Nintendo vient de frapper très fort en lançant la 3ème génération de console à l’internationale avec le cultissime Super Mario Bros en fer de lance, mais il est une entreprise au nom de SEGA qui veut concurrencer le nouveau géant. Pour se faire, elle se dote d’un jeu de plates-formes 2D avec sa nouvelle mascotte pour affronter le plombier moustachu sur son terrain et vendre la Master System, la seule console qui fera un peu d’ombre à la NES à son époque. Alex Kidd in Miracle World était un jeu fondamental de son temps et nous allons voir si je le trouve à la hauteur du défi qui se dressait devant lui. Je vous propose pendant la lecture l’écoute de ce petit medley sympathique au violon et au piano.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : 7 / 10
Arborant des couleurs très vives dont une dominante par thématique environnementale, ce monde miraculeux fait une très belle promotion aux capacités d’affichage de sa console. Les textures sont particulièrement détaillées, les blocs de pierre ne sont par exemple pas de simples blocs marrons tout carrés, ils ont une certaine découpe sur les parois, comprennent des formes géométriques différentes… et ce soin du détail se retrouve un peu partout. Il n’y a que les animations qui sont assez basiques et très vite répétées, mais ça ne choque pas spécialement pour l’époque.
Les arrières-plans sont aussi souvent d’une couleur uni avec peu de détails mais comme ce qui est au premier-plan, et qui attire le plus le regard, profite de plus de détails, je ne trouve pas que c’est un problème. Le plus important est également qu’on repère d’un coup d’œil ce qui fait partie du décor et ce qui a un masque de collision, notamment par l’intensité des couleurs, aucun soucis de lisibilité à déplorer. Et bien entendu, le jeu tient un 60 FPS constant sans aucun problème, à part quelques légers soucis de clignotement de textures sur certains boss, et faut vraiment y regarder de près, rien à souligner de ce côté-là non plus.
Tout est de qualité honnête en fait, sans être spectaculaire. Le seul vrai tour de force technique que j’ai noté c’est qu’il est assez impressionnant que l’enchaînement de certaines séquences de jeu et décors se fasse sans temps de chargement, comme le fait de se retrouver sous l’eau dès le premier niveau après une chute. Ça se fait vraiment en plus sans le moindre accroc et en toute logique, pour un sentiment d’immersion renforcé, ce qui est toujours bon à prendre. Et si la réalisation est très correcte dans l’ensemble, l’esthétique s’inscrit dans la même logique.
Opa-Opa de Fantasy Zone faisait une mascotte bien timide pour SEGA et Alex Kidd a ainsi été designé pour le remplacer à ce niveau-là, son chara-design était donc un enjeu d’importance. Or, si ça a tenu sur les débuts de la Master System, ça s’est vite essoufflé pour s’effacer à la génération suivante. Si le design n’est pas du tout mauvais, il faut reconnaître que c’est un gamin à l’allure assez générique, voire oubliable, si l’on excepte son penchant pour les boulettes de riz, ou pour les hamburgers selon la version. Certains fans de Dragon Ball apprécieront peut-être ses vagues inspirations du côté de Sengoku, mais ça ne vole quand même pas très haut.
Il y a tout de même quelques choix esthétiques discutables ici ou là, comme le design de certains boss qui peut être très curieux, celui des hommes pierre, papier & ciseaux tout simplement hideux pour ne citer que cet exemple. Mais dans l’ensemble, le bestiaire est assez classique avec beaucoup d’animaux sans particularité. L’univers ne marque pas spécialement, dans le bon sens comme dans le mauvais, c’est peut-être ce qui fait que la suite de la série s’en éloignera souvent, pas forcément pour le meilleur mais ça c’est une autre histoire
Le compositeur Tokuhiko Uwabo, qui œuvrera également sur du Phantasy Star ou du Sonic pour SEGA à l’occasion, propose des thèmes efficaces sans être mémorables, musiques entraînantes en extérieures, mélancoliques dans les châteaux… On passe d’un thème à un autre de façon dynamique selon une situation de jeu donnée, comme se retrouver sous l’eau, perdre son véhicule… Pour les bruitages, ça fait aussi correctement le travail sans se distinguer réellement, à part peut-être le bruitage quand on récupère beaucoup de sous qui ressort nettement du reste, mais c’est anecdotique. Cette qualité honnête pas mais pas époustouflante s’applique aussi à la dimension ludique du titre.
GAMEPLAY / CONTENU : 7 / 10
Si la prise en main n’est pas immédiate avec l’impression d’une inertie un peu glissante et d’un masque de collision approximatif, malgré tout de même la possibilité de diriger la course du perso encore en l’air, un petit temps d’adaptation permet d’en limiter les soucis pour un maniement au final perfectible mais correct. C’est juste que le moindre dégât signifie la mort et que dans les passages les plus ardus, une maniabilité parfaite à la Super Mario Bros aurait sans doute été appréciable. Disons que si le jeu n’avait pas beaucoup d’ambitions ludiques au-delà de son maniement, ça serait insuffisant pour moi, mais là il a des ambitions notables et variées à faire valoir.
Le système d’argent à glaner sert à l’achat de différents items venant enrichir les mécaniques de jeu et récompenser réellement les sommes durement gagnées. La plupart des jeux de plates-formes d’époque, Mario inclus, n’allaient pas du tout aussi loin dans l’utilisation de leur système de monnaie, ça ne pouvait même servir qu’au score la plupart du temps. Malheureusement, ces mécaniques de jeu inédites ne sont pas toutes très bien maîtrisées, coucou la moto, et on sent bien que les niveaux ne sont pas suffisamment bien élaborés pour profiter pleinement de toutes ces variables.
Il y a tout de même quelques fulgurances, comme les niveaux à bateau où on accède à une partie alternative du niveau jusqu’à sa fin ou jusqu’à retrouver le parcours normal à la nage, une excellente idée qui fait que le bateau ne peut jamais déséquilibrer le jeu. Mais cette qualité-là n’est pas aussi présente qu’on pourrait l’espérer à la découverte de ces possibilités. Vu l’ambition affichée, très en avance sur la concurrence, et le bilan final qui reste très honorable, je tend tout de même à considérer cette diversité de mécaniques de jeu comme une force, bien que perfectible.
Elles s’expliquent part la volonté des développeurs de se différencier de Mario à tout prix, Kotaru Hayashida le dit lui-même en prenant l’exemple des touches pour sauter et frapper :
Nous avons inversé les commandes de saut et d’attaque par rapport à Mario simplement pour se différencier de lui. Quand on y repense, c’était une erreur qui rend le jeu inutilement plus compliqué.
Franchement, ça ne pose pas plus de problème que ça en l’occurrence, c’est juste assez symbolique de la façon de penser des créateurs. Par contre, les phases de boss qui peuvent être des purs jeux de mémoire et donc de Die & Retry, ou des combats où on s’approche et on spamme de coups jusqu’à la victoire sans avoir réellement à esquiver les attaques adverses, je ne suis pas vraiment convaincu de leur intérêt. C’est toujours sympa qu’il y en est, c’était pas forcément la norme de l’époque, Bowser étant par exemple un même boss répété en plusieurs variables dans le premier Super Mario, ça prouve une fois encore l’envie des développeurs de diversifier un maximum les situations de jeu, mais ce n’est pas non plus excellent dans la pratique.
D’une manière globale, le jeu est assez difficile sous ses airs enfantins et l’absence de système de sauvegarde, mots de passe… peut causer quelques frustrations quand on sait comme il est peut être facile de mourir. Le point de respawn, proche du lieu où on meurt et non au début du niveau, aide à limiter le problème même s’il peut être maladroitement placé et nous mettre en difficulté de façon très idiote. Heureusement que la possibilité de regagner des vies par le système d’argent compense aussi de son côté, mais ça ne sent encore pas la maîtrise la plus absolue.
Alex Kidd in Miracle World a aussi comme particularité d’avoir quelques niveaux non linéaires, d’arborer des phases de résolution d’énigme assez inattendues et de cacher quelques secrets nécessaires pour voir la vraie fin du jeu. C’est une nouvelle preuve d’ambition mais dont la qualité finale peut également être discutée. Même si on sent que le game-design n’arrive pas à parfaitement mêler ses diverses mécaniques et séquences originales, la tentative est très louable et la qualité finale très honorable.
CONCLUSION : 7 / 10
Assez impressionnant concurrent à Super Mario Bros de Nintendo, sorti seulement un an plus tard le jeu par défaut de la Master System et son best-seller fait preuve de pas mal d’audace dans la richesse de son gameplay avec ses différents véhicules et ses différents pouvoirs. La difficulté devient un peu exagérée à la fin, la prise en main du personnage est un peu frustrante... mais franchement ça tient bien la route et SEGA avait là l’occasion d’être au coude à coude avec son concurrent direct dans ce registre-là, mais malheureusement seul cet épisode y parviendra.