se retrouve de plus en plus submergé par les vagues de mort-vivant semblant guider par leur instinct de vivant. Ils marchent vers leurs anciens souvenirs enfouis d'une société de consommation. Le réalisateur nous offre une brillante critique du consumérisme à travers ses zombies qui (selon ses propres dires) ne sont là que pour servir d'éléments allégoriques et métaphoriques. Le concept de l'errance peut leur être appliqué tant celui-ci est flagrant. George Romero est l'un des rares cinéastes du genre "zombiesque" à avoir pu donner une représentation juste et crédible de l'errance chez ces êtres livides. Le zombie n'est rien, ce n'est qu'un élément miroir de notre propre société consumériste et humaine. Romero ne s'intéresse finalement pas tellement à ses créatures, il les laissent déambuler à leur guise, ce sont les êtres humains qui l'intéresse. Finalement c'est nous les morts-vivants et ça l'a peut-être toujours été.
Dawn of the Dead propose de suivre principalement quatre personnages. Nous nous rendons compte très vite que la menace zombie est gérable tant que l'équipe s'organise et fonctionne pour le bien commun. Ce sont les tensions entre eux qui seront souvent les causes d'échecs conséquents dans leurs actions. Romero ne propose pas de suivre un personnage précis, il les traite comme une seule sphère. Cependant c'est quand même le personnage de Peter qui sera le plus mis en avant du fait de ses origines ethniques représentant les minorités. Le concept du héro noir est déjà présent dans La Nuit des Morts-Vivants et est fondamental dans la filmographie du cinéaste.
Certains êtres humains n'auront en revanche pas la même façon de fonctionner. Les bikers menés par Tom Savini agissent pour le consumérisme, l'anarchisme et la violence. Romero s'en sert pour critiquer justement la violence et le goût des armes qui animent un (trop) grand nombre d'Américains. L'être humain devient alors la victime de sa propre folie.
Il est incroyable de constater à quel point ce long-métrage vieux de 42 ans est encore criant d'actualité. La situation mondiale actuelle (COVID-19) nous montre à quel point l'Homme agit solitairement ou pour son propre microcosme. Les zombies dépeints dans ce film ne sont finalement pas bien différents des égoïste perdus dans l'autocentrisme et le consumérisme que nous pouvons voir à la sortie de nos magasins ces derniers jours. Peut-être certain devraient-il revisionner ce chef d'oeuvre absolu du cinéma pour comprendre que déjà à l'époque Romero avait tout compris à notre société soi-disant humaniste et égalitaire.
Dawn of the Dead est une réussite totale dans son genre mais pour le média cinéma tout simplement. Le cinéaste a su maîtriser ses concepts si bien qu'encore aujourd'hui le film continue à influencer un grand nombre d'artistes multimédias. Toutes oeuvres mettant en scène des zombies (à peu de choses près) partent de ce long-métrage selon moi. Nous avons eux bien entendu l'héritage cinématographique et télévisuel (The Walking Dead,...), jeux vidéo (Resident Evil,...), bande dessinée/comics (Walking Dead (encore),...) et j'en passe.
Aujourd'hui la figure du zombie est partout et vient de cet homme que je considère comme un immense cinéaste. Dawn of the Dead est une réussite sur tous les plans : réalisation, montage, jeux d'acteurs, décors, scénarios, effets spéciaux. Il ne fait aucun doute pour moi qu'il s'agit de l'un des films les plus importants du cinéma et de la culture moderne. Merci George A. Romero!
C'est nous les Morts-Vivants.