Alan, Wake me up before you go go.
Immense fan de Max Payne devant l'éternel (le jeu ne squatte pas la première place de mon top 10 jeu vidéo par hasard) c'est peu dire que j'attendais cette nouvelle production Remedy. Un développement fleuve, des retards à répétition, des accords commerciaux bidons annulant la version PC... voilà ce qu'on a essentiellement retenu de ces 5 dernières années, une attente longue et angoissante dans laquelle on avait presque oublier le jeu lui même. 5 ans, une attente longue et angoissante porteuse d'autant d'espoirs que de craintes, désormais entre nos mains Alan Wake s'apprête à livrer, enfin, ses secrets.
Alan Wake, en dehors d'un prétexte à jeu de mot sur A.Wake, qui est-ce exactement ?
Et bien Alan Wake est un écrivain de Thrillers policiers à succès qui décide de passer ses vacances avec sa femme à Brightfalls, une bourgade paumée dans les montagne, loin de l'agitation New-Yorkaise. Je disais écrivain à succès mais ce n'est pas tout à fait vrai puisque cela fait maintenant plus de deux ans qu'il n'a réussit à écrire une ligne, peut être que ce séjour loin de son monde habituel sera salvateur ou peut être est-ce le début de problèmes pires encore...
Car des problèmes il va en connaitre très vite lorsqu'Alan se réveille au volant d'une voiture, perdu au milieu de nul part et que son dernier souvenir remonte à une semaine, le moment où Alice, sa femme, a disparue. Comme si tout ceci n'était pas assez étrange il retrouve des pages d'un manuscrit signé de sa main, manuscrit qu'il ne se souvient pas avoir écrit...
Forcément on remarque immédiatement la forte inspiration Stephen King, référence la plus évidente mais on y trouve aussi du Poe ou du Lovecraft au détour de certains rebondissements. Alan Wake est un jeu très écrit, avec un histoire très mise en avant et une narration travaillée. Une narration qui emprunte d'ailleurs tout un tas de sources différentes pour se développer de façon tentaculaire. Au delà des incontournables cinématiques (bien réalisées d'ailleurs et pas trop longues) et des dialogues semi-interactif (on peut bouger dans la pièce et ramasser des objets) on découvre l'histoire à travers la voix-off d'Alan, les pages du manuscrit, les émissions de radio ou des émissions parasites à la télé.
On découvre ainsi des fragments narratifs un peu partout, qu'ils soient réels ou de natures plus troubles; qu'ils soient passés, présents ou... futurs. Une sorte de puzzle offrant toujours plus d'épaisseur à l'histoire sans jamais étouffer la compréhension de l'ensemble. Ainsi pour bien saisir tout ce qu'il se passe à Brightfalls il ne faut pas hésiter à être curieux sous peine de se priver de détails importants.
Ainsi on pourra suivre la conséquence des aventures d'Alan en écoutant l'adjoint au Sheriff Mulligan se plaindre à la radio, apprendre les petits tracas quotidiens de Brightfalls pendant que l'on essaye de survivre à un bucheron inamical ou encore redouter de traverser une clairière car on a lu qu'il nous arriverait un truc pas sympathique sur des pages ramassées avant.
Le travail accompli au niveau de l'écriture se ressent directement tant le jeu possède une densité appréciable à ce niveau là et ne cesse de nous surprendre jusqu'à un final d'une délicieuse ambigüité.
Il n'est d'ailleurs pas anodin que, lorsque défile le générique de fin, ce soit le scénariste, Sam Lake, qui apparaisse en premier, bien avant les programmateurs ou le producteur.
Tout n'est cependant pas parfait, si certains mystères ne sont pas levés de façon explicite dans un soucis de ménager l'ambiance et de nous permettre de tirer nos propre conclusions sur cette fameuse, et très réussie, conclusion il y a cependant quelques vrais soucis.
Les personnages ne bénéficient pas tous du même traitement, si Alan Wake et son agent sont fouillés et attachant on aurait aimé que certains autres soient aussi travaillés, tel le docteur Hartman dont le potentiel n'est vraiment pas assez exploité.
Mais il y a surtout l'agent Nightingale dont on ne connaitra jamais les raisons qui l'on poussées à venir à Brightfalls ni pourquoi il en veut à Alan Wake. Ce trou sur ses motivation tend à transformer le personnage en Deus Ex Machina qui relance l'intrigue à des moments clefs, un peu dommage.
Il faut aussi reconnaître que le narration souffre de certains creux, le cinquième acte par exemple est beaucoup trop long pour ce qu'il a à raconter et à tendance à piétiner pour rien.
Oui mais concrètement comment ça se joue Alan Wake ?
Il ne faut pas oublier qu'Alan Wake c'est avant tout un jeu vidéo et il propose un gameplay que l'on peut séparer en deux phases: celle de jour et celle de nuit.
De jour on est dans un jeu d'aventure assez basique où on se promène et on parle aux gens tout en ramassant divers objets.
De nuit on est dans un survival-horror armé d'une lampe torche et d'un flingue pour survivre. Ce gameplay de nuit constitue l'essentiel du jeu.
Le gimmick d'Alan wake est l'utilisation de la lumière, en effet on ne peut pas tuer nos ennemis directement il faut d'abord les laisser un certain temps dans la lumière avant de les atteindre. Une fois "nettoyés" nos ennemis sont à la merci de notre revolver ou de notre bon vieux fusil à pompe.
Sans casser des briques le gameplay tient bien la route et les gunfights offre de bonnes sensations, les animations sont convaincantes et les bruitages au top. L'essentiel du titre se déroule en forêt et le nombre de cache que cela offre à nos ennemis suffit à rendre les affrontement assez tendus et nous oblige à rester le plus mobile possible sous peine d'être pris à revers ou d'être coincé au bord d'un précipice.
Un gameplay ponctués de quelques variations telles que des séances de conduite automobile ou de phases désarmées nous obligeant à simplement repousser les attaques en espérant arriver en vie au prochain checkpoint.
Des variations qui ne gomment néanmoins pas complètement la sensation de répétition qui se fait sentir au bout de quelques heures. Le bestiaire étant très limité et la technique invariablement identique on finit par être un peu lassé à certains moments, surtout ceux où l'histoire est un peu flottante comme lors de l'acte cinq cité avant.
Un autre petit problème se fait sentir en mode de difficulté normale : les ennemis sont vraiment trop faible et les balles à foison si bien qu'on finit par ne plus vraiment avoir peur passé la surprise de départ. Dans un survival-horror ce sentiment de confort vis à vis des affrontement est tout de même gênant.
Un soucis qui disparait cependant en mode "cauchemardesque" avec des ennemis bien résistants, un Alan Wake bien faible et des balles qui diminuent beaucoup plus vite. Dommage que ce mode ne soit jouable qu'après avoir fini le jeu en normal.
Alors oui le gameplay est répétitif mais ce qui tire vraiment Alan Wake vers le haut c'est son travail sur l'ambiance, simplement phénoménale. Le jeu est plutôt joli et multiplie les effets pour offrir une atmosphère pesante. Les jeux de lumières sont évidemment le principal moteur de cette ambiance avec notre maigre faisceau de lampe torche qui perce une obscurité en perpétuelle mouvement (les nuages, la lumière de la lune, l'ombre qui entoure nos ennemis). Les décors et lieux rencontrés sont eux aussi particulièrement réussis et évocateurs.
Si l'écriture nous rappelle King ou Lovecraft le visuel lui lorgne clairement du côté de David Lynch et John Carpenter (mais il y en a d'autres). Il est pour ainsi dire impossible de ne pas penser à "Twin Peaks" ou à "L'antre de la folie" pour ne citer que les exemple les plus évidents.
Le seul vrai reproche technique que l'on pourrait faire à Alan Wake concerne les visages des personnage clairement décevants. Pour un jeu s'appuyant autant sur l'histoire et ses personnages c'est vraiment dommage d'avoir des animations faciales aussi pauvre et des regards aussi figés.
Difficile d'avoir un jugement arrêté sur Alan Wake, on sent clairement que l'équipe a privilégié l'écriture et l'ambiance au détriment du reste. L'interface, laide au possible, nous renvoie des années en arrière tout comme les animations faciales.
Cependant il faut reconnaître à Alan Wake le mérite de proposer une expérience narrative forte, ambitieuse et intelligente sans jamais renier sa nature propre : être un jeu vidéo; en embrassant le Cinéma et la Littérature sans jamais chercher à courber l'échine de honte de n'être "que" un jeu vidéo contrairement à d'autre.
C'est un fait Alan Wake est un pur jeu d'ambiance, dans lequel il faut accepter de rentrer et si l'on n'est pas séduit par l'histoire et ses personnages il n'y a pas vraiment de raison de s'accrocher au titre. Il est ainsi tout aussi facile de comprendre pourquoi certain vont adorer que de comprendre pourquoi certains vont détester. Toujours est il que si l'on accepte le voyage on pourra vivre une expérience aussi prenante que durable, à l'heure des jeu photocopie/kleenex c'est un grand bol d'air frais.