Un jeu puissant, important et libérateur presque parfait

Persona 5 est au départ un jeu intriguant qui devient vite génial pour finalement être extraordinaire. Voilà en résumé mon voyage dans ce jeu mélangeant donjons metaphoriques et visual novel.

Persona 5 est un jeu important, libérateur, parfois jouissif qui explore nos sociétés avec le regard de la jeunesse (pleine de vie et d'espoirs mais bloquée par monde adulte en perdition). De part ses thèmes et même si la direction artistique et le ton général du jeu permettent de garder le sourire on a quand même des moments pouvant être durs. Voici les contenus pouvant poser problèmes dans le jeu :
TW : suicide, harcèlement sexuel, agressions sexuelles, viol, chantage.

Première chose que l'on découvre en lançant le jeu c'est sa DA, très marquée, colorée (rouge et noir). L'intro nous montre un braquage avec des voleurs stylés et une musique acid jazz funky. Voilà la patte du jeu. Et ça fonctionne pour mettre dans un bon mood, voire par moment se sentir invincible. Cette DA très marquée est présente dans les menus du jeu, avec une police stylisée également. Je peux comprendre que certains puissent avoir du mal.
En tout cas le style fait sens avec vos personnages qui vivent une double vie (lycéen tokyoite le jour et voleur phantome à la arsène lupin la nuit).
Ca dégage de vraies bonnes vibes et le caractère des personnages aide également mais on y reviendra.

Niveau gameplay c'est là aussi très marqué. Atlus, le créateur du jeu est connu pour ses jeux uniques en leur genre (Catherine le visual novel agrémenté de puzzle game ou les Persona qui raconte toujours l'histoire d'un groupe de lycéen qui va se retrouvé doté de pouvoirs fantastiques).
La partie donjons ou palais d'abord : on doit explorer des palais (une représentation de la psychée de quelqu'un) et en voler le trésor. C'est du jrpg tour par tour avec la gestion des faiblesses et résistances des ennemis (un peu à la pokémon). Rien de révolutionnaire mais très plaisant. De plus les ennemis sont capturables et deviennent nos personnae.
Justement l'aspect pokemon est aussi ici présent car votre but pour progresser ne sera pas de faire gagner des niveaux à vos personnae mais bien d'en avoir de nouvelles plus puissantes, de fusionner les anciennes pour en faire de nouvelles etc etc.
Une persona c'est quoi ? C'est un personnage mythologique ou légendaire qui va se lier à vous et servir de masque. Ce sont des figures que l'ont revêt. (et autant vous dire que les personas des persos principaux ont beaucoup de sens).

L'autre partie du jeu c'est la vie de lycéen en mode visual novel. Chaque jour ou presque vous irez à l'école, vous suivrez des cours (qui apprennent beaucoup de choses mine de rien), vous passerez vos examens (suivez en cours...mais c'est fun ). Une fois le lycée fini vous pourrez sortir avec vos amis, et peut être même tomber amoureux (désolé c'est très hétéronormatif - malgré de nombreux double sens avec certains personnages). Et puis il y a également plein d'activités annexes à faire : lire, jouer à la console, allez dans des restos, jouer au baseball, aller au ciné, etc etc. tout ceci servira à augmenter vos stats sociales : intelligence, courage, habileté, charme, gentillesse.
C'est assez vite addictif mais il faudra faire des choix car on ne peut pas tout faire. Tout maxer est difficile pour une première partie donc pas de panique, il y a un new game +. Par contre le jeu est long, j'ai pas fait Royal, mais juste le Persona 5 de base et j'ai fini l'histoire en 132h. (Quand mes plus grosses parties de FF étaient dans les 90h).

Les personnages sont divisés en deux catégories : ceux qui vous accompagneront dans vos virées nocturnes et avec qui vous formeraient le groupe des voleurs fantômes. Puis, il y a les autres confidents qui peuvent vous apporter des bonus pour vos sorties et qui sont tout aussi intéressants à suivre même si vous ne les emmèneraient se battre avec vous. Tous les personnages sont bien écrits. Quand ils sont agaçant c'est généralement fait exprès. Bien qu'un peu clichés par moment ils ont tous assez de profondeur pour être attachant à un moment, même sans forcément les aimer on les comprend. Mais quand je dis qu'ils sont bien écrits c'est que... c'est vrai ils sont vraiment hyper intéressants. Attention aux crush aussi. Vous pouvez entamer une relation avec un des personnages féminins, ou plusieurs, le jeu ne l'interdit pas (mais peut-être qu'il peut y avoir des répercussions plus tard).
Chaque personnage confident va être lié à une arcane majeure du tarot , et leurs histoires seront assez liées au sens de ces cartes.

C'est des personnages que viennent les thèmes du jeu. Chacun va être lié à une histoire et c'est là qu'on arrive à pourquoi ce jeu est important et libérateur.
Vous, lycéens ou jeunes adultes êtes des victimes de nos sociétés, du patriarcat et du capitalisme. Mais avec votre persona vous trouverez le courage d'affronter toute cette adversité, les conventions, les attentes, la pression sociale et vous apprendrez à être vous même.
Nos personnages vont apprendre à se révolter puis vont vouloir changer la société. L'image du voleur est alors très intéressante.
Et c'est assez bien fait. On est dans un ok boomer ultime. Nos personnages commencent en victime leur voyage et vont trouver en eux la force de rebondir et combattre l'adversité avec leurs moyens. Ce que j'ai beaucoup aimé c'est qu'à un moment il y a un personnage neuro-atypique, en dépression et qu'il va s'en sortir sans que les autres ne le forcent trop (enfin c'est pas toujours parfait, mais quand même il y a de nombreux choix de réponse où on peut dire à la personne d'aller à son rythme et que ce qu'elle a fait est déjà super). De plus le traitement de l'anxiété sociale est aussi bien fait.
Cependant le jeu a quelques couacs dégueulasses qui l’empêchent d'être parfait et qui prouvent beaucoup de choses sur le milieu de la création artistique souvent très masculin.
Si le jeu va condamner sans détour le sexisme, le patriarcat le capitalisme, être très juste sur la réaction de nombreux adultes lors de cas d'agression sexuelles, bah les créateurs du jeu ont quand même réussi à créer des passages homophobes , du no homo très lourd, et même faire passer du harcèlement sexuel et du chantage pour quelque chose de drôle alors qu'on combattait tout ça 2h auparavant. Alors ça doit représenter en tout 45min sur 130h... mais c'est là et ça reste scandaleux. Vu que ça a déjà bien gueulé à ce sujet espérons qu'Atlus va évoluer à l'avenir mais vu les maigres changements apportés à ces passages dans Persona 5 Royal j'ai peur que la remise en question soit encore longue. De même, si on prend en compte que les personnages féminins sont en grande majorité mineurs, leur sexualisation pose aussi problème. Ainsi Ann est parfois un personnage qui se libère de la domination masculine pour ensuite être le centre d'une blague digne d'american pie.
Ce sont des petites touches certes, dans un grand océan, mais elles sont là, je préférais en parler. Et on peut changer les tenues des personnages en donjon si certaines déplaisent (male gaze assez présent).

Persona 5 en plus de tout ça c'est une écriture qui fait sens. On a le tarot et ses nombreuses interprétations qui joue un rôle. Les personae sont des créatures ou personnages légendaires qui ne sont pas là par hasard non plus. La littérature a donc beaucoup de place dans l'oeuvre. Les voleurs que l'on incarne sont les plus célèbres, ils incarnent aussi les problèmes de leur propriétaire, ce qu'on attendait d'eux et leur libération. Jouer un hors la loi n'est pas gratuit et la question de la justice (et de la justice sociale) se pose. Les masques que l'on porte, le coeur des gens, leurs désirs, tout est adroitement lié. Sciences sociales, littérature, psychologie, sont abordées ici mais aussi parfois l'ambiance polar , le tout mélangé dans du fantastique et de l'intertextualité. Le final a dépassé mes attentes et a dégagé une puissance rarement ressentie dans un jeu tout en étant plein de sens.

Au final, cette loooongue aventure par son rythme et son style est vraiment une nouvelle vie dans la peau d'un étudiant d'aujourd'hui avec différents problèmes mais avec un style inégalable. Le fantastique lourd de sens apporte une profondeur nouvelle. Le jeu a une écriture intelligente. Et si j'étais pas forcément fan du fait de vivre un flash back au départ, ce qu'il se passe après est tellement bien que je n'ai pas vraiment de reproche à faire au trope utilisé au départ. Sans quelques passages complètement contradictoires avec la morale du jeu et des personnages (découlant de ces passages) qui perdent en sympathie parce qu'ils sont écrits par des mecs sexistes , alors ce serait un jeu parfait tant les messages apportés et le cri d'espoir à notre jeunesse sont importants et libérateurs.