Aujourd’hui, j’ai décidé de ne pas me complaire dans l’oisiveté la plus totale et de tenter plutôt de faire quelque chose d’utile : vous parler de Baldur’s Gate. À l’occasion de ma 150e critique sur le site, pour me faire pardonner de ma paresse lors de la rédaction de la 100e, je vous propose une rétrospective sur la saga – la meilleure jamais réalisée sur ordinateur – en non pas un, mais quatre épisodes. Alors, sans plus attendre, place au pavé !
Note : cette critique fait directement suite à celle de l’opus II, Baldur’s Gate : Shadows of Amn. Bien qu’elle ne soit pas strictement nécessaire, la lecture de l’épisode précédent est recommandée avant d’aller plus loin.
De l’enfant de Gorion à la prophétie d’Alaundo
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Baldur’s Gate – Chapitre I : Des joies du camping sauvage
Baldur’s Gate : Tales of the Sword Coast – Chapitre II : Tout est bon dans le donjon
Baldur’s Gate II : Shadows of Amn – Chapitre III : Vous reprendrez un peu de pause tactique ?
Baldur’s Gate II : Throne of Bhaal – Chapitre IV : Apothéose
Résumé des épisodes précédents
Baldur’s Gate II : Shadows of Amn sort en Amérique du nord le 24 septembre 2000 et obtient – comme de juste – un succès immense et immédiat. Bioware remet le couvert le 22 juin 2001 avec l’extension Throne of Bhaal, qui constitue l’ultime épisode des aventures de l’enfant de Gorion. La différence avec l’extension du premier opus, Tales of the Sword Coast, réside dans le contenu proposé. En plus d’inclure un nouveau donjon et des ajustements de graphismes et de gameplay, Throne of Bhaal offre également trois chapitres supplémentaires d’histoire, qui viennent mettre un point final à la saga.
Pour finir en beauté
De nombreux détracteurs de Throne of Bhaal lui reprochent une certaine simplification des composantes "role-play" de l’épisode précédent, ainsi que le sentiment de surpuissance que l’on peut éprouver lorsque les personnages atteignent les très hauts niveaux qui sont désormais accessibles. C’est en partie vrai. C’est également un jugement bien hâtif qui ne rend pas vraiment compte des grandes qualités de l’extension.
Le postulat de base des Royaumes Oubliés – et d’un certain nombre d’univers d’inspiration médiévale fantastique, par ailleurs – repose sur l’existence de divinités presqu’omnipotentes qui se manifestent régulièrement dans le monde. Leurs fidèles, leurs prêtres, par exemple, se voient ainsi octroyer des pouvoirs magiques en récompense de leur dévotion. Dans l’univers des Royaumes Oubliés, il est arrivé que des mortels accèdent au statut divin.
Ce qui est une métaphore de l’avidité humaine (la recherche du pouvoir absolu et de l’immortalité) prend donc un côté presque tangible dans cet univers. Il est finalement possible de réaliser ses rêves les plus fous et de siéger fièrement au panthéon des dieux. Dans l’univers polythéiste des Royaumes Oubliés, les dieux possèdent des attributions variées. La figure sombre dont la présence et l’emprunte se fait ressentir tout au long de la saga Baldur’s Gate est le dieu Bhaal, dieu… du meurtre. Détruit au cours d’une crise majeure durant laquelle plusieurs divinités ont été annihilées, le dieu avait toutefois anticipé sa chute. Les évènements tragiques qui sont dépeints dans la saga constituent, en un sens, l’ultime pied de nez d’une divinité maléfique à un univers qui continue de vivre sans elle.
Throne of Bhaal permet au joueur de continuer l’aventure juste après la fin de Shadows of Amn, reprenant le protagoniste, ses compagnons et leur équipement dans l’état où ils étaient à la conclusion de l’épisode précédent. Cinq généraux, à la tête d’armées puissantes, se sont lancés dans une entreprise de destruction à grande ampleur sur le sud de la Côte des Epées. Leur objectif ultime est d’acquérir assez de pouvoir pour prendre la place du dieu défunt, et devenir ainsi le nouveau seigneur du meurtre. En gardant cela à l’esprit, et en prenant en compte le fait que ces cinq individus possèdent donc un pouvoir incommensurable qu’ils ont accumulé patiemment depuis des décennies, il n’est donc pas particulièrement choquant que les personnages de Throne of Bhaal soient puissants.
Depuis Baldur’s Gate, les jeux de la saga s’ouvrent sur la fameuse prophétie du sage Alaundo, sorte de ligne directrice de la série. Throne of Bhaal annonce la couleur d’entrée de jeu : le temps de la prophétie est venu, et nous vivons malheureusement les derniers moments de notre histoire.
Le ton du jeu est alors résolument plus mélancolique, plus sombre aussi, que celui des épisodes précédents. Par le biais des compagnons du joueur, ainsi que face à chacune des cinq figures que le protagoniste doit combattre, le jeu pose également la question de l’accès à la divinité. Ou plutôt, l’accès à un pouvoir suprême. Nombreux sont les égoïstes qui convoitent le pouvoir pour leur propre profit, mais certains autres personnages incarnent des points de vue différents et intéressants. L’un des personnages principaux, par exemple, considère que la seule solution viable est d’accéder lui-même à la divinité, puis de se tuer pour faire enfin disparaître la "souillure" de Bhaal. Un genre de sacrifice ultime : obtenir le pouvoir – qui pourrait être une allégorie d’un genre d’arme de destruction massive – et le détruire afin d’être certain que personne ne puisse plus s’en servir.
À côté de cela, Throne of Bhaal inclut également un donjon sur cinq niveaux, l’un des plus grands défis d’exploration dans le jeu vidéo. D’une difficulté redoutable, il met en scène pièges, énigmes et monstres rares pour une dernière séance de visite de donjon. L’un de ses niveaux en particulier, le "Labyrinthe de téléportation", est un modèle de game-design d’une rare perfection.
Le jeu offre un défi final à ses plus habiles tacticiens ; chaque bataille contre un boss est un grand moment. Les combats sont nerveux, longs et tendus. Les ennemis sont plus dangereux et plus intelligents que jamais, et ces ultimes bagarres, extrêmement difficiles, comptent encore parmi mes meilleurs moments de jeu vidéo…
De l’art de la conclusion
Throne of Bhaal permet à Bioware d’offrir une conclusion digne de ce nom à la plus grande saga de jeu vidéo de l’histoire. Dotée d’un souffle épique, cette extension transporte le joueur durant quelques dizaines d’heures supplémentaires durant lesquelles on sent approcher la fin inéluctable avec une certaine tristesse. Parfaitement abouti tactiquement, impeccable graphiquement, et disposant encore une fois un très haut niveau d’écriture – les dialogues imprévus entre les compagnons sont à nouveau très savoureux – le jeu dispose également de quelque chose que Bioware n’a plus jamais su faire depuis.
Une fin digne de ce nom.
Malheureusement, cette rétrospective est finie. La bonne nouvelle, c’est que si vous êtes arrivé là et que vous avez tout lu, sachez que je vous aime d'un amour très pur. L’autre bonne nouvelle, c’est que dans le cas improbable où vous ayez apprécié ma prose inimitable, vous pourrez la retrouver sur le site, dans un bon paquet de critiques.