Persona 5
8.5
Persona 5

Jeu de Atlus et Deep Silver (2016PlayStation 4)

Je vais vous révéler l'un des secrets les mieux gardés du domaine vidéoludique japonais : le J-RPG se porte mal. Très mal. Il suffit de regarder les diverses compagnies autrefois spécialisées dans ce domaine. Square? L'échec de leur mégalomanie cinématographique les aura forcé à être rachetés par leur ennemi de toujours. Ce qui explique d'ailleurs le peu de révérence avec lequel leurs licences ont été traitées vis-à-vis de celles d'Enix. (Remarquez le respect avec lequel Dragon Quest est protégé comme La Licence La Plus Préstigieuse du J-RPG tandis que Final Fantasy subit une série de coûteuses opérations cosmétiques censées la transformer en – vérifie le contenu du dernier DLC pour XV – un third-person shooter, semble-t-il). Namco? Rachetée par Bandai qui compte bien utiliser ses autrefois juteuses licences comme des machines à produire des goodies vendus fort cher aux derniers fans de la compagnie. La série Tales of Machin, toujours considérée par les puristes comme au mieux de troisième rang, sert maintenant à vendre... des dessins-animés de basse qualité inspirés des « univers » hautement « originaux » qui ont été « inventés » pour l'occasion. L'occasion, d'ailleurs, qui est sans-doute de nos jours le marché où la série Tales of Trucmuche est la plus apprécié. (Je suis anormalement fier de cette petite blague, nous allons donc prendre une phrase entière pour décompresser des sommets entêtants de mon génie humoristique.) Même Atlus, face aux dangers de l'industrie vidéoludique moderne, a été obligée de s'acoquiner avec une compagnie aux finances douteuses pour pouvoir se permettre de peaufiner le dernier né de la série Persona. Or, si vous suivez les informations financières attenantes à ce qui passe pour de l'info dans le domaine du jeu vidéo, vous ne pouvez ignorer que les réserves de cash de Sega sont tellement basses que la compagnie peine à financer ses nouveaux titres. Ce qui explique d'ailleurs la soudaine explosion de portages sur PC d'anciens titres publié par la compagnie construite par Sonic. Pour faire simple : la marché n'est plus ce qu'il était. Demandez à Falcom, tiens, ils vous le diront.


C'est à ce stade de l'article qu'une poignée de fans de Falcom prennent leur courage à deux mains pour m'annoncer qu'en fait, hein, la compagnie va très bien et survit en parfaite santé des miettes qui lui sont lancées par les aficionados de la série Ys – à ne pas confondre avec le manga de Katsura – à partir des quatre coins de la planète. (Une planète qui comme vous le savez est aussi cubique que les graphismes des titres de la compagnie susmentionnée, bu-dum-boum-pschhh.) Maintenant que nous avons cloué le bec des spécialistes les plus myopes du domaine... causons quelques instants de Persona 5. C'est aisément le J-RPG le plus moderne de l'histoire de la discipline. Une remarque étrange, tiens, quant on pense au fait que ce style de jeux est généralement construit sur une série de phénomènes étranges et fort rébarbatifs qui sont censés faire tout son suc. Car – j'en suis certain – quand vous pensez aux titres de ce genre produits au Japon vous pensez à :
1) des séquences d'exploration interrompues toutes les trente secondes par une série de...
2) nombreux combats soporifiques qui ne nécessitent que très peu de talent à être conquis car...
3) c'est avant tout une foire d'empoigne statistique qui fait battre le cœur de ce type de titres et...
4) que ceux-ci prennent parfois place dans des donjons générés de manière aléatoire dont vous pouvez être certains qu'ils sont une succession d'angles droit sans intérêt.
Or, sans en avoir l'air, Persona 5 résout la plupart des défauts inhérents au genre en solutionnant chacun de ces problèmes. Les combats interrompent l'exploration ? Utilisons avec élégance un artifice scénaristique où le joueur incarne une troupe de voleurs pour expliquer l'utilité d'éviter les gardes des diverses installations que l'on infiltre. (Une méthode qui repose d'ailleurs sur le vieux coup Namcoesque du « chaque ennemi vu à l'écran représente une altercation, » j'en suis conscient.) Les combats sont souvent soporifiques dans ce type de titres ? Il suffit de les rendre intéressants en utilisant une version accélérée des méthodes pugilistiques de la série. Vous savez, ces mécanismes où l'on peut utiliser les faiblesses de l'ennemi pour renverser en un instant une situation pourtant hostile. Les donjons générés de manière aléatoire sont considérés par une le grand public comme un tue-l'amour ? La réponse est simple : il suffit de les créer soigneusement de nos propres mains pour éviter ce type d'écueils. Ce qui explique très certainement la longue gestation d'un projet comme celui-ci, tiens, ce type d'attention aux détails est chronophage. Or, ceci dit et cela fait, ce titre d'une modernité rare dans le domaine... est grosso-modo un remake du scénario de Persona 4.


Alors, j'en suis conscient, la plupart des scénarios de la série répondent aux mêmes figures imposées. Votre protagoniste plus ou moins silencieux envoyé loin de chez lui passer une année à tenter de se racheter par ses actions dans une communauté donnée. Les personnages secondaires qui répondent à une série d'archétypes plus ou moins tirés du monde de l'anime. (Il serait d'ailleurs stupide d'oublier de mentionner que la finalité de ces titres semblent souvent de finir adaptées de cette manière.) Cette étrange menace qui s'avère être surnaturelle après quelques heures où l'on se demande si nos protagonistes ne sont pas tout simplement en train de devenir cinglés. Et autres considérations du même acabit. Ah, sans oublier la présence d'un thème tournant autour des apparences et d'une forme de coercition sociétales de celles-ci par la conscience de ceux qui vous entourent. Tout ceci – pour peu que vous ayez déjà joué à un titre de la série – devrait vous sembler familier. Ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose, d'ailleurs, ce sont ces spécificités qui ont mené la petite compagnie Atlus à produire l'une des séries de J-RPG les plus efficaces au monde et il me semble que bouder son plaisir face à ce titre serait une grossière erreur. Car, en plus d'être l'un des exemples les plus modernes du genre... c'est aussi l'un des rares titres de ce style a ne pas chercher une nouvelle identité face au flot de la modernité. Ce qui peut sembler paradoxal de la part d'une série qui s'appelle Persona.

MaSQuEdePuSTA
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le 11 oct. 2017

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