Les petits films d'horreur indépendants c'est un peu comme la boîte de chocolats de ce grand benêt de Forrest Gump, on ne sait jamais sur quoi on va tomber. D'ailleurs parmi les bonus de Zombies Anonymous, le réalisateur Marc Fratto remercie avec une pointe d'ironie le courage des spectateurs qui ont osé acheter le DVD de son film vu le nombre de merdes qui pullulent sur ce marché de la vidéo et du cinéma horrifique indépendant. Il faut dire que Marc Fratto n'a pas totalement tort et que l'essor des caméras DV et des supports numériques ont permis à quasiment n'importe qui de shooter son petit film d'horreur dans son coin parfois pour le meilleur mais souvent pour le pire. On ne compte plus les petits films limite amateurs qui depuis quelques années recyclent à tour de bras les grands succès du genre du torture porn tourné dans un garage, au survival crasseux en passant bien évidemment par une cohorte de films avec des infectés et des zombies. Une effervescence souvent un peu stérile mais qui a le mérite de mettre parfois en lumière des réalisateurs suffisamment talentueux et intéressants pour transcender l'évidente misère de leurs moyens financiers. Marc Fratto à la fois scénariste et réalisateur fait incontestablement parmi de cette catégorie et son film Zombie Anonymous est une très bonne surprise et accessoirement l'un des meilleurs petits films de zombie de ses dernières années.


Dans Zombies Anonymous le monde doit faire face à une terrible et étonnante épidémie puisque tous les morts récents reviennent à la vie. Ses morts vivants conservent toutefois la majorité de leurs capacités physiques et intellectuels pouvant ainsi parler, réfléchir et espérer conserver leur place dans la société comme Angela une jeune femme fraîchement abattue par son petit ami jaloux et psychopathe. Pourtant cette nouvelle communauté (fatalement) de plus en plus nombreuse doit faire face à une haine et une persécution grandissante jusqu'à s'organiser dans les prémices d'une résistance prête à partir au combat contre les vivants.


Zombies Anonymous s'inscrit donc dans la plus pur tradition des films de morts vivants à la Romero en utilisant l'aspect fantastique comme catalyseur des dérives politiques et sociales du monde. Marc Fratto avoue avoir rédigé son script après les attentats du onze septembre alors que les USA vivait un repli identitaire exacerbé de sentiments nationaux et qu'un fond diffus mais tenace de racisme ordinaire s'emparait de son pays. La première bonne idée du film (et elles sont nombreuses) c'est d'avoir fait des zombies des créatures marginales mais toujours capable de vivre en société, les morts vivants de Zombies Anonymous ne se distinguent des vivants que par la décrépitude physique de leurs corps et leur faim de chair fraîche qu'ils peuvent toutefois calmer en mangeant n'importe quelle viande cru de supermarché. Du coup les zombies sont capables de travailler, d'exprimer leurs états d'âmes et de prétendre continuer à exister au sein d'une société qui pourtant les pointe du doigt de plus en plus violemment comme un fléau. Marc Fratto montre alors à quel point celles et ceux qui se nourrissent de la haine de l'autre trouvent très vite de nouveaux responsables et bouc émissaires aux travers de notre société. Zombie Anonymous décrit comment de petits groupuscules s'appuie sur un climat de trouble pour faire exploser la violence la plus radicale de leur haine de l'autre. Le film de Marc Fratto reste très premier degré malgré l'incongruité de certaines situations et propose de nombreuses séquences dramatiques qui renvoient aux heures les plus noires de l'histoire comme la ségrégation, la persécution des juifs, les agissements du Klan ou simplement au racisme le plus ordinaire. Difficile de ne pas ressentir un léger frisson devant le passage à tabac d'un type qui se baladait simplement dans la rue, l'humiliation verbal d'un zombie travaillant comme simple serveur ou la mise à mort sadique de quelques morts vivants appartenant à un groupe de pensée dont on connait par le biais du film les aspirations et les blessures existentielles. Le film renvoie même aux camps d'extermination avec la visite glaciale d'un centre dans lequel les zombies viennent d'eux même en finir avec leurs conditions en se faisant abattre comme des animaux d'une balle en pleine tête par des bourreaux hilares de pouvoir exploser du zombie. Marc Fratto parvient à donner à son film une véritable dimension dramatique comme l'atteste la puissance de la séquence pourtant bateau durant laquelle un des hommes de main de ce groupuscule anti-zombie doit être abattu avant de devenir un mort vivant à son tour.


Mêmes si elles ne fonctionnent pas toutes à l'écran, même si certaines sont plus futiles et sous exploitées et que d'autres sont carrément brillantes Zombie Anonymous est un film qui a le mérite de proposer de nombreuses très bonnes idées. On pourrait citer en vrac la récupération commerciale de l'épidémie par des multinationales qui vendent avec des spots publicitaires des cosmétiques pour paraître vivant, les zombies qui s'injectent comme une drogue une sorte de smoothie d'humains passés au mixer directement dans le cerveau, le dilemme des zombies comprenant que le seul moyen de rester vraiment en forme (bon tout est relatif!) est de manger de la chair humaine, les morts vivants organisant une résistance contre les humains, la cohabitation quotidienne entre morts et vivants.... Zombie Anonymous est bourré de petites choses parfois très intelligente et parfois un peu plus conne comme le coup des donuts (??). Mais peu importe les idées plus bancales cela fait incontestablement plaisir de voir un film qui donne autant de crédit à construire un univers aussi délirant que parfaitement tangible. Le film sous des aspects assez amateurs et indépendant qui ne tromperont personnes offre des situations puissante et quelques images profondément iconique comme le commandant(e) de ce petit groupe d'extrémiste prostrée dans une salle de bain rongeant sa haine et son désir de revanche drapée dans une bannière étoilée. Totalement premier degré tout en étant teinté de notes humoristiques le film installe doucement une tension larvée d'un monde pouvant alors se déchirer sur une sorte de guerre cicile entre morts et laids vivants. Une guerre perdue d'avance, ce qui permet à un zombie de dire non sans une pointe d'ironie « Nous gagnerons forcément cette guerre car à chaque fois que notre ennemi perdra un homme nous récupérerons un nouveau soldat »


Le plus gros soucis concernant Zombie Anonymous réside dans une rupture de ton assez brutal et pas très heureuse qui va s'opérer environ au deux tiers du film. Marc Fratto semble en effet totalement changer de cap au bout d'une heure de film en abandonnant la thématique pourtant passionnante mise en place pour verser dans un film gore plus rigolard et un affrontement classique entre humains et zombies débouchant sur un carnage certes assez fun mais pour le coup un presque déplacé. La résistance des morts vivants devient une sorte de secte fanatique new-age sans grand intérêt et l'aspect politique s'estompe au profit d'une vengeance personnelle basée sur un plan foireux et bien moins captivant. Le film reste tout à fait regardable généreux dans ses délires et ses débordements d'effets gore mais il est assez frustrant de voir un film jusqu'ici intelligent se finir sur une note bien plus anodine. La rupture de ton dans le sens inverse aurait sans doute beaucoup mieux fonctionner en donnant à un film à priori assez léger une soudaine profondeur. On ne va pas non plus bouder son plaisir puisque Marc Fratto est extrêmement généreux dans ses délires et nous offre quelques très bons gags burlesques comme le gros qui tente de se cacher derrière un petit tronc d'arbre ou encore cette femme zombie qui s'enfuit en courant et se tape lamentablement un mur de plein fouet. Marc Fratto assure plutôt bien et si le manque de moyens se fait cruellement sentir lors du gunfight en forêt qui manque de puissance du fait d'un découpage et d'un montage assez poussif en revanche le carnage finale est mené lui sur un rythme d'enfer.


Si niveau maquillage le film alterne le meilleur et souvent le pire à base de visages livides peints en blanc aux yeux noircis en revanche niveau gore Zombie Anonymous n'y va pas de main morte et offre des effets sanguinolents aussi nombreux que réussis malgré l'étroitesse de son budget. On ne compte plus les têtes tranchées ou explosées, les corps éviscérés, les membres arrachés, les éventrations, les coups de couteaux et de scalpels vicieux, les shotguns, les oreilles arrachées à coup de dents avec cerise sur le gâteau (si je puis dire !) un arrachage de testicule au couteau. Un véritable festival dans une ambiance assez délirante entre kung fu fighting et grand guignol pour une conclusion qui certes fait un peu tâche par rapport au sérieux de la première partie mais qui permet de passer un bon moment de bis assez jubilatoire.


Zombie Anonymouys est donc un film assez bancal du fait de ses deux parties presque antinomiques, un film dont la forme ouvertement bis et le traitement souvent proche de l'amateurisme risque de décourager de nombreux spectateurs. Dommage pour eux car le film de Marc Fratto, indépendamment de ses défauts, est l'un des meilleurs petits films de zombies que j'ai vu depuis longtemps.

freddyK
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le 24 nov. 2020

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