En 1954, Joseph L. Mankiewicz réunit deux monstres sacrés du 7e art : Humphrey Bogart et la belle Ava Gardner – qui lui est "prêtée" à prix d’or par la MGM – pour son film « La Comtesse aux pieds nus ». Mankiewicz est alors un réalisateur reconnu, déjà récompensé par deux Oscars (consécutifs).
Le film est centré sur la vie de Maria Vargas, une flamboyante danseuse de cabaret espagnole repérée par un richissime producteur de cinéma, Kirk Edwards, et son équipe : son agent Oscar Muldoon et le metteur en scène Harry Dawes, qui souhaitent en faire une star de cinéma. Nous la suivons au cours de plusieurs moments clefs de son histoire, de sa découverte à son ascension au statut de superstar et à son départ pour l’Europe. Le film situe cette histoire dans le passé, et se divise en trois phases qui correspondant à ces trois périodes de sa vie, entrecoupées de passages dans le présent.
La première partie, donc, est consacrée à la découverte de Maria Vargas par Harry Dawes, chargé par Edwards de la convaincre de les accompagner à Hollywood. Dawes est immédiatement charmé par la jeune femme, et voit en elle un immense potentiel. Dans toute la deuxième partie, nous suivons Maria, désormais au faîte de la gloire et de la renommée, de l’Espagne à Los Angeles, où, malgré tout son argent et sa célébrité, elle ne parvient pas à être heureuse. Le film s’achève alors sur une (longue) partie durant laquelle Maria, lassée, rentre en Europe et y fera quelques rencontres qui seront décisives pour le reste de sa vie.
Autant le dire d’emblée, ces trois unités narratives sont très inégales, de longueur et d’intérêt très variables. Si toute la première partie est plutôt agréable, présentant les personnages – et surtout le duo Maria/Harry – la deuxième souffre déjà de quelques longueurs et seules les interventions de Muldoon, brillamment interprété par Edmond O’Brien, sauvent les meubles. Enfin, la troisième partie, en Europe, est très longue et ennuyeuse, à l’exception d’un final plutôt réussi.
La narration souffre d’un défaut malheureusement assez fréquent : l’utilisation de voix off (ici, celles de Bogart et d’O’Brien), qui cassent l’immersion dans le film. Peut-être que de supprimer l’usage de cet artifice, voire simplement de le limiter un peu aurait amélioré le rythme du film – peut-être.
Le personnage central du film est Maria Vargas ; toute intrigue est construite autour d’elle, pour elle. J’ai trouvé difficile de s’attacher à elle. Bien sûr, elle est fondamentalement aimable : belle, généreuse, modeste malgré sa célébrité… elle ne cherche que le bonheur, qui lui échappe. Elle me paraît simplement un peu trop froide, impersonnelle, et un peu cruche…
Globalement les acteurs s’en tirent assez moyennement. Bogart fait le job, comme d’habitude, et retranscrit parfaitement à l’écran ce personnage de metteur en scène, qui connait tristement les hommes et la vie. Edmond O’Brien, dans le rôle de l’agent Oscar Muldoon, est très bon, et ses apparitions constituent pour moi les meilleurs moments du film. La plupart des autres acteurs sont complètement insignifiants – mention particulière à Warren Stevens qui joue Kirk Edwards. Le plus dénué de charisme étant sûrement Rossano Brazzi, qui me paraît être un prince charmant bien peu convaincant.
J’en viens à Ava. Je la découvrais dans ce film, elle qui était considérée comme une superbe femme à l’époque, même surnommée le « plus bel animal du monde ». Sa prestation dans le film est tout à fait crédible, mais pour moi elle n’est pas vraiment à la hauteur de sa réputation… D’accord, elle est "belle" de visage, mais elle me paraît assez froide et manque de charme, ce magnétisme que dégageaient des actrices comme Rita Hayworth ou, en son temps, Marlene Dietrich.
J’aurais même tendance à préférer la copine de Bogart, incarnée par Mari Aldon – au moins dans ce film.
« La comtesse aux pieds nus » reprend dans les grandes lignes l’histoire de Cendrillon – une fille modeste, pauvre, à la mère horrible, qui accède à la fortune et épouse un prince (et, avec une histoire de chaussures aussi). Point de magie ici, c’est, de l’ambition de Mankiewicz, une version "amère" de l’histoire. Eh bien, en un sens c'est réussi, nulle magie n'opère ici, et le film est finalement plutôt décevant.