Salut.
Je viens de regarder cette interview d'un des créateurs du jeu et d'Ashley Bursh qui joue Cloé - et cela rend Life is Strange encore plus beau qu'auparavant.
Avant, j'avais un émerveillement sensible du monde, puis j'ai découvert les vertus de l'analyse théorique et mon émerveillement est devenu scientifique dirons-nous. Aujourd'hui, je parviens de mieux en mieux à lier ces deux types d'émerveillement, notamment grâce à Richard Feynman à qui je pense souvent.
Par exemple, savoir que Buffy est la seconde série préférée d'un des scénaristes du jeu me permet d'affirmer avec plus d'ampleur que l'écriture de Life is Strange se déploie dans une finesse réfléchie.
Il est agréable également, maintenant que je développe des opinions (choses que je ne faisais pas quand seulement le sensible m'importait), de trouver des personnes qui ont le même point de vue. Ici, le propos sur le questionnement des "female protagonist" rejoint le mien : oui, la raison se partage, je ne suis pas seule ! Michael Koch, le créateur interviewé, explique très bien que l'origine du personnage de Max n'était pas un objectif quantitatif du style "il faut quatre personnages féminins et trois masculins dans notre prochain jeu" - peu importe le quota social acceptable, il faut une cohérence dans l'histoire, dans ce que l'on veut raconter.


Life is Strange est un bon jeu. Il fonctionne bien. C'est-à-dire ? Il part d'une idée de mécanique de jeu, de gameplay : remonter dans le temps (mécanisme qu'on retrouve dans Remember Me, le seul truc intéressant de ce jeu en plus de l'univers - le reste étant raté). Ensuite, après l'idée de départ, vient l'interrogation de son inscription quelque part. A quel moment de ma vie les regrets sont le plus importants ? A quel moment de mon existence le pouvoir de remonter dans le temps m'aurait été le plus utile ? Pour les créateurs du jeu, et pour bon nombres de personnes j'imagine, cette période est celle de l'adolescence et notons qu'il existe très peu de jeu sur l'adolescence. Le premier moment crucial des choix de trajectoires de vie - où les pensées de l'humain quarantenaire vagabondent dans sa crise aux cheveux grisonnant. Alors voilà, la cohérence se dessine petit à petit, et les acteurs s'y retrouvent comme le raconte Ashley Bursch - et si les acteurs s'y retrouvent, les spectateurs aussi. On touche à un part de vérité commune car humaine - quelque chose que je tente d'appréhender chaque jour un peu plus à travers les oeuvres d'art et les essais scientifiques (de l'émerveillement double du monde). Ce truc qui résonne profondément chez chacun, qui donne à voir une unité du genre humain peut-être, Life is Strange le transmet. C'est pourquoi c'est un bon jeu, une belle histoire, une oeuvre qui murmure en continu dans ma tête.


Un autre point que j'aime à observer dans ce qui fait une oeuvre d'art (disons le franchement), c'est la capacité des "spectateurs" d'en extraire des possibilités autres - ou plus précisément, l'engouement autour des fan-fictions. Les personnages existent en dehors de l'univers dans lequel ils ont été créés. Cela rejoint la résonance personnelle : il y a un peu de moi dans Max, il y a un peu de moi dans Cloé. Les personnages deviennent des personnes qui nous manquent - les gens qui ont regardé Buffy me comprendront. Une des puissances de l'art réside dans le fait de créer des amis imaginaires qui pallient à la solitude inhérente, à la peur de l'abandon (mise en perspective ici par Cloé et la mort de son père).


Do you really want to go back in time ?
Une autre vidéo causant de Life is Strange indiquait les différences d'utilisation du pouvoir de remonter dans le temps, et la question du choix. L'investissement dans un acte dépend du choix que l'on a eu dans la prise de décision. Dans Life is Strange et contrairement aux autres jeux aux choix multiples, Max peut voir les conséquences de son choix et en faire un différent. Quand je joue, je trouve que remonter dans le temps en face de certaines personnes donne une teinte hypocrite à ma relation à cette personne. Ainsi, face aux personnages que j'aime bien, j'ai tendance à ne pas remonter dans le temps pour voir ce que l'autre choix donnerait, et cela me confère une sorte de confiance émotionnelle dans la relation. Je ne sais pas si j'explique ce sentiment très bien, mais ça m'a l'air important. Je ne veux pas trahir mon instinct amical, ou quelque chose du genre.


Ainsi, le pouvoir à la base du gameplay et de l'histoire, le côté science-fiction de Life is Strange est une excuse pour accentuer la vie quotidienne adolescente, comme dans Buffy où chaque phénomène surnaturel est un prétexte, une métaphore à une problématique de la réalité concrète.
La boucle est bouclée.

slowpress
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le 20 juin 2015

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