La première saison étant finie et la seconde pointant le bout de son nez, une rétrospective sur le premier volet d'Eldarya (que j'ai joué en intégralité) me semble appropriée, d'autant plus qu'aucune critique construite n'est présente ici. Je précise tout de même que cette critique contient des spoils, même si les plus importants et précis sont sous balises.
Les graphismes et décors
Autant l'anatomie des personnages et la perspective laisse parfois à désirer, notamment pour ce qui est des reliefs et plis de la peau (beaucoup de blessures ressemblent plus à des traces de peintures -et encore, une couche de peinture a du relief- qu'à des cicatrices ou à des plaies), ainsi que pour les proportions parfois douteuses pour ce qui est du corps humain, notamment lorsque la perspective s'en mêle et que la position est un peu alambiquée. Les expressions des personnages, et particulièrement d'Erika (le personnage joué) lors des points de vue extérieurs manquent cruellement de naturel, particulièrement pour les émotions fortes. De même, la position de certains personnages est trop raide pour être crédible.
Je pense particulièrement ici à la forme démoniaque de Leiftan, plus proche de la position anatomique de base qu'on peut retrouver dans un manuel de médecine que de celle d'un personnage révélant, lors de sa première apparition, toute la noirceur de son âme pour convaincre une antagoniste de le rejoindre.
En revanche, les décors sont beaux et bien travaillés, c'était toujours un plaisir de découvrir une nouvelle zone. De même pour les tenues dont on peut vêtir son personnage, particulièrement celles des events. On regrette, en revanche, un recours régulier au plagiat d'artistes extérieures à l'entreprise, évidemment sans les payer, ni les prévenir.
La musique
Arrivée lors des derniers épisodes, je n'ai donc joué qu'une toute petite partie d'entre eux avec cette dernière. Elle présentait, au début, un défaut colossal: elle était dépendante du lieu et non de la situation. Du coup on se retrouvait avec des descriptions de combats ou de batailles... accompagnée d'une musique toute douce à la harpe. Ce problème a été corrigé lors de l'épisode 30, mais la correction n’est pas rétroactive sur les anciens épisodes.
Mais même post-correction, un problème demeure: les transitions entre "la musique badass de la bagarre" et "la petite musique à la harpe" se font... sans transition justement. Ce qui est de mon point de vue très désagréable, en plus de nuire légèrement à l'immersion.
La musique étant cependant désactivable, ce problème est à mon sens mineur.
Ceci mis de côté, elle est plutôt agréable à écouter, même s’il s'agit de boucles.
Les petits plus : les events, les familiers, le marché et l’alchimie
Les familiers : Nombreux, généralement jolis et colorés (même si l’on sent parfois un manque de maitrise de l’anatomie animale), ils permettent d’explorer les cartes prévues à cet effet et d’y récupérer des ressources pour l’alchimie, de la nourriture pour familier et, à l’occasion, des vêtements. Le principe est simple et efficace et on peut assez vite se surprendre à être prise de collectionnite. Cependant, seul une toute petite partie de ses familiers est rentable : les familiers communs et rares ont une chance et une énergie trop faible pour être intéressants, et les épiques et les légendaires une nourriture trop chère en boutique (24 et 30 maanas, alors que le gain journalier est de 50 par jour). Il est certes possible de trouver de la nourriture en exploration (pour l’immense majorité des familiers non évènementiels du moins) mais cela limite l’intérêt de ses dernières, vu qu’on est obligées de spammer une zone pas forcément intéressante pour nourrir notre bestiole avant d’avoir du mou pour quelques jours. C’est cependant le seul moyen d’avoir un familier épique ou légendaire « rentable ».
Il aurait pu être judicieux que chaque catégorie de familiers aient des avantages mais aussi des contraintes qui leur sont propres. Par exemple, les familiers rares pourraient gagner de la chance jusqu’à avoir celle d’un légendaire, si gardé longtemps hors de son œuf, à la condition de ne jamais oublier de le nourrir.
Le marché : Il permet de revendre aux autres joueuses les objets trouvés en exploration contre plus ou moins de maanas. Si ce système a été pendant longtemps un moyen de s’enrichir plus ou moins efficacement, ce dernier a été refondu au grand désavantage des joueuses vendeuses. Si, auparavant, un pourcentage était prélevé une fois la vente effectuée, rendant les échecs de vente gratuits, aujourd’hui la taxe a lieu lors de la mise en vente, pouvant rendre cette dernière déficitaire. De même, les taxes ont considérablement été augmentées (jusqu’à 10% du prix de vente !), et ne se basent plus que sur le prix d’achat direct, qui est toujours le plus élevé des deux. L’objectif est clair : limiter les gains de maanas pour les joueuses, voire tuer purement et simplement ce système.
L’alchimie : feature très attendue mais finalement décevante. Elle consiste à assembler des ressources d’alchimie trouvée en exploration pour fabriquer diverses potions ou objets. Sauf que le moindre craft est extrêmement manaavore. Par exemple, la coiffure légendaire demande 50 + 100 + 200 + 300 = 650 maanas juste pour les coiffures nécessaires (vu qu’il est nécessaire de « consommer » la version épique, qui elle-même demande la version rare, etc.) + 400 maanas nécessaires à l'achat des 4 essences de transmutation (qu'il est plus rentable de 42 maanas minimum d'acheter toutes faites que de crafter, allant contre la logique de tous les autres jeux), auquel il faut encore ajouter un pigment à 30 maanas x4 . Soit un total de 650 + 400 + 120 maanas = 1170 maanas à dépenser obligatoirement, en omettant les ressources nécessaires aux différents crafts que l’on trouve en exploration. Soit presque l’équivalent de 24 jours de jeu ou d’un tiers d’épisode. Pour un seul objet, c’est ridiculement cher. Heureusement, elle n’est pas obligatoire et l’équipe semble avoir compris à quel point l’idée de baser ses events dessus (les rendant absurdement chers) était une mauvaise idée.
Les events : au nombre de 6 (Saint Valentin, Pâques, Fête de la musique, Fête de l’été, Halloween, Noël), ils permettent d’obtenir des vêtements exclusifs dont habiller son avatar ainsi qu’une voire plusieurs illustration(s). D’une qualité inégale, souvent très répétitifs (refaire X fois le même mini jeu par jour), ils sont conçus pour une seule chose : faire raquer les joueuses. Presque toujours calibrés pour être très difficile à finir pour une personne lambda (soit en raison d’une trop grande difficulté, soit en raison du nombre de connexions exigées par jour, soit les deux à la fois), leur unique objectif est de frustrer les joueuses qui, si elles l’échouent, renoncent à une ou plusieurs tenue(s) exclusive(s) de bien meilleure facture que celles obtenables en exploration avec les familiers.
Jusqu’à l’année dernière subsistaient cependant deux exceptions : Noël et Halloween. Leur principe était simple : une nouvelle carte, avec des objets exclusifs, des morceaux d’illustrations et deux ou trois familiers. Sauf que ce système simple et efficace mais beaucoup trop généreux a été remplacé par une mini-histoire avec des questions à choix multiples, lesquelles débloquent les illustrations. Sauf qu’on ne sait si on a réussi un dialogue ou non qu’en fin d’évent (ce qui rend les seconds essais impossibles et la coopération entre joueuses très difficile), et qu’obtenir les illustrations manquantes coute 100PO l’unité… soit plus ou moins 2€ pièce.
Bref, l’unique ressort des évents est malheureusement bien souvent la frustration pour inciter à payer, ainsi que la fidélisation par une demande d’investissement absurde. Sauf qu’à trop tirer sur la corde elle finit par rompre : de plus en plus de joueuses revendiquent ainsi de boycotter la banque.
Mais passons maintenant au cœur du jeu : L’histoire et les épisodes en eux-mêmes.
Les garçons
Comme le titre l'indique, le jeu ne contient aucune voie lesbienne, mais vu le massacre qu'est cette dernière sur les autres jeux Beemoov c'est pour le mieux. Les garçons sont donc au nombre de quatre, chacun défini par un archétype: nous avons donc le guerrier direct et taciturne, l'elfe hautain et moqueur, le vampire coureur de jupons mais romantique au fond de son petit cœur et le sous-chef de la garde peu accessible mais protecteur. Au-delà de ces archétypes, les intérêts amoureux ne sont -et c'est bien malheureux pour un jeu de romance- pas du tout développés: tous n'ont même pas droit à leur propre arc narratif.
Il m'est par exemple impossible de dire, après plus de trente épisodes en comptant les spinoffs, chacun prenant environ une heure/ une heure 30 à être joué, quels sont les passe-temps du personnage avec qui j'étais censé être en couple, quel est son passé avant d'arriver à la garde et les informations que j'ai sur sa famille sont extrêmement parcellaires si on omet sa sœur (qui est présente dans le jeu). Cette absence de proximité, lié à l'absence de moments intimes si on omet les parties de jambes en l'air, finit par avoir une conséquence sur la lectrice: les crushs sont plats, sans reliefs, sans dilemmes moraux, et on peine donc à s'attacher à eux. Et si on est parvenu à y arriver on finit par s'en lasser: nombres de joueuses se plaignent sur le forum que l'homme censé être "l'amour de leur vie" ne soit en réalité qu'un étranger sans substance pour elles. Ce néant sentimental est renforcé par le fait que si le début du scénario laisse à penser à une intrigue nuancée sur le plan moral, notamment à cause du comportement de la garde à notre égard au début du jeu et au peu qu'on apprend de son passé, cet encombrement scénaristique est bien vite corrigé avec des méchants très méchants qui tuent pour le plaisir et par vengeance et des gentils très gentils qui veulent sauver le monde.
La romance
La mise en couple se fait lors de l'épisode 19. Et c'est bien simple, avant ce dernier, rien ne laisse à penser que l'héroïne est amoureuse. C'est tout juste si elle commence à apprécier vraiment son crush, après le coup de Trafalgar que la garde étincelante lui a fait à l'épisode 13 (j'y reviens plus bas). L'absence de développements des sentiments amoureux, les rougissements des personnages, les détournements de regards, la complicité qui s'installe doucement, la volonté de passer du temps ensemble même dans l'adversité, tout cela est balayé pour être expédié en un seul épisode par un "Ta Gueule C'est Magique" au cours de l’épisode précédent.
Pour expliquer rapidement ce dernier, l'héroïne se fait posséder sans s'en rendre compte par le fantôme d'une ancienne membre de la garde à la recherche de son âme sœur, lui aussi membre de la garde, sauf que personne ne les connait puisque les deux sont morts depuis longtemps. Et, surprise surprenante, l'intrigue se résout par le fait que l'âme sœur en question prenne possession du mec sur qui on a mis son dévolu: on se retrouve donc à lui rouler un gros patin pour libérer les deux esprits, puis à ne plus savoir à partir de l'épisode suivant si nos sentiments sont bien les nôtres ou les résidus de ceux de la femme qui nous a possédé.
Comme précisé plus haut, ce début douteux ne sera pas compensé par la suite: les instants de complicité avec notre crush, hors scène de sexe, sont quasiment inexistants. Pour s'exclamer qu'il s'agit de l'amour de notre vie, que nos sentiments transcendent le temps et l'espace, il y a du monde, mais c'est bien tout. N'espérez pas faire quelque chose d'aussi bateau qu'un diner en tête à tête: ça n'existe purement et simplement pas dans le scénario. Enfin si, ça existe: on rejoint le crush sur la plage... et tout le dialogue est décrit (même pas résumé, décrit) par une bulle descriptive !
C'est un énorme point noir pour ce jeu qui se veut immersif: du descriptif (d'une qualité médiocre en plus) ne peut pas remplacer l'engagement émotionnel qu'est le fait de lire une scène et d'y participer par des choix de dialogue.
Et tant qu'on est dans la romance, parlons des scènes de sexe.
Du cul du cul du cul
Précisons tout de même un bon point: elles sont (presque) toutes esquivables par des choix de dialogues évidents. Aussi, si lire des expériences de sortie hors du corps (vu les descriptions, on a parfois bien du mal à croire que c'est du sexe qui nous est décrit) ne vous intéresse pas, vous pouvez parfaitement passer les scènes. Cependant ce choix est généralement puni: vous n'obtiendrez pas l'illustration, certes souvent gênante voire parfois franchement glauque. Sachant que 4 épisodes ont une illu basée sur la fesse, de manière plus ou moins explicite, vous y perdez pas mal, « l’objectif » d’un épisode étant d’y débloquer une voire plusieurs illustration(s).
Mais si vous appréciez d'être émoustillé par des scènes coquines je vous le dit tout net: cet otome souffre du symptôme "50 nuances de Grey", aussi appelé "incapacité chronique à écrire sexe, orgasme, clitoris, cunnilingus et tout ce qui s'en suit". S'il faut reconnaitre que les formules grandiloquentes à base de "tourbillon de bonheur que j'aurais voulu éternel" et autres "Il s’insinua en moi et sa chaleur m’entoura comme un vent d’été" provoquent tout à la fois fou-rire et dessèchement vaginal (ou inaculation pour ses messieurs), elles échouent en revanche à être sinon excitantes, au moins tendre et touchantes.
La normalisation de l'agression sexuelle: le cas de l'épisode 13
Cet épisode a été écrit pour régler un problème simple: nous sommes terriennes, et cela fait 13 épisodes que notre vie sur Terre nous manque. De plus, la garde se comportant comme une bande de beaux salopards à intervalles réguliers avec nous, de nombreuses joueuses espéraient pouvoir rassembler les objets nécessaires au rituel pour retourner dans notre monde au nez et à la barbe de Miiko et ses sbires (voire carrément rejoindre l'antagoniste, qui à ce moment était plus aimable à notre égard). Sauf que l'équipe n'avait visiblement aucune envie de gérer une branche de scénario "je les déteste tous et je veux me barrer d’ici", du coup il a fallu trouver un moyen de retirer à l'héroïne toute raison de rentrer chez elle. Ce désagrément scénaristique aurait pu être évité en faisant de l'héroïne une native d'Eldarya, ou même quitte à aller dans le cliché en lui faisant perdre la mémoire en passant d'un monde à l'autre, mais bon passons.
Bref: pour nous retirer toute raison de partir, la garde décide de nous manipuler pour nous faire préparer puis boire une potion qui a pour effet de faire disparaitre toute trace de notre existence humaine sur Terre, sauf qu'on finit par l'apprendre (grâce à l'antagoniste, à l'époque où ce dernier avait encore un intérêt) et on refuse donc de boire. Et que décident les scénaristes? Certainement pas de respecter notre choix, la diluer dans notre eau, ou de nous ouvrir le gosier de force, ce qui aurait été plus logique. Il leur semblait visiblement beaucoup plus romantique qu’un des mecs draguable nous embrasse de force pour nous forcer à boire.
On est forcées de boire via un baiser alors qu'on ne veut pas, donc. Selon ce bon vieux code pénal, il s'agit d'une agression sexuelle (atteinte sexuelle commise avec contrainte, les baisers forcés étant considérés comme des atteintes sexuelles par la jurisprudence française).
Alors soyons claire: je n'ai absolument rien contre le fait de fait de représenter ou même de faire vivre une agression sexuelle si c'est bien traité (sans complaisance, ni misérabilisme). Ce qui me pose problème ici, c’est sa romantisation (c’est le premier « bisou » de l’intrigue, qualifié plus tard de "baiser passionné", récompensé par une illustration) et l’absence de réaction émotionnelle de la part de l’héroïne. Durant tout l’épisode suivant que nos parents, nos amis et nos collègues nous aient oublié de manière irrémédiable semble à peine effleurer l’esprit d’Erika (sans même parler de l’agression), qui se contente de coller une baffe méritée à la cheffe de la garde. Passé cette dernière: rien. On peut même se retrouver à faire des blagues et à sympathiser avec le garçon qui nous a agressé, pour peu que ça soit aussi notre chef de garde. Et, dans tous les cas, on est dans l’impossibilité de faire éclater notre colère sur tous les responsables.
Le tir a été un peu (si peu) rattrapé dans l’épisode 15 suite aux nombreuses plaintes des joueuses sur le forum. Mais le fait est que cette potion a eu au bout du compte l’effet escompté pour la scénariste : pouvoir dégager le monde humain du scénario. D’ailleurs, le prétexte invoqué pour justifier ladite potion (des humains menaçants le QG se repérant grâce à l’aura « humaine » d’Erika) disparait purement et simplement de la suite de l’histoire.
Autre point glauque : le personnage de Leiftan (et de Nevra, dans une moindre mesure), qu’il m’est impossible de développer sans spoiler ouvertement :
Pour Nevra, l’affaire est vite entendue : c’est juste le trope du dragueur invétéré, misogyne à souhait, qui finit par devenir une grosse guimauve une fois amoureux.
Pour Leif’, c’est un peu plus « subtil ».
Il s’agit d’un des traitres du QG ET d’un personnage draguable, il fallait lui trouver une voie de rédemption, parce qu’encore une fois un scénario nuancé c’était trop compliqué. Laquelle, évidemment, passe par des sentiments amoureux pour l’héroïne.
Ce personnage dit être fou amoureux de nous, depuis le début. Sauf que ce n’est pas de l’amour : c’est de l’obsession morbide. Le prétendu amoureux transi nous espionne, est d’une jalousie maladive au point de penser à tuer les gens et particulièrement les hommes avec qui on s’entend bien, use de ses pouvoirs de chef de garde pour nous forcer à passer du temps avec lui, j’en passe et des meilleures…
Bref, le trope classique du stalker qui IRL serait le roi des creeps mais qu’on apprends aux jeunes filles à trouver romantique, réduisant la vitesse et la force de déclenchement de leur alarme mentale du danger que représente un homme en particulier
Ça aura aussi permis d’ajouter Eldarya à la longue liste des œuvres participant à normaliser les violences sexistes et sexuelles sur les femmes, mais bon ça…
Ce qui me fait une superbe transition pour la suite.
Le scénario
Histoire de poser un peu le lore : Eldarya est un monde parallèle au notre, fondé il y a environ 500 ans pour protéger les Faëries des humains. Il fut créé grâce à un sort nommé le Sacrifice Bleu, lequel demandait à la base le sacrifice de deux races entières en raison de leur puissance: les Dragons et les Daemons. Sauf que ses derniers n'étant étrangement pas très chauds à l'idée de tous mourir pour le bien commun, ils décidèrent de rompre l'accord et de fuir. Le sort étant visiblement mécontent de ne pas avoir eu la quantité de génocide promis, le monde d'Eldarya est instable : les terres ne sont pas fertiles, les portails entre les mondes défectueux etc. Cependant rassurons-nous : le besoin de sang du Sacrifice Bleu fut comblé par les Eldaryens, qui décidèrent de génocider les Daemons jusqu'au dernier. La stabilité du monde est assurée par le Grand Cristal, gardé par la Garde d'Eel. Sauf qu'un malandrin se faisant appeler Ashkore (si vous avez un peu joué à Block Story vous vous êtes fait spoiler, désolée) l'a brisé il y a peu de temps, et l'équilibre du monde est en péril: il faut récupérer les morceaux du cristal, avant que celui-ci ne corrompe des faerys et que le monde ne s'effondre sur lui-même.
Petite humaine (mais pas tant que ça) débarquée au hasard, vous voici choisie par l’Oracle du Cristal pour rétablir l’équilibre du monde à la surprise générale.
Vous avez l’impression d’avoir déjà vu ça un milliard de fois ? C’est normal. Mais la surutilisation de clichés n’est qu’un point de détail par rapport au reste.
La bêtise de la gardienne (et des autres)
Premier point qui va TRÈS VITE vous agacer: dans cet univers tout le monde est stupide, à commencer par vous (non pas vous derrière votre écran, votre perso). D'ailleurs les forumeuses ne se sont pas privées d'affectueusement (hem) surnommer la gardienne Erikonne. Entre ses réactions incohérentes (émue aux larmes pour la mort d'un personnage croisé deux fois dans un couloir mais quasi indifférente à la mort d'une de ses meilleures amies et d'un enfant à qui elle servait de figure parentale sous ses yeux), son incapacité de réflexion (savoir depuis 4 épisodes qui est le traitre mais que ton perso soit infoutu de connecter ses deux neurones est TRÈS énervant) ou encore sa niaiserie (excitée à l'idée d'une guerre, discutant avec la moitié du QG de la présence d'une taupe dans leurs rangs), vous allez très vite la détester.
Cependant rassurez-vous, les autres persos ne sont pas mieux: entre la médecin qui se retrouve sur le champ de bataille de son plein gré alors que dans son dernier dialogue elle disait être seule et débordée par le nombre de blessés, les personnages théoriquement les plus puissants qui ne se disent jamais "eyh, ça pourrait être bien de m'entrainer à utiliser mes pouvoirs", ou les traitres ayant tués assez de gens pour prendre un bain dans leur sang pardonnés en trois bulles de dialogue (au point de placer la survie du monde entre leurs mains hein, pas juste "bon on veut bien bous donner une seconde chance mais on vous a à l’œil"), vous ne pourrez que difficilement finir la première saison sans avoir l'empreinte de votre main gravée sur votre visage.
D'ailleurs en parlant des personnages, une bonne partie d'entre eux sont des self-insert. Oui oui, comme dans la fanfiction Harry Potter que vous aviez écrit à l'aube de vos 13 ans. Du coup, préparez-vous à la surenchère d'adjectifs mélioratifs pour parler de (Chino)Miiko pour vous forcer à l'apprécier, mais aussi à voir un perso se faire pourrir gratuitement par tous les autres, suite au départ de son humaine de référence de l'équipe de développement dans de mauvaises conditions (chose là encore corrigée uniquement grâce aux plaintes des joueuses). Attendez-vous aussi à vous poser des questions quand un personnage dont le charadesign évoque largement un trentenaire sortir avec un autre personnage décrit comme "une adolescente, et encore"...
Les incohérences
Inutile de le préciser, mais un mauvais récit digne de ce nom affiche une pléthore d'incohérences. Parfois mineures, parfois franchement graves. On peut citer, en vrac, le problème de la nourriture (comment nourrir plusieurs milliers voire millions d'individus pendant des années en se contentant de razzias ponctuelles), des persos qui pour se venger des humains décident de tuer des faëries, les réactions absurdes de certains personnages, les non-sens temporels et j'en passe. Si vous portez un tant soit peu d'intérêt à l'univers et/ou que vous jouez tous les épisodes coup sur coup, vous ne pourrez que difficilement passer à côté.
La fascination morbide pour le sacrifice
Si vous avez lu le résumé du contexte dans lequel se déroule l'intrigue, vous avez vu que j'y mentionne le génocide des Daemons par les Eldaryens. S’il est bien un fait qui peut poser le rapport des scénaristes au sacrifice c'est bien celui-là: ce génocide (il n'y a pas de mot, la race ayant été exterminée par vengeance) est présenté comme un fait positif voire un juste retour des choses.
De même, la gardienne est régulièrement prise de pulsions suicidaires, voulant sacrifier sa vie pour un oui ou pour un non (semblant au passage oublier que la survie du monde repose sur ses épaules). Elle va même jusqu'à reprocher à un personnage ... d'avoir temporairement rejoint les méchants, sans avoir commis la moindre forfaiture, pour lui sauver la vie. Cette obsession vire parfois au ridicule voire au malsain: ainsi, une mère de famille dont l'unique fils a été sauvagement assassiné se retrouve à faire la mère-poule auprès de la meurtrière de son fils (et non, pas pour mettre du cyanure dans son eau). De même, si on refuse de pardonner à un personnage d'avoir tué certains des persos dont on était le plus proche (une brouille, après tout) moins de trois épisodes plus tôt et sans preuve véritable de rédemption, ça nous est reproché.
Hors de la dévotion morbide, point de salut. On a même un personnage qui nous explique que pardonner est indispensable à la rémission. Cette insistance ne permet en réalité qu’une seule chose : comme je l’ai dit plus haut, une partie des joueuses préféraient être avec ce qui était supposé être les méchants. En insistant autant sur le fait que la garde a pour rôle de protéger le monde, mais sans jamais faire de choix douloureux ou ambigus, on s’assure tout à la fois un scénario médiocre et la volonté des joueuses de rester à Eel, vu que c’est ce qu’il y a de « moins pire ». On s’assure aussi de minorer les atrocités commises par les habitants d’eldarya (un génocide quand même je rappelle), mais bon ce n’est qu’un point de détail comme dirait l’autre borgne.
Un jeu mature? Le sexe, la violence et la guerre.
Eldarya s'est toujours vendu comme un jeu plus "mature" que son grand-frère Amour sucré (ou AS pour les intimes). Sans aller jusqu'à la dark fantasy (en en restant très loin même, il suffit de voir à quel point le monde est chatoyant pour s'en convaincre), le jeu proposait de traiter certains termes incompatibles avec la vie d'une lycéenne (puis d'une étudiante) lambda: notamment la guerre et la mort (et le sexe, parce que selon certains mettre du cul et du sang suffit à faire une bonne série mature (c'est toi que je regarde GoT)).
Sauf que non. Ce qui fait la maturité d'une œuvre, c'est la manière dont elle aborde les thèmes qu'elle traite, bien plus que les thèmes en question. Et de la même manière qu'une scène de cul de 7 minutes dans un film sur une romance lesbienne n'en fait pas un film mature mais un film voyeuriste, mettre une guerre dans une œuvre cucul n'en fait pas une œuvre profonde mais manichéenne.
Si les scénaristes se sont visiblement dit que faire mourir des personnages (dont un enfant) sous nos yeux, nous faire frôler la mort plusieurs fois et même vivre la trahison et la guerre était une bonne idée, tout est écrit d'une manière si débilement binaire que même un ordinateur trouverait qu’il y a de l’abus. Et c'est dommage, parce que la genèse du monde était propice à des développements nuancés. Mais non, à la place on a des gentils très gentils qui veulent sauver le monde et sont d'une niaiserie à faire peur (oui, envoyons la cheffe de garde et l'élue de l'oracle dans un piège évident, après tout "on ne sait jamais" ptet que le méchant il est redevenu gentil UwU), et des méchants très méchants qui veulent le détruire et n'hésitent pas à tuer pour ça (mais tkt gros l'amour sauve le monde).
Dans la même idée, le destin du monde se joue (évidemment) sur une guerre. Mais une guerre Carolin, vu comme c'est propre. N'espérez pas voir l'une des pires calamités humaines dépeinte comme telle. N'espérez même pas voir votre héroïne avoir peur de la mort, être désespérée à la vue des cadavres et du sang ou même juste craindre pour la vie des civils. Non, le seul sentiment qui vous est autorisé est l'excitation, l'envie de faire vos preuves et l'envie de combattre les méchants très méchants (mais sans les tuer car on est gentils nous UwU). N'espérez pas y voir de tension héroïque jaillir du désespoir ou même d'embryon de stratégie militaire crédible. D’ailleurs les personnages eux-mêmes n’y croient pas : vous êtes ainsi amenés à faire visiter le QG aux convives (pas aux réfugiés, aux convives), et notamment à leur expliquer que les jardins sont agréables pour se prélasser. Trois jours avant une guerre où se joue le destin du monde, donc.
Et évidemment au cas où vous auriez eu un doute: tout se termine par votre sacrifice, ainsi que celui de deux des crushs, ce qui est il faut bien l'admettre assez culotté dans un jeu de drague. Balourd vu comme c'est amené, mais culotté. Cependant rassurez-vous votre perso et le crush stalker glauque vont être résu par un TGCM sorti de nulle part.
La narration et le style d'écriture
On va procéder par point, puisqu'il n'est pas nécessaire de développer outre mesure pour comprendre la nature du reproche:
Le fait que certaines scènes aient lieu depuis le point de vue d'autres personnages: Aberration narrative, dans un récit fait pour être vécu à la première personne. On se retrouve à connaitre pleins d'éléments que notre personnage ignore (dont l'identité du méchant et de la taupe qu'on est censé rechercher, donc certainement pas des points de détails). Ça fait sortir de l'intrigue, ça rend la bêtise d'Erikonne encore plus flagrante et ça ne comble même pas les faiblesses d'écriture des rédacteur‧ices.
Les niveaux de langue. Passons sur le fait que des personnages censés avoir quitté la Terre il y a plus de 500 ans parlent un langage très (voire parfois trop) moderne. Le problème réside bien plus dans le fait qu'une même personne puisse nous demander "Wesh alors?" et enchainer sur un "j'ai ouï dire que vous eussiez mal dormi cette nuitée mon amie?" (J’exagère, mais franchement parfois pas tant que ça). Ça nuit à leur crédibilité, et donc à l'immersion.
La narration au passé simple. Il s'agit d'un temps de récit, or ici on nous propose de vivre "en temps réel" une aventure à travers un personnage. L'usage du passé simple de manière quasi-systématique alourdit inutilement les descriptions et nos pensées.
L'orthographe et le vocabulaire. Les erreurs dans les choix de mot sont parfois si fréquentes et grossières que la seule explication que je vois c’est que le ou la rédactrice a tapé « X mot synonyme » sur Google et en a sélectionné un au hasard. Sauf que les mots peuvent avoir plusieurs sens et qu’en plus de ça synonyme ne veut pas dire équivalent. On arrive donc assez régulièrement sur des résultats absurdes. Pour les fautes en elles-mêmes, leur nombre et leur taille ne suggère parfois qu'une seule chose: les dialogues ne sont ni passés au correcteur, ni relus avec soin.
Le style: C'est probablement le point le plus personnel. Le style de narration est inutilement capillotracté. Pour ce genre de récit, il peut être judicieux de faire simple et efficace: plutôt que des formules grandiloquentes pour une scène de tension, n'est-il pas judicieux de jouer sur le rythme via la ponctuation, notamment en raccourcissant les phrases? Visiblement non. L'avantage c'est que des fois vous allez apprendre de nouveaux mots (oui c'est à toi que je pense rythme nycthéméral). L’inconvénient, c’est qu’est-ce que c’est très prétentieux, et pour pas grand-chose.
Petite conclusion
Tl,dr: c'est rigolo si vous aimez collectionner les bestioles et habiller un avatar, sinon passez votre chemin.
... Mais du coup, pourquoi t’être enquiquinée à jouer pendant presque 3 ans me demanderez-vous ? Eh bien c’est en réalité très simple : ce jeu est incroyablement nanardesque. La sortie des épisodes est une très bonne occasion de discuter avec les copines et de se moquer du scénario, du style et du vocabulaire aléatoire (oui oui Ezarel, va faire la guerre avec un fleuret, ça va bien se passer).
Et rire un peu entre copines, ça fait du bien. Par contre si vous voulez jouer l’histoire seule et sérieusement je vous le déconseille (surtout avec le nouveau système de PA aux dialogues qui va arriver avec la saison 2): c’est ennuyeux comme un jour de pluie.