Un excellent jeu de plateforme et un des plus plaisants auxquels j'ai pu jouer sur le support. Capcom a fait étale de tout son savoir-faire sur ce titre, en le dotant d'une jouabilité sans faille, d'une direction artistique soignée et d'un level design garanti sans frustration. Parcourir les différents niveaux est un véritable plaisir. Aladdin saute, lance des pommes, accélère sans délai, change de direction de manière intuitive et s'accroche aux rebords avec une précision rarement égalée dans un jeu de ce genre. Seule micro-ombre éventuellement décelable au tableau du gameplay : un léger dérapage en fin de course si vous stoppez net la progression du personnage. Rien qui ne nous fasse croire un instant que le contrôle d'Aladdin puisse nous échapper.
Pour ce qui est de l'ambiance, le premier niveau dans Agrabah donne le ton. Outre les gardes qui vous chercheront des noises, la ville est parsemée d'étales de marchands et quelques habitants sortiront la tête de leurs fenêtres (vous permettant au passage de leur sauter sur le museau pour atteindre des plateformes), le tout bariolé de couleurs vives, comme la Super NES sait le faire. Bien que n'ayant pas un rendu graphique aussi proche du dessin animé que la version Megadrive, une certaine chaleur se dégage du titre, et particulièrement dans ce premier niveau qui donne l'illusion de grouiller de vie. Par ailleurs, le soft demeure fidèle à la trame scénaristique du long-métrage Disney (à l'exception du stage de la pyramide qui sera le seul écart majeur avec le matériau d'origine).
La bande-son, quant à elle, bien que constituée de peu de musiques du film, est de très bonne qualité (le thème de la caverne est même devenu culte pour certains). Elle conservera tout de même "Friend Like Me" et "A Whole New World". La première nous accompagnera lors des niveaux de la lampe, et la seconde pendant la phase en tapis volant avec Jasmine.
Le réel point faible de cette mouture Super NES est sa trop grande facilité. En effet, le game design ne vous opposera que très peu de difficultés (on se verra même offrir un drap afin de planer et pouvoir rusher les niveaux) et les amateurs de challenges resteront sur leur faim une fois Jafar terrassé. Cette facilité mise en lumière, le jeu reste, de par sa maniabilité aux petits oignions, son ambiance prenante et son level design basique mais efficace, un bonheur à faire et refaire.
Vient maintenant le temps de l'inévitable et sempiternel comparatif avec la version Megadrive, chapeautée par Virgin Games. Personnellement, je préfère la version de Capcom. Pour une myriade de détails qui ne sont signifiants que si l'on y est sensible, mais aussi et surtout pour deux points essentiels. Points qui ont davantage l'allure de crochets violemment portés au menton que d'arguments timidement avancés du bout de la plume. Le gameplay et le level design.
Chez Capcom, quand on se fait toucher, Aladdin effectue un mouvement de recul et on ne se pose jamais de question quant au dégât que l'on vient de prendre. Tout est clair. Chez Virgin, la lisibilité n'est pas optimale et les duels au sabre contre les gardes peuvent s'avérer frustrants tant les hitbox sont hasardeuses. On finit simplement par faire des petits moulinets à mi-distance en espérant remporter son duel, quand bien-même on a plus l'impression de taper dans le vide qu'autre chose. De plus, Capcom a tellement bien géré son affaire que, en plus de pouvoir sauter sur les ennemis ou leur lancer des pommes, on a également la possibilité de se suspendre à un rondin pour effectuer un mouvement de balancier afin d'envoyer valdinguer ces sbires (occasionnant un bruitage que je trouve jouissif). Une subtilité absente de la version de David Perry, dont les phases de plateforme peuvent aussi être une source de frustrations.
Là où sur Super NES il ne tient qu'à vous d'atterrir sans encombre sur une plateforme et où le jeu ne trahira pas votre acuité visuelle, sur Megadrive vous passerez souvent au travers en hurlant "Pourquoi ?!" . Dans le niveau de la prison, vous aurez beau atterrir au milieu d'une des dalles rétractables, si le jeu estime que votre timing n'est pas le bon, vous passerez à l'as. Dans le niveau de la fuite de la caverne, vous aurez la désagréable surprise de constater que certaines plateformes ne sont pas entièrement matérialisées. Si vous n'atterrissez pas sur les pixels que les développeurs ont décrété être les bons, vous aurez beau être visuellement dessus, vous chuterez. Dur...
Concernant le level design, les niveaux de la version SNES se déroulent de manière très (trop?) classique. On peut regretter leur manque de fantaisie mais ils se parcourent sans déplaisir et ne s'encombrent d'aucune fioriture. Sur MD, en revanche, plusieurs stages exigeront qu'on les explore afin de récolter ou détruire des objets indispensables pour avancer. Ils proposeront des embranchements à droite, à gauche, en haut, en bas... ce qui pourrait être vu comme un point fort, une alternative à la progression classique du scrolling gauche/droite, mais le tout semble assez fastidieux et les hitbox capricieuses ainsi que les plateformes douteuses achèveront de vous convaincre que ça ne tire pas le jeu vers le haut.
A ce titre, il est intéressant de comparer les niveaux de la lampe. Là où la version Super NES opte pour une approche de platformer pur, une lisibilité sans faille et un découpage en trois sous-niveaux bourrés d'idées visuelles rendant parfaitement hommage à la fantaisie du génie, la version Megadrive choisit de perdre le joueur en lui demandant d'emprunter un chemin fait de gélatine bleutée qu'il n'a pas le réflexe d'assimiler à un parcours praticable. Sans compter qu'évoluer dans ce fluide est un peu pénible car on s'y enfonce comme dans des sables mouvants. Pour parachever le tout, des mains faisant office de plateformes exigeront que vous sautiez à plusieurs reprises sur elles pour faire apparaître les autres mains vous donnant accès à la suite du niveau. Voilà le genre de fausses bonnes idées que s'autorise parfois la version MD. Cette dernière proposant beaucoup plus de challenge que son homologue sur SNES, il faut néanmoins préciser que ce challenge est davantage dû à un gameplay un poil approximatif et à un game design pas toujours efficace plutôt qu'à un bon calibrage de la difficulté.
Rien que les roulettes bonus de fin de niveau traduisent les philosophies distinctes de ces jeux. Là où chez Capcom vous êtes limite obligé de tomber sur une case qui vous avantage, la roulette made in Virgin vous fera souvent voir la tronche de Jafar, quand bien-même vous avez l'impression d'avoir fait en sorte de l'éviter. Toujours au rayon des plaisirs sur MD, les quelques interactions avec le tapis volant consisteront souvent à vous envoyer à toute vitesse sur les ennemis, vous forçant à apprendre les séquences par cœur pour éviter les morts idiotes. Sur SNES, les rares phases en tapis sont très maniables et dénuées de toutes fourberies.
Autre exemple parlant : le boss final. Jafar, sous sa première forme, propose un pattern tout ce qu'il y a de plus compréhensible et lisible sur SNES. Il passera l'essentiel de son temps en l'air, vous envoyant des éclairs ainsi que sa canne et fera quelques piqués qu'il faudra exploiter pour lui sauter dessus. Sur MD, il nous attire au loin avec sa canne, occasionnant une inertie un brin déconcertante et il faudra soit jouer d'agilité pour lui envoyer des pommes sans se faire toucher, soit se débrouiller pour arriver full life devant lui et le bourriner sans se soucier des dégâts que l'on pourra prendre. Ce boss n'a rien d'infaisable, dans l'absolu, mais il faut avoir le pad en mains pour saisir l'aspect foutraque de la chose. De plus, si vous n'avez pas amassé assez de pommes avant d'arriver à lui, l'entreprise sera d'autant plus fastidieuse. Certes, le jeu fera popper quelques pommes si vous tombez en rade pendant le duel, mais elles apparaîtront quatre par quatre et il faudra jouer avec le scrolling pour qu'elles se manifestent sinon vous pourrez les attendre longtemps.
La seconde forme n'arrangera pas les choses. Une fois transformé en cobra, Jafar vous enverra des vagues de flames qu'il faudra esquiver tout en évitant d'atterrir sur les plateformes, qui seront elles aussi enflammées. Pour peu que vous ayez des pommes à récupérer, elles se trouveront toujours au-dessus de ces plateformes. L'ennui c'est que l'on peut très facilement atterrir sur ces plateformes sans le vouloir car elles sont assez près du boss et le fait que vous soyez en train de sauter en contre-bas fait que vous avez de grandes chances de les emprunter par mégarde. Combinez ça à la hitbox particulière du jeu et vous comprendrez l'aspect brouillon que je veux mettre en exergue. Personnellement, j'ai tout bonnement fini par lui envoyer mes pommes une à une à distance, esquivant chaque flame, à tel point que je ne voyais même pas son sprite, devinant sa position et me fiant au bruitage qu'il émet quand on le touche. C'est le boss final et je l'ai battu hors-champ... Il faut dire que son sprite est tout petit et ne rend pas vraiment justice à la créature gigantesque du film.
Sur Super NES, l'affrontement est bien plus épique. La mise en scène est plus poussée et le cobra est vraiment géant. Il essaiera de vous plonger dans les flames en faisant onduler son corps qui vous sert de plateforme, vous lancera des boules sur lesquelles vous pourrez rebondir pour l'atteindre et vous chargera pour vous mordre (laissant ainsi sa tête vulnérable). Le combat est bien plus facile que sur Megadrive mais ô combien plus plaisant et impactant.
Je conclurai en précisant que je préfère également la mise en scène de la version Super NES. Les cut-scenes nous mettent beaucoup plus dans l'ambiance que les vignettes sur Megadrive. Sans parler de la séquence de fin, que l'on pourrait presque considérer comme inexistante sur la machine de Sega.
En définitive, certains trouveront la version SNES chiante comme la pluie et préfèreront la dimension moins linéaire et plus corsée de la version MD, quitte à s'asseoir sur un gameplay irréprochable. D'autres trouveront la version MD trop frustrante et brouillonne en dépit de son habillage graphique exceptionnel. Ceux-là embrasseront la vision de Capcom. Vous aurez aisément compris de quel côté je me trouve.
Note : 18/20