Zootopie a d'abord emporté mon adhésion avant de susciter de longs débats internes sur la valeur réelle de l'objet, à destination des enfants rappelons le. Derrière le divertissement, un contexte politique fort qui a besoin d'être décrypté. Fort heureusement, contrairement aux films des studios Miyazaki, le cinéma d'animation occidental (et plus spécifiquement américain) a tendance à être explicite, tout y est exprimé au premier degré, ce qui facilite la prise de conscience. Tout ou presque.
Pour aller à l'essentiel, le message officiel prôné par le film est celui de la Tolérance et de l'instrumentalisation de la peur. Il met en garde contre les menaces potentielles brandies par certains (notamment concernant un passé sombre, ici la "période sauvage" avec la prédation des carnivores faisant office de minorités ethniques) et invite à "célébrer la différence" et vivre en parfaite harmonie tous ensemble. C'est donc un gros projet de société multiculturelle, simplifiée à l'extrême avec ses codes animaliers. Le film pose quelques bases sur les ghettos et différentes communautés, mais ne va jamais en profondeur, car il faut à la fois avancer dans l'enquête et en revenir toujours à "chacun peut être ce qu'il veut". Cette dernière posture est toutefois nuancée par un début intéressant qui sape justement les espoirs de Judy notre héroïne optimiste pour "rassurer" tous ses semblables sur leur condition médiocre, en tout cas pas comme ils l'espéraient dans leur jeunesse. Le film néglige donc la complexité des rapports humains pour pouvoir promouvoir son invitation à la tolérance, mais pour un film pour enfants, c'était attendu et pas finalement très malhonnête, car la base est saine sans se fermer à d'autres sujets.
C'est avec la société de consommation que Zootopie m'a fait douté. Car Zootopie est aussi un aboutissement de société de consommation, qui elle, ne dit jamais son nom. Ainsi, notre lapine débutant dans la vie a le dernier I-Pod, le dernier smart-phone en vogue (toute le monde l'a, avec la dernière appli), tout le monde vit à Zootopie pour consommer ou faire la fête (seul le club de yoga naturiste fait exception, et encore, il est tourné vers la régression aux instincts paresseux), et plus démonstrativement, on donne aux enfants Shakira comme modèle social (la chanteuse Gazelle, d'une insipidité n'ayant d'égal que la vulgarité de son monde, érigée comme une icône de tolérance et de sagesse politiquement correcte). Évidemment qu'un divertissement grand public doit rester politiquement correct, mais quand le film choisit de s'achever sur une grande fête où tout le monde est dans l'euphorie et consomme à tour de bras dans une ambiance de clip MTV, je pense que l'enfant est imprégné là aussi sans en prendre conscience.
Alors, dans ce combat, c'est finalement l'humour qui fait rendre les armes. Car les gags fonctionnent tous assez bien et font rire à la fois gamins et parents. Très peu se révèlent ratés (c'est plutôt le registre sentimental qui l'est durant l'interminable scène d'excuses de Judy), les citations cinéphiles font mouche (excellente variation du Parrain) et on se prend à rire régulièrement des excellentes idées des scénaristes. A titre d'exemple, le running gag des écureuils de Là Haut m'énerve, alors que celui des hurlements des loups est ici bien amené et drôle. Efficace au niveau de la comédie, on passe finalement un bon moment, oubliant régulièrement les messages idéologiques pour aller plus sincèrement vers le divertissement promis. Bonne formule qui finit par payer et emporter notre adhésion. Un travail finalement pas mal.