Zagreus, jeune prince des Enfers, découvre que sa véritable mère, Perséphone, est en vie, dans le monde des mortels. Avant même d'avoir eu le temps de dire "complexe d'Oedipe", le voilà parti à sa recherche, prêt à décimer les ombres du Royaume souterrain de son père, Hadès. Qu'importe le nombre de tentatives, Zagreus est bien décidé à se faire la malle.
Supergiant Games est un petit studio indépendant, dont toutes les œuvres se sont révélées des perles de design et d'atmosphère. J'avais personnellement beaucoup aimé Bastion (2011) et Transistor (2014), et si je n'ai jamais accroché au gameplay de Pyre (2017), le jeu est indéniablement aussi beau qu'original.
On retrouve donc chez Hades (2020) tous les marqueurs de Supergiant Games : une DA dessinée à la main du plus bel effet, une ambiance mélancolique, une histoire tout particulièrement léchée, et des centaines de lignes de dialogue entièrement doublées par des acteurs aux voix "casual sexy" (genre sexy sans le savoir). Sans oublier des bandes-son du tonnerre.
Rien qu'avec ce "starter pack Supergiant Games", Hades ne pouvait pas vraiment décevoir. Mais le studio ne s'est pas reposé pour autant sur ses lauriers, et a pris des risques à deux niveaux : le contexte (la mythologie grecque) et le genre (le roguelite). Et sur ces deux points, c'est le carton plein.
C'est donc la première fois que SGG ne nous invite pas dans un monde original, mais à l'inverse s'appuie sur la mythologie la plus connue au monde. Ça aurait pu être un piège, mais c'est en définitive un atout. Cela libère beaucoup de temps pour développer en profondeur les personnages, car on les situe déjà. pour la plupart. Et ces personnages sont, pour moi, la plus grande réussite du titre. Vibrants, touchants, subtils... Zagreus l'ado rebelle, Achille le mentor posé, Nyx la mère de substitution, Megara la fière ou bien sûr Hadès le père sévère, colérique, irréconciliable, sont autant de personnages qui resteront longtemps avec moi. Sans parler de la famille de l'Olympe : Zeus l'égocentrique, Poséïdon le vaniteux, Arès le psychopathe courtois ou Artemis l'asociale, et j'en passe. Voir leurs relations progresser est toujours un plaisir.
Parlons enfin du gameplay de ce roguelite. Les combats sont rapides et nerveux, une version plus aboutie de Bastion et Transistor. C'est très agréable à prendre en main, avec une courbe d'apprentissage bien dosée. Mais surtout, Hades incorpore les éléments de game design essentiels pour moi à tout bon représentant du genre :
- des choix mutuellement exclusifs. Dois-je prendre la porte de gauche pour plus de vie ou de droite pour plus d'or ? Dois-je choisir un bienfait qui décuple mon attaque ou améliore mon dash ?
- des synergies nombreuses et variées entre les améliorations. Ça donne la possibilité d'avoir des "builds" surpuissants très gratifiants à trouver et à exploiter.
De ces deux éléments découlent l'existence de nombreux styles de jeu, pour beaucoup de rejouabilité, ainsi que moult choix cornéliens aux conséquences réelles (bénéfice / risque) qui donnent au joueur le contrôle de sa run (plus qu'à la RNG). Que du bon, en somme.
A noter l'astucieux système du Pacte des Châtiments qui permet d'affiner la difficulté en fonction de son profil.
S'il faut chipoter, j'ai trouvé l'épilogue un peu rapidement évacué à mon goût. D'autre part, un petit soucis de design des bienfaits : il n'est pas souvent clair lesquels sont des "core boons", quels sont ceux qui peuvent s'améliorer ou encore se revendre.
Bref, Hades est un roguelite envoûtant, dont les trois piliers, histoire, gameplay et direction artistique, sont impeccables. Le meilleur jeu de SGG, de loin, et de 2020 à mon sens. J'appelle un (improbable) DLC de tous mes vœux, pour prolonger le plaisir.
Epilogue atteint après 101 tentatives d'évasion. 120 heures au moment de cette critique, max 16 heat.