Il y en a qui n'ont jamais compris la hype autour de la série, d'autres qui trouvent avec le recul que le jeu a été terriblement surnoté, auréolé qu'il était de son excellente tenue graphique à l'époque de sa sortie. Il y en a qui le voient comme un FPS de plus parmi des centaines, comme un jeu un peu con en plus d'être répétitif sur certains passages.
Pourtant je pense que Halo mérite sa place parmi les 50 meilleurs jeux de tous les temps, au moins. Il n'est pas parfait : quelques passages semblent effectivement moins bien finis que d'autres, quelques niveaux trainent un peu en longueur, et le scénario est assez débile quand on y réfléchit trois secondes.
Alors pourquoi est-ce un bon jeu ? Première raison et non des moindres : parce qu'il ne se prend pas vraiment au sérieux. Xbox 360 et Playstation 3 d'aujourd'hui sont noyées sous les Gears of Wars et Killzone-like, sous les FPS et TPS qui multiplient les effets spectaculaires tout en restant assez austères, génériques et surtout, plutôt grisâtres.
En 2002, Halo faisait les choses différemment : herbe trop verte, vaisseaux aliens mauve brillant (et palette de couleurs globalement exagérément saturée), néons partout, sang de toutes les couleurs, doublages délicieusement over-the-top et musique parfois à la limite du grandiloquent, on nageait dans la série B assumée et sans prise de tête. Pas de découpage au fusil-tronçonneuse ou de masques à gaz dans Halo, mais une pesanteur un peu laxiste, des grenades collantes assez cartoon dans l'esprit (il n'est pas étonnant qu'on en retrouve dans Team Fortress 2 ou Super Smash Bros. Brawl), des extraterrestres anglophones aux réactions joyeusement débiles et des parasites explosant comme des ballons de baudruche sous l'impact des balles. Même de simples détails comme le viseur du fusil à pompe, énorme cercle paraissant hurler "ceci est une arme imprécise, utiliser au corps-à-corps uniquement" pouvaient prêter à sourire.
Ensuite (certains vont peut-être crier au scandale) je crois que quelque part, Bungie a fait montre avec Halo d'une approche très pure du gameplay, d'une notion de "fun" assez comparable à celle de... Nintendo. En effet, non content de disposer d'une campagne solo fluide (peu d'errements), plutôt bien structurée (alternance régulière extérieur/intérieur, bon espacement des scènes marquantes, montée vraiment progressive de la difficulté), Halo faisait preuve d'une accessibilité réjouissante, qui prenait tout son sens en multijoueur. Halo, c'était le triomphe de l'écran splitté, le Mario Kart de la Xbox, le champion du fun immédiat - il suffisait de prendre une (grosse) manette pour s'amuser presque aussitôt, même sans savoir jouer. Les armes étaient marquantes et intuitives, la physique légère des véhicules un véritable appel aux tentatives de figures acrobatiques, et c'était un bonheur de jouer la coopération à deux dans un Whartog, l'un essayant de conduire sans trop d'à-coups, d'éviter les tirs tout en essayant d'écraser l'ennemi sous ses roues tandis que l'autre mitraillait à loisir...
Vraiment, ce multi était et reste une perle, aux cartes souvent excellentes, parfois inégalées, et il n'était pas nécessaire de détenir un master en paramètrage pour lancer une partie. C'était diablement simple et d'une efficacité redoutable.
Je pourrais même pousser plus loin le rapprochement entre Halo et quelques productions Nintendo célèbres : la relation entre Masterchief (d'ailleurs en armure verte, notez) et Cortana (I.A bleutée) ressemble beaucoup à celle que partagent Link (en tunique verte) et Navi (fée bleue), et l'on est pris par moments (dans les extérieurs en particulier) d'envies d'exploration ou d'expérimentation des limites du terrain assez peu différentes de celles qui traversent une partie de... Super Mario 64. Casquette ailée, tentatives de décollage du Warthog : même combat, pas vraiment evolved mais indéniablement fun. Et comment ne pas faire non plus une comparaison avec la série des Metroid, dont l'héroïne possède elle aussi une armure surpuissante et un caractère de militaire taciturne l'excluant pour le meilleur ou pour le pire du reste de l'humanité ?
Ultime chose faisant entrer Halo dans le club fermé des grands jeux : son "âme". C'est un jeu disposant d'une identité propre, apportant un univers fort et distinct, des thèmes musicaux mémorables (parmi une bande sonore dont la qualité restera de haute volée tout au long de la série, ce qui justifie pleinement qu'elle soit commercialisée) et parvenant même à dégager parfois une beauté inattendue, un peu perdue par des volets suivants plus Terre à Terre et plus bavards. Halo premier du nom, c'est l'histoire d'un type bien souvent seul sur un monde inconnu et hostile, dernier survivant un peu perdu d'une catégorie de clones améliorés. Ce fait a des conséquences qui mériteraient d'être fouillées : devenant soudain davantage qu'un simple pion parmi d'autres, Masterchief passe au rang d'individu unique alors qu'il n'a pas été "conçu" pour ça. Lui aussi est un extraterrestre dans son propre camp, et alors qu'on se contrefout de la psychologie d'un Gordon Freeman (Half-Life) pourtant plus humain en apparence, on se demande constamment ce que doit penser ce héros sans visage, sans famille sinon l'humanité toute entière, forcé de sauver cette dernière en permanence pour espérer s'accomplir aux yeux des hommes.
PS : Chouette, un remake arrive !
PS2 : le teaser de Halo 4 dévoilé à l'E3 2011 confirme définitivement Cortana comme un personnage "à la Navi". En réveillant ici le Chief ("Wake up, John") elle ne manque en effet pas d'évoquer la petite fée essayant de faire réagir l'elfe assoupi au début du jeu N64...