Microsoft rentre sur le marché des consoles avec la Xbox en 2001 et pour réussir son coup la société avait besoin d’un emblème, elle avait besoin de : Halo Combat Evolved. C’est Bungie qui signera cette réussite, eux qui ont pu réaliser quelques FPS peu connus mais bien réputés au cours des années 1990 et qui abordaient déjà des aspects ludiques et esthétiques proches d’Halo, paradoxalement sur Mac avec la saga Marathon. Mais c’est un projet d’une ampleur bien supérieure à quoi était habitué le studio qui misait tout sur cette superproduction dont l’échec leur aurait sûrement été fatal et réciproquement Microsoft misait sur le studio en difficulté qu’il venait de racheter pour conquérir le cœur des joueurs.
Le succès commercial comme critique fut bien sûr au rendez-vous, une nouvelle franchise de première importance est née, une nouvelle référence du genre FPS s’imposa, la popularisation du genre sur console monta en flèche dans son sillage... mais est-ce que tout était déjà si bien dès ce premier épisode ? Je vais vous dire ce que j’en ai pensé mais avant ça je précise que j’ai joué au jeu dans version Masterchief Collection sur Xbox One aux côtés du frère d’armes Francisravage, mais c’est bien de la version originale dont je parlerai dans cette critique, pas de la version Anniversary.
GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★☆☆☆
Le maniement de base et sa visée sont d’une grande précision et d’une belle fluidité, ce qui n’est pas une mince affaire pour un FPS sur console, notamment à son époque pour lequel il fut un nouveau standard malgré quelques mastodontes concurrents. De grandes libertés ont pu être prises à cet effet, comme les sauts très amples, et ce n’est pas un mal une seconde. Le système de jeu est a minima complet avec quelques armes à la trajectoire de tir, à la façon de recharger, au type de dégâts… assez originaux pour les armes extraterrestres. Le jeu forcera par moment à les adopter pour ne pas se retrouver à sec puisque si les ennemis sont légions, les munitions ne le sont pas, et pour ne rien arranger on ne peut transporter que deux armes différentes simultanément, ce qui n’était pas commun non plus à l’époque.
Le système de vie a également une particularité intéressante puisqu’il est scindé en deux avec un bouclier à régénération automatique et une santé à régénérer par des items à trouver, système simple mais pertinent, parfaitement lisible dans l’interface et encore loin d’être un standard dans les FPS de l’époque. L’IA est très évoluée et constitue l’un des points forts les plus importants de ces nombreuses fusillades, permettant aux ennemis de se replier, d’esquiver, de nous perdre de vue, de contourner une position… Le gameplay de base est donc d’une excellente qualité et il faut analyser comment il est exploité pour enfin voir ses quelques limites mais surtout ses belles et nombreuses ambitions.
Tout d’abord, il faut bien dire que la possibilité de jouer à tout le jeu en coopération est très bien venue et la plupart des phases de jeu s’y prêtent bien sans l’imposer, nous sommes en effet amenés à évoluer dans des espaces de jeu assez ouverts qui demandent une maîtrise du terrain et une coordination des joueurs en multi. Il n’empêche que quelques petits points sont tout de même à améliorer sur la question. Par exemple, les points de contrôle franchis par un joueur téléportent systématiquement l’autre joueur et ce n’est pas forcément utile, ça peut même réellement le déranger alors qu’il recherche des munitions précieuses ou était sur le bon chemin à suivre qu’il se met alors à négliger.
Ensuite, les véhicules permettent de réduire les longues distances à parcourir et là encore les technologies humaines et covenants sont assez différentes dans leur fonctionnement en jeu. Du buggy au tank en passant par un aéronef léger, ça permet de rompre la monotonie et de surprendre un peu le joueur mais le maniement n’est pas toujours optimal et n’est pas toujours bien approprié pour la coopération. Proposer de telles séquences est ambitieux et elles procurent des expériences de jeu très plaisantes mais on sent que la maîtrise n’est pas suffisante pour que ça soit excellent.
Enfin, la principale limite au gameplay c’est que des situations de jeu peuvent se répéter ad nauseum sur certains chapitres, du backtracking peu intéressant peut s’imposer sur des environnements au level-design qui ne s’y prêtaient pas forcément, les objectifs annexes se font très rares, il n’y a pas de véritables boss… En ce qui me concerne, ça ne m’a pas trop dérangé au premier run de la découverte en coop, par contre quand je me suis replongé dans le jeu seul j’ai bien senti cette répétitivité. Si le gameplay est donc une grande réussite de prime abord avec beaucoup d’ambitions et de fulgurances, il n’est pas encore suffisamment abouti pour que j’en reconnaisse l’excellence, mais il y a un domaine dans lequel le jeu m’aura plus impressionné.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★☆☆
Affublé des moyens et de l’ambition de devenir la vitrine technologique de la Xbox qui comptait beaucoup sur sa puissance face à la concurrence, Halo profite d’une réalisation bien plus qu’évoluée : le terrain de jeu peut vite devenir immense avec beaucoup d’ennemis et d’alliés le parcourant sur la terre comme dans les airs, les temps de chargement s’avéreront bien courts et la fluidité rarement prise en défaut, les jeux de lumière et de particule du plus bel effet se succèdent dans tous les sens autour des tirs, boucliers… en combinaison d’un système d’éclairage dynamique assez poussé, les animations autour de notre arme au premier-plan sont nombreuses et ne manquent pas de détails...
Les cinématiques avec le moteur de jeu sont elles aussi très correctes techniquement, le rendu visuel est tout à fait satisfaisant et la mise en scène peut être assez élaborée par moment, comme lorsque l’on voit à travers la caméra du casque d’un soldat un moment du passé, en vue subjective donc. Néanmoins, ce qui est dommage c’est que ce choix aurait permis d’inclure le deuxième joueur dans les cinématiques sans trop de problème, ce qui n’est pourtant pas le cas, dommage dans un jeu qui place autant la coop au centre de son expérience de jeu.
La direction artistique met en opposition des architectures de civilisation de science-fiction avec des paysages naturels assez classieux, un contraste qui marche très bien pour ma part avec une ambiance mélancolique et contemplative très appréciable qui aura le mérite d’être complétée par d’autres ambiances plus épiques ou anxiogènes. Les décors extérieurs sont très travaillés et agréables à découvrir et à explorer au sein de cet anneau-monde au design qui est déjà en soi assez original et élaboré, pour l’anecdote inspiré par Ringworld, un roman de SF peu connu des années 1970. Par contre, les intérieurs peuvent se décliner et se répéter encore et encore, jusqu’à même occasionner des problèmes d’orientation tant tout vient à se ressembler, ça gâche un peu le tableau.
En parallèle, le chara-design a su se révéler assez conventionnel mais indiscutablement efficace, en puisant largement dans les univers visuels de science-fiction bien connus comme la saga Alien, tout en se dotant de suffisamment d’identité pour marquer les esprits. Le design du Masterchief, l’amure Mjolnir, en est un excellent exemple, à la fois très simple et très efficace avec cette tenue militaire verte, couleur de la console même si la légende veut que ce soit un hasard. Les covenants font des aliens très réussis avec leur technologie avancée et différente de la notre tout en se confrontant à des créatures plus organiques et horrifiques ou cybernétiques et froides.
Composées par Martin O'Donnell et Michael Salvatori, habitués des productions Bungie et principalement connus pour elles, les musiques dépaysantes, mélancoliques et épiques sont très efficaces. Les mélanges d’influences celtiques et de percussions tribales sur une musique traditionnelle de blockbuster américain fonctionnent très bien pour cela, tout en conférant une identité à ce style musical qui suivra le reste de la saga. Appréciant beaucoup l’emploi des chœurs pour intensifier l’impact et les standards hollywoodiens synonymes de grand spectacle, j’adhère pleinement à la proposition, et je ne fus pas le seul, la distribution de l’OST ayant vécu une ampleur au-delà des normes de l’époque et contribuant à sa reconnaissance par un plus large public.
On a tout de même quelques soucis de mixages audio que je déplore avec parfois des combats qui commencent avec une musique, qui se terminent avec une musique, mais sans musique entre les 2, inexplicable et pourtant c’est le principal accroc que je retiendrais de tout ça. Si les doublages anglais sont plutôt réussis sans non plus particulièrement se démarquer des standards de l’époque, les doublages français sont tout de même assez catastrophiques (sans aucune conviction, avec des accents improbables…), ce qui est d’ailleurs étonnant quand on voit certains noms du casting comme David Krüger, doubleur attitré de Dwayne Johnson.
Pour en finir sur la partie sonore, les bruitages des créatures ennemies apportent d’assez bons feed-back, traitant avec humour les ennemis les plus faibles et avec sérieux les ennemis les plus forts, dans l’ensemble le sound-design m’est satisfaisant. Que ce soit donc sur le plan visuel ou sonore, technique ou artistique, Halo a de sérieux atouts à faire valoir et ce n’est pas rien pour un jeu à l’ambition d’être un console-seller. Il reste un point à aborder, celui du scénario et en tant que début d’une franchise devenue très populaire et sur différents médias, la question se pose réellement des qualités scénaristiques et narratives du titre.
SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★☆☆☆
Si le protagoniste n’est pas complètement muet, il a une personnalité assez basique de soldat badass qui se laisse facilement piéger mais sans perdre son sang-froid, qui semble être plutôt bienveillant mais sans paraître faible ou niais, rien de bien extra-ordinaire. S’il est possible de faire toute la campagne du jeu en coop, le deuxième personnage jouable n’a pas de présence dans le scénario, ce qui est un peu dommage surtout que ça ne paraissait pas difficile vu le peu de personnalité du protagoniste. De la même manière, beaucoup de personnages secondaires seront assez oubliables.
C’est surtout le personnage de Cortana qui porterait le scénario, cette IA avec un bon sens de la répartie et une intelligence supérieure à la moyenne des personnages. Elle contribuera d’ailleurs énormément à l’identité de la saga mais même à celle de Microsoft en donnant son nom à l’assistant personnel intelligent de la firme 13 ans après ce premier épisode, c’est dire l’héritage qu’elle laisse et rien que ça c’est une grande réussite largement au crédit de ce premier jeu finalement. Mais ce n’est pas de ce côté-là que le récit réussit le plus à se distinguer selon moi, même s’il ne s’y plante pas non plus.
Le scénario, et l’univers qu’il développe avec lui, sait faire preuve de maturité et de surprise. Si l’opposition entre l’humanité et une civilisation extra-terrestre pas très gentille semblait occuper toute la place de l’intrigue jusqu’à sa moitié, soit un déroulement manichéen simpliste, l’arrivée du flood, troisième faction combattante, s’accompagne de scènes particulièrement violentes et de quelques twists plutôt bien sentis qui se succéderont jusqu’à la fin. Bon au final ça n’est jamais qu’une réitération d’Alien qui viendrait perturber non pas une humanité dominante mais une humanité en guerre contre une autre civilisation militariste qui lui serait hostile, en plein dans le mille de ce type d’univers SF dans le jeu vidéo comme en témoigne Starcraft quelques années plus tôt.
Il faut savoir qu’à l’origine le scénariste avait prévu beaucoup plus d’événements scénarisés dans l’aventure mais les contraintes techniques avec la console encore méconnue et de temps avec la pression d’accompagner son lancement ont annulé différents chapitres, ce qui lui a imposé de remanier son scénario de manière plus simple afin d’éviter les incohérences. Autant, je serai plus sévère pour le scénario d’autres jeux Halo qui en étant plus ambitieux font apparaître ces lacunes, autant le scénario est ici suffisamment modeste pour que le problème ne se voit pas tant que ça, en tout cas je n’ai moi-même pas ressenti cet écueil.
De plus, cette version d’univers SF classique repris par Halo réussira à s’étoffer par la suite de cet épisode qui a su poser des bases très correctes à sa saga tout en racontant une histoire sympathique et cohérente du début à la fin. Ce n’est pas ce qu’il y a de plus ambitieux mais l’exercice a le mérite d’être maîtrisé et c’est d’autant plus notable pour un type de jeu pour lequel les efforts ont rarement été très importants dans ce domaine. Cerise sur le gâteau, le soin du détail dans Halo est même poussé jusqu’à quelques explications intra-diégétiques appréciables comme la tenue de notre personnage qui explique certaines capacités surhumaines, l’interface… ça fait toujours plaisir.
CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆
Nouvelle référence du genre FPS sur console avec mécaniques innovantes et ambitieuses, belle démonstration visuelle des capacités de la Xbox à son lancement, sympathique récit dans un univers au potentiel intéressant et à la très belle direction artistique… Le porte-étendard de la première console de Microsoft faisant une entrée remarquée dans le média aura su marquer les esprits même si le manque de maîtrise de sa formule, au moins pour cet épisode, m’empêche de le porter en si haute estime que ses plus grands fans.