Persona 5
8.5
Persona 5

Jeu de Atlus et Deep Silver (2016PlayStation 4)

Alors Persona 5… Un jeu que j’attendais depuis 2009 pour enfin me réconcilier avec la série. Un jeu qui promettait beaucoup par sa volonté non dissimulée d’aller au bout de la "nouvelle formule post Persona1 & 2" tout en renouant avec certains aspects de ces derniers.


Promesses tenues pour tout ce qui attrait à l’esthétique et à la technique (encore que de placer la commande d’attaque-surprise sur la même touche que celle du camouflage était une belle erreur). Mais enfin ses qualités on les connaissait déjà presque toutes avant même d'avoir le millésime entre les mains : Direction artistique hyper belle, gameplay bien rodé (j’ai aimé le fait de raréfier autant les mp afin d’obliger le turnover), des jolis donjons à défaut d’êtres retords (bien que 6 sur les 7 étaient déjà montrés dans les trailers) une aventure qui promettait de prendre le temps de se poser pour mieux nous embarquer etc... Et c'est effectivement le cas. Sans parler de la multitude de thèmes pas si souvent que ça abordés dans les jeux de ce genre. Ça fait déjà pas mal de bonnes choses et rien que pour ça il mérite une reconnaissance certaine.


Sauf que si on aime autant les megaten (‘fin moi en tout cas) c’est pour leur ambiances décalées et surtout pour leurs récits tellement à côté de la plaque par rapport aux autres jrpg que ça les rendait unique. Je dis ça au passé car c’est difficilement le cas avec ce Persona et ses intentions affichées à tous les étages de ratisser le public le plus large et le moins regardant possible. 1 million d’exemplaires en 3 mois ? Tu m’étonnes !


Il y a tout un tas de petits trucs qui mis bout à bout l'empêchent de venir trôner au sommet des rpg d'Atlus. Et le pire de tous ces mauvais trucs c’est comme par hasard le récit. Ça commence déjà avec ce scénario bancal à plus d’un titre, surtout à la fin (autrement dit quand ça compte) dilué dans un mood cool-japan qu’on a déjà vu mile fois dans les shonen de seconde zone. Sur ce coup-là je me suis bien fait avoir ! Moi qui croyais dur comme fer à la note d’intention d’Hashino d’opérer un retour aux sources allié à l’efficacité de la nouvelle formule. Ce qui est vrai jusqu’à un certain niveau je dois le reconnaitre. En disant ça je pense par exemple au premier palace et ses étages bien travaillés (les pilonnes taillés en forme de sportives à la position suggestive, les sales de torture ou les gamins se font défoncer, la bibliothèque etc), dommage que ce soit le seul qui propose ça. Je pense aussi aux deux derniers niveaux qui ont une vraie gueule de megaten. Au moins esthétiquement. Idem pour le retour d’une triangulaire avec un héros Neutral, un dernier boss Law et un Chaos, ça aussi ça fait plaisir.


Je compte aussi dans les points positifs la multitude de thèmes très intéressants abordés de près ou de loin dans les différents chapitres du jeu. En premier lieu desquels la Justice avec un grand J par le prisme d’une jeunesse marginale en soif de liberté. Un sujet en soi passionnant, surtout pour moi qui en a fait mon métier mais plus généralement pour les vieux fans de SMT aigris par la nouvelle direction que prend la licence. Sauf que pour discuter de ça dans un jeu vidéo faut un minimum de talent et de sérieux, sans quoi on risque de sombrer lamentablement dans un discours puéril et sans aucune portée. Malheureusement pour trouver une once de subtilité dans l’écriture de P5 faut vraiment se lever tôt… et c’est là mon plus grand regret.


Qu’on se rende à l’évidence. Persona 5 n’est en réalité qu’un nekketsu ultra convenable qui nous balance de la ré-forme-de-la-so-cié-té a tout va pour affecter l’adultisme, mais qui dans son idiosyncrasie ne diffère en rien du dernier animé sucré de la Toei. La vérité c’est qu’il ne propose quasiment aucune innovation profonde et reprend la quasi-totalité de ses meilleures idées narratives dans les SMT précédents (en premier lieu desquels Devil Summoner : Souls Hackers et Innoncent Sins, toutes les autres sont des resucée de P3 et 4) sans parvenir à les transcender. On ne lui demande pas de réinventer la roue mais au bout de 5 épisodes et après avoir autant fait monter les attentes, je m’attendais au moins à un petit bousculement. Toutes ces grandes phrases et beaux discours d’Atlus dans les itw pendant tant d’années pour au final nous resservir globalement la même soupe qu’avant ?


OK si encore c’était mieux emballé, car après tout le propre d’une saga c’est un peu de s’auto plagier à l’infinie tout en proposant quelque chose de stimulant à chaque fois, personne n’est dupe. Mais là on se contente d’épingler les personnages principaux auxquels on assène un gros background pour les épaissir mais qui au final peinent à convaincre par manque de finesse d’écriture et d’impact dans la mise en scène (les séquences en animés n’y changent d’ailleurs rien). Je ne peux pas m’empêcher de citer Ann qui malgré d’excellentes réserves (repiqués à 90% sur Lisa Silverman de Persona 2) n’arrive pas à m’enlever ce sentiment que tout est forcé chez elle. D’ailleurs Persona 2 – sans en faire des tonnes – est de manière générale bien plus hardcore que le 5 en sachant mieux cibler le réel dans le quotidien des ados. Par exemple quand il évoque simplement la difficulté d’être gros pour un jeune garçon en âge de prédation. Un fait dont nous avons tous été témoins qui malgré ses aspects banales - voir drôle pour certains - peut avoir de réelles conséquences psychologiques. Pareil avec Lisa victime de racisme pour ses origines américaine alors qu’elle ne pige pas un mot d’anglais, la nocivité des rumeurs/Fake News (20 ans avant twitter) ou encore l’homicide en milieu mineur en mode Lord of the flies. Pas besoin de leur inventer à chacun une histoire improbable de 8 pages à dormir debout.


Il y avait bien le personnage de


Goro Akechi qui emportait un bon capital de départ avec son point de vu contrasté et ma foi constructif sur l’idée du Droit dans une démocratie moderne. Il amenait un début de réflexion pertinent en accord avec ce que propose le jeu et je le trouvais même plus intéressant que la majorité des perso à bien des égards. Je pourrais citer en exemple la posture qu’il tient à l’encontre des Phantom Thiefs fondée sur le logos et les principes cartésiens qui fondent les bases d’une société pacifiée en opposions au sentimentalisme instinctif et à la hype (ou à contrario au badbuzz) qu’on retrouve tout autant dans notre actualité bien française.


Intéressant encore dans son rapport profond et personnel à la Justice et donc (par un habile jeu de miroir avec le MC) à l’injustice. Ce qui en faisait un chevalier blanc assez caricaturale mais qui s’insérait assez adroitement dans le propos.


Sauf que voilà Atlus avait vraiment envie de chier dans la colle à tout prix et a donc laissé les scénaristes du jeu flinguer notre beau Akechi en plein vol en lui accolant la finalité cachée la plus nulle de l’histoire. La sempiternel vengeance contre le Père !!! :facepalm:


Mais punaise c’était la pire motivation à lui refiler pour une fin en beauté ! Encore que je n’aie rien contre l’idée de vengeance, après tout c’est quelque chose de très fréquent qui pousse parfois à faire des choses surprenantes alors pourquoi pas. Mais bon sang pas comme ça les gars ! ZE-RO subtilité dans le récit. Le mec te balance ça de nulle part deux minutes avant de crever (dans un artwork à pisser de rire) alors que ça n’apporte absolument rien vu comment c’est raccordé au reste. J’sais pas si vous vouliez vraiment lui donner plus de volume (il en avait déjà assez amha) pourquoi ne pas continuer sur sa lancé par exemple en lui faisant proposer une réforme radicale de la société par le biais de la justice comme axiome. Avec au bout un truc comme la loi du talion ou la vendetta en ligne de mire. Ou en le faisant intégrer l’équipe par un quelconque raisonnement au vu de sa dualité avec le héros ?


Normalement un megaten c’est malin, c’est délicat, c’est raffiné quand ça veut te faire passer une idée. C'est ce qui fait la particularité de cette saga. Comme Nocturne (oui forcément il fallait bien le citer) qui totalement en accord avec son sujet a eu l’agilité de passer les psaumes 1-4 de la proclamation des trois anges en fond sonore du battle thème.


Dans la même idée on avait Digital Devil Saga (les deux vont ensembles) qui utilise la musique des mobs lambdas de Nocturne lors du combat entre le joueur et Hito-Shura pour bien nous suggérer qu’il nous considère comme du menu fretin au vu de son rang.


La c’est malin et réfléchi. Ce n’est pas grand-chose mais ça fonctionne bien car ce n’est pas assommant mais plutôt habile.


Dans Persona 5 il y avait pourtant Saé Niijima qui était là pour tendre la perche avec ses observations éclairantes sur les mécanismes juridiques japonais différents de notre vison d’occidentaux (quand on sait par exemple qu’au japon la présomption d’innocence n’existe pas et que c’est à l’accusé de prouver qu’il n’est pas coupable… Dur, dans un pays ou la justice est très lente et ou la peine de mort est toujours en vigueur). Ce qui posait aussi la question de l’accès à la défense pour les plus modestes etc. On se serait cru dans SMT2 l’espace de 5 minutes, pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? Le binôme qu’elle formait avec Akechi couvait un potentiel narratif immense comme seul Atlus sait en proposer, dommage que tout soit très vite désamorcé. Bref là-dessus il y avait mieux à faire.


Et il ne faut surtout pas compter sur les héros pour rattraper le coup. Là on se retrouve avec une poignée de weirdos dont la seule réponse à leur frustration c’est "fucking shitty adults" !


La plupart n’évoluent pas d’un pouce et restent des demeurés du début à la fin. Et vu que le jeu est écrit avec les pieds ça n’aide pas. La psychanalyse - thème originel de la saga - a été totalement évacuée au profit d’un concept abscons de pscience. Et je commence sérieusement à douter qu’Hashino ait jamais lu une seule ligne de Jung de sa vie…


C’est d’autant plus frustrant quand on voit le matériel de base qui avait absolument tout pour plaire. Le fait de jouer des marginaux rejetés, la critique du système judiciaire japonais, la notion de justice au sens large, les tentations nationalistes etc… Tout était là pour faire un grand jeu et pourtant… Il y a bien le memento qui est là encore une excellente idée autant dans la forme que dans le fond, surtout dans sa version finale qui sent le megaten à l’ancienne mais on ne fait qu’y passer en coup de vent la plupart du temps. Et je regrette que le scénariste se soit arrêté en chemin en foutant toutes les causes de sa critique sur le dos du dernier boss sans aller au bout de sa logique sur la psychologie des foules.


Voilà ce qui résume les ambitions narratives de ce persona 5. Des tas de sujets hyper intéressants mais soit effleurés du bout des doigts soit abordés maladroitement (par rapport aux meilleurs megaten) ce qui m’aura laissé un arrière-goût d’inachevé. Le tout saturé de situations à peine crédibles noyées dans un torrent de verbiages inutiles en espérant que le joueur soit trop con pour le remarquer.


Un jeu objectivement "bon" mais il y a trop de trucs qui ont freiné mon enthousiasme. Si c’est notre premier persona/megaten ou qu’on découvre (comme une partie de la presse visiblement) y a moyen d’y voir le JRPG de la génération ça peut se comprendre. Quoique ça pourrait l’être même si ce n’est pas le premier tellement c’est le désert à côté.


Alors oui, tout comme il y a 20 ans pile, P5 est le "FF7" des Persona mais en pire Comprenne qui pourra.

Saint-Just
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le 5 janv. 2018

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